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Mon analyse de la partie européenne de l’accord de Grande coalition en Allemagne est ici.
En prime, la traduction du texte allemand qui se trouve là.
I- L’Union européenne est une institution historique importante
L’Union européenne est et doit rester un projet historique unique de paix et de réussite. Il combine l’intégration économique et le bien-être avec la liberté, la démocratie et la justice sociale. Le cœur de cette vision européenne est que l’UE utilise sa puissance politique et économique commune pour construire la paix à l’extérieur et la sécurité et la prospérité à l’intérieur. L’Allemagne est indéfiniment endettée envers l’Europe. C’est une autre raison pour laquelle nous nous engageons à son succès. Pour l’Allemagne, une Europe forte et unie est la meilleure garantie d’un avenir prospère dans la paix, la liberté et la prospérité.
L’équilibre mondial du pouvoir a fondamentalement changé ces dernières années - politiquement, économiquement et militairement. De nouvelles priorités pour les États-Unis, la force de la Chine et la politique russe montrent clairement que l’Europe doit plus que jamais prendre son destin en main. Ce n’est qu’ensemble que l’UE pourra s’affirmer dans ce monde et faire valoir ses intérêts communs. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons défendre nos valeurs et notre modèle social de solidarité, qui est lié à l’économie sociale de marché.
II. Nous voulons une Europe de la démocratie et de la solidarité
Nous voulons approfondir la cohésion de l’Europe à tous les niveaux sur la base de ses valeurs démocratiques et constitutionnelles et renforcer le principe de solidarité mutuelle.
Nous voulons que l’Allemagne joue un rôle actif dans le débat sur l’avenir de l’UE et renforce l’intégration européenne.
Nous voulons une Europe de la démocratie avec un Parlement européen renforcé et un parlementarisme vivant aux niveaux national, régional et local.
Nous voulons rapprocher l’Europe de ses citoyens et la rendre plus transparente, afin de regagner ainsi la confiance.
Les valeurs et principes démocratiques et constitutionnels sur lesquels repose l’unification européenne doivent être appliqués de manière encore plus rigoureuse qu’auparavant au sein de l’UE.
III. Nous voulons une Europe de la compétitivité et de l’investissement
Investir en Europe, c’est investir dans un avenir prometteur pour notre pays. La croissance et la prospérité en Allemagne sont intimement liées à la croissance et à la prospérité en Europe.
Nous voulons renforcer la compétitivité de l’UE et son potentiel de croissance dans le contexte de la mondialisation afin de garantir et de créer de nouveaux emplois pour l’avenir dans l’UE: c’est la base de notre bien-être futur.
L’économie sociale de marché, qui repose sur la responsabilité des entreprises, la responsabilité sociale, la cogestion et une juste répartition des richesses générées, a besoin d’une renaissance, surtout en ces temps de numérisation.
Nous voulons renforcer la politique de recherche stratégique de l’UE, la capacité d’innovation et l’achèvement du marché unique numérique.
Nous voulons également renforcer les forces d’investissement en Europe en poursuivant et en élargissant nos initiatives telles que le programme d’investissement européen EFSI (plan Juncker).
L’Europe doit être un continent d’opportunités, en particulier pour les jeunes. Ils sont l’avenir de l’Europe. Nous voulons que les jeunes puissent mettre leurs espoirs en Europe. Nous voulons qu’ils puissent trouver de bons emplois, se déplacer librement et en toute mobilité en Europe, se faire des amis et vivre concrètement la coexistence européenne. C’est pourquoi nous voulons lutter contre le chômage des jeunes avec davantage de fonds européens et étendre les programmes d’échange comme Erasmus+.
IV- Nous voulons renforcer les droits sociaux fondamentaux, en particulier le principe de l’égalité de rémunération pour un travail égal au même endroit dans l’UE, dans le cadre d’un pacte social. Nous voulons des conditions cadres équitables pour les travailleurs et une meilleure coordination de la politique du marché du travail.
Nous voulons élaborer un cadre pour les régimes de salaire minimum et les systèmes nationaux de sécurité de base dans les États membres de l’UE. Lutter contre le dumping salarial et les inégalités sociales dans les pays économiquement plus faibles d’Europe protègent également l’État-providence et l’économie sociale de marché en Allemagne.
