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Au lendemain des accords de Munich, en 1938, qui faisaient droit aux « légitimes » revendications de « Monsieur Hitler » sur les Sudètes, une partie du territoire tchécoslovaque peuplée majoritairement de germanophones, Winston Churchill lançait au Premier ministre Neville Chamberlain : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre ». Presque 80 ans après, cette formule célèbre pourrait parfaitement s’appliquer à l’incroyable silence qui accueille le retour au pouvoir en Autriche du FPÖ, un parti fondé par d’anciens Waffen SS dont l’appareillage idéologique, raciste (les musulmans ont remplacé les juifs même si l’antisémitisme irrigue toujours ce parti), ultranationaliste et irrédentiste, n’a pas grand-chose à envier à son sinistre prédécesseur, même si sa façade est évidemment adaptée à la réalité du XXIe siècle.
Les États européens, la France en particulier, se taisent, seule l’Italie s’inquiètant à raison de voir la nouvelle majorité noire-brune revendiquer de facto le Haut-Adige, cette région peuplée en majorité de descendants d’Autrichiens, ce qui rappelle quelques souvenirs là aussi. Quant aux institutions communautaires, elles ajoutent le déshonneur au silence. Recevant mardi soir le Premier ministre autrichien, Sebastian Kurz, qui a pris le risque fou de confier aux néo-nazis le contrôle de la police, de l’armée et des services de renseignements, Jean-Claude Juncker n’a pas eu de mots assez aimables à l’égard de ce « gentleman », le qualificatif utilisé par Chamberlain pour désigner Hitler, au physique de jeune premier. Il a expliqué benoitement qu’il n’avait aucun « préjugé » contre cette majorité et que « ce qui a été écrit dans le programme du gouvernement nous convient presque à 100% ». Car, au fond, ce qui compte pour le président de la Commission, c’est que « ce gouvernement a pris position très clairement en faveur de l’Europe » ! Pas un mot sur les « valeurs européennes », pas le moindre bémol inquiet. Antonio Tajani, le président du Parlement européen, l’institution censée représenter les peuples, a été tout aussi élogieux face au jeune et si pro-européen Kurz.
Bref, si on comprend bien, le fascisme est euro-compatible dès lors qu’il veut rester dans l’Union ! Une telle force de réflexion laisse sans voix. Les dirigeants communautaires devraient se rappeler que dans l’histoire l’infamie n’a jamais permis que de retarder l’inéluctable.
N.B.: billet publié dans Libération du 21 décembre