Nous voulons promouvoir une mobilité équitable tout en prévenant les abus qui peuvent nuire à nos systèmes de sécurité sociale.
Nous voulons une plus grande comparabilité des normes éducatives dans l’UE.
Nous luttons contre le dumping fiscal, la fraude et l’évasion fiscales et le blanchiment d’argent, tant au niveau international que dans l’UE. Nous soutenons l’imposition équitable des grandes entreprises, en particulier les sociétés Internet Google, Apple, Facebook et Amazon.
Les entreprises ne pourront plus à l’avenir déroger à leur responsabilité sociale.
Les Etats membres de l’UE ne peuvent se décharger de leurs responsabilités dans le domaine fiscal. Il faut empêcher le dumping fiscal. Nous soutenons une assiette fiscale consolidée commune et un taux minimum d’imposition des sociétés. Le principe doit donc être que le pays du profit est aussi le pays d’imposition. Avec la France, nous voulons prendre une initiative dans ce domaine, également afin d’apporter une réponse européenne aux changements et aux défis internationaux dans ce domaine, notamment aux États-Unis.
Nous voulons conclure l’introduction d’une taxe substantielle sur les transactions financières.
V. Nous voulons une Europe de paix et de responsabilité mondiale
Les défis mondiaux nécessitent des réponses européennes. Nous sommes d’accord sur le rejet catégorique du protectionnisme, de l’isolationnisme et du nationalisme. Nous avons besoin d’une coopération internationale accrue et non moindre.
Les défis locaux ne peuvent être réellement résolus qu’au niveau local. C’est pourquoi nous avons besoin d’une vraie subsidiarité, y compris pour renforcer la marge de manœuvre des municipalités et des États.
La politique étrangère et de sécurité commune européenne doit être renforcée dans l’esprit d’une puissance européenne de maintien de la paix. Elle doit suivre le principe de la primauté du politique sur le militaire et respecter les principes du maintien de la paix et la prévention civile des crises. Nous voulons renforcer et dynamiser la coopération en matière de politique de sécurité et de défense.
En ce qui concerne les réfugiés et la politique migratoire, l’UE doit être à la hauteur de sa responsabilité humanitaire et, en même temps, mieux organiser et gérer les migrations. Nous voulons combattre les causes de la fuite, protéger plus efficacement les frontières extérieures de l’UE et créer une responsabilité partagée au sein de l’UE.
Nous voulons renforcer la coopération avec l’Afrique à tous les niveaux par le biais d’une stratégie africaine cohérente.
Nous voulons une politique commerciale ouverte et équitable qui profite à tous et vise la croissance, la durabilité et la justice.
L’UE doit jouer un rôle de pionnier dans la protection du climat au niveau international et plaider pour une mise en œuvre ambitieuse de l’accord de Paris sur la protection du climat.
L’UE a également besoin d’une politique étrangère et de droits de l’homme commune.
Afin d’atteindre ces objectifs, nous voulons renforcer la capacité d’action de l’UE, en particulier du Parlement européen. Nous voulons renforcer l’UE sur le plan financier afin qu’elle puisse mieux accomplir ses missions: C’est ce que nous ferons dans le prochain cadre financier pluriannuel. Nous sommes également en faveur de ressources budgétaires spécifiques pour la stabilisation économique et la convergence sociale, ainsi que pour soutenir les réformes structurelles dans la zone euro, qui pourraient constituer le point de départ d’un futur budget d’investissement pour la zone euro. Nous sommes également prêts à augmenter les contributions de l’Allemagne au budget de l’UE.
Dans ce sens, et surtout en partenariat étroit avec la France, nous voulons renforcer et réformer la zone euro à long terme, afin que l’euro résiste mieux aux crises mondiales. Nous voulons promouvoir le contrôle budgétaire, la coordination économique au sein de l’UE et de la zone euro, ainsi que la lutte contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale agressive. Nous examinerons les propositions des États membres et de la Commission européenne. Nous voulons développer davantage le mécanisme européen de stabilité (MES) pour en faire un Fonds monétaire européen contrôlé par le Parlement, qui devrait être ancré dans le droit de l’Union.
Dans l’ensemble, nous sommes guidés par le fait que l’UE doit défendre la solidarité entre les États membres et ses citoyens. Le principe de solidarité mutuelle doit également s’appliquer au budget de l’UE. En même temps, le principe selon lequel la responsabilité en matière de risque et la responsabilité civile sont liées doit continuer de s’appliquer à l’avenir.
Le renouveau de l’UE ne réussira que si l’Allemagne et la France unissent leurs forces. C’est pourquoi nous voulons renforcer et renouveler la coopération franco-allemande. Un nouveau traité de l’Elysee est un premier pas important dans cette direction. En particulier, l’Allemagne et la France doivent également jouer un rôle moteur en matière d’innovation et le démontreront dans des projets tels que la recherche sur l’intelligence artificielle. Nous voulons élaborer des positions communes sur toutes les questions importantes de la politique européenne et internationale et montrer la voie dans les domaines où l’UE à 27 États membres n’est pas en mesure d’agir.
Chères amies, chers amis : les vœux de EU-Logos pour l’année 2018
Qui dit nouvelle année, dit rétrospective et prises de bonnes résolutions. Nous n’échappons pas à cette loi du genre. Année 2018, année décisive pour l’Europe, reconquérir ses citoyens, les mobiliser dans l’unité et l’efficacité. En 2018, confirmer un renouveau incontestable mais encore fragile, et aussi assumer ses responsabilités historiques. 2018, une année combative pour l’Union européenne, une année solidaire entre ses membres .L’année 2018, l’année du réveil et de la refondation ? année des conventions démocratiques et de leur succès ? C’est ici que les vœux prennent tout leur sens.
L’Europe a su faire preuve de résilience. Un redressement économique et financier réel mais limité et encore fragile pour certains. Les dangers politiques persistent eux aussi, ils rôdent toujours. Le populisme et ses différents avatars ont reçu un coup mais pas un coup fatal. L’opinion publique est à l’arrêt après avoir, pour une bonne partie d’entre elle, tourné le dos à un déni d’Europe manifestement excessif, et au bout du compte, peu convaincant. A l’arrêt, elle observe et s’interroge, elle est prête cependant à faire confiance si se confirment les premiers succès.
Mais c’est une attente qui se prolonge du fait de nouveaux phénomènes apparus entre- temps: le retour inattendu de la menace nucléaire, la confirmation des périls du cyber monde, le désarroi identitaire, la paupérisation des classes moyennes, l’aggravation, lourde de menaces, des inégalités entre pays (1), mais aussi à l’intérieur d’un même pays : l’injustice sociale ne produirait-elle pas une double radicalisation, populiste et djihadiste ? A joutons les déstabilisations de tous ordres créées par des phénomènes migratoires non maitrisés .Que dire des développements de l’intelligence artificielle et des fantasmes qui lui sont liés ? Que dire aussi des futurs bouleversements liés aux changements radicaux dans nos modes et comportements productifs ?
En face, les errements de Donald Trump, et la Chine qui assume de plus en plus ouvertement son ambition de conquérir le leadership mondial que seule l’Europe semble en mesure de lui contester ,en partie, surtout s’il advenait que la Chine se présente, de façon trop assurée et permanente, comme le seul héraut de la lutte contre le réchauffement climatique ou apparaisse comme le promoteur incontesté d’une mondialisation qui serait alors sans partage.
L‘Europe est comme à l’arrêt, dans l’attente de confirmations, d’infléchissements ou d’effondrements imprévus. Mais l’avenir, on ne l’attend pas comme on attendrait un train, sur le quai d’une gare ; l’avenir, on le construit. Pour le construire, il n’est pas de meilleure occasion qu’un bon usage de ces conventions démocratiques initialement proposées par Emmanuel Macron et depuis rebaptisées « consultations citoyennes ».
Ces conventions présenteraient un premier intérêt : déborder les schémas proposés habituellement par les représentations traditionnelles (les partis, les syndicats, les bureaucraties….) où s’inscrivent d’ordinaire les revendications. Une révolte donc et, pour y être fidèles, consacrer nos énergies à l’organisation d’un vaste débat européen afin de poser les bons diagnostics de la situation actuelle et trouver les meilleures solutions. Nous donner les moyens de savoir ce que nous voulons. C’est-à-dire plus que des consultations, fussent-elles « citoyennes ».
Dans ces moments d’incertitudes à haut risques, nos démocraties européennes doivent savoir se remettre en cause, qu’il s’agisse d’éducation, de croissance économique durable et inclusive, du renforcement du lien social. Sur le plan international, face au renouveau des violences, au renouveau des idéologies et des régimes hostiles à la démocratie, l’Europe doit confirmer ses valeurs, assumer la charge de la défense de l’Etat de droit, y compris, le cas échéant, sur le plan militaire. Rappelons qu’en 2016, après cinq années consécutives de baisse des ventes d’armes, celles-ci viennent de repartir à la hausse et d’augmenter en 2016 de 4%, pour un montant annuel de 217,2 milliards de dollars, les ventes de l’Europe occidentale restant stables.(Données du SIPRI).
Difficile d’imaginer des vœux plus engageants et plus ardents pour ces conventions démocratiques. Sur quoi doivent-elles faire porter prioritairement leurs efforts dans la conjoncture actuelle caractérisée par la persistance de l’extrême droite populiste et sa banalisation ? Dans une Europe où tout repose sur le consensus et le souci de l’apaisement, il est difficile de remettre en cause des pays au comportement peu démocratiques, mais élus démocratiquement. L’Europe est largement impuissante du fait de ses règles (l’unanimité par exemple) mais aussi de ses comportements. Pour toutes ces raisons, cette banalisation de l’extrême droite populiste fait malheureusement l’objet d’un consentement rampant, inavoué : ce consentement est, qu’on le veuille ou non, accepté, toléré. Il faut reconnaître que ces droites populistes, ces gauches radicales sont polymorphes avec une forte plasticité redoutable, ce qui rend malaisée la réplique. Pascal Ory (2) a bien décrit le phénomène : « Une culture politique de droite (…) dans un style de gauche (….) une idéologie de synthèse qui permet à la droite radicale de trouver le chemin des classes populaires en adoptant un style de gauche, avec, à droite comme à gauche, cette stratégie, intransigeante et volontiers paranoïaque, nourrissant une conception simple de l’univers, à la fois manichéenne et symétrique », eux et nous !
La capacité de l’UE à se remettre en cause est essentielle et cela constitue pour elle un défi d’un type nouveau. Elle va devoir se questionner, ce qui est compliqué quand il ne s’agit pas de tout casser, tout faire éclater. Face à la persistance de l’extrême droite, il n’y a pas d’autre issue que d’inviter l’UE à se mettre en cause et proposer « du nouveau », à l’intégrer dans un contexte historique de longue durée , à l’opposé du « court-termisme » actuellement dominant où chacun semble ne vouloir retenir que ce qui l’intéresse directement et immédiatement, dans une course éperdue à tous les opportunismes.
Pas d’autre issue que de confier aux conventions démocratiques cette tâche de la dernière chance. En outre, cette démarche est susceptible d’enlever aux citoyens le sentiment qu’ils ne sont plus maîtres de leur destin, dépossédés de leur souveraineté. La voix des citoyens ne compterait pour rien. Or ce qui est proposé, c’est un processus délibératif d’un type inédit par son déroulement, sa méthode, son ampleur et sa durée, quasiment jusqu’aux élections du Parlement européen en 2019.
Concernant ces conventions démocratiques, nous y reviendrons régulièrement au cours des mois prochains et la première fois le 13 février 2018, où Eulogos organisera au Press Club de Bruxelles, une conférence intitulée « l’Union européenne à la reconquête de ses citoyens ». Ce sera l’occasion d’approfondir et de concrétiser ce nouveau concept de consultations citoyennes ou conventions démocratiques, en organisant leur mise en œuvre. Déclencher une dynamique nouvelle susceptible de produire des « cahiers de doléances » qui, à l’image du précédent historique de 1789, viendraient alimenter les « Etats généraux de l’Europe ».
Meilleurs vœux pour 2018. Que cette année soit une réussite !
Henri-Pierre Legros