L’UE réitère son engagement dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Que ce soit pour demander une ratification plus étendue de la convention d’Istanbul (Convention du Conseil de l’Europe contre la violence à l’égard des femmes et contre la violence domestique) ou encore pour condamner les récentes mesures russes concernant la loi sur la dépénalisation de la violence domestique.
Une violence structurelleLors d’une conférence à La Valette le 3 février dernier, les représentants des institutions européennes ont adopté une déclaration qui demande un dialogue à la fois ouvert et constructif afin de dégager les causes et conséquences de la violence basée sur le genre (autrement dit, la violence touchant les femmes parce qu’elles sont des femmes). Dans le même mouvement, elle exhorte les États membres à s’attaquer à cette forme de discrimination et de violence, notamment, en ratifiant la convention d’Istanbul. Cette dernière, portée par le Conseil de l’Europe, a comme intérêts la prévention et la lutte contre la violence à l’égard de la femme ainsi que la violence domestique. À ce jour, le texte n’est ratifié que par la moitié des pays de l’Union européenne. Sont encore manquants ; la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, l’Estonie, la Grèce, Chypre, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, La Slovaquie, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
La violence faite aux femmes se manifeste de plusieurs façons : il peut s’agir de harcèlement, de harcèlement sexuel, de violence physique, psychologique et sexuelle, de mariage forcé, de mutilation génitale mais aussi d’avortement forcé ou entravé (notons que dans ces deux derniers cas, ce sont des formes de violence exclusivement destinées à l’encontre du genre féminin). Ces actes de violence cruels et dégradants sont, dans la grande majorité des cas, perpétrés par des hommes ou selon la tradition patriarcale. Bien que les formes soient différentes, cette violence est fondamentalement d’ordre structurel. Elle est utilisée pour asseoir la domination masculine, pour maintenir le contrôle et le pouvoir des hommes sur les femmes. Ce que dénonce précisément la convention d’Istanbul. Cette dernière, mue par le Conseil de l’Europe, invite les États à lutter en adoptant des mesures de prévention, de protection, mais aussi de sanction.
La convention d’Istanbul ou le premier traité contre la violence à l’égard des femmesD’un point de vue historique, le rôle moteur du Conseil de l’Europe est indéniable. Cette organisation, déjà très importante au point de vue de la protection des Droits de l’Homme en Europe, se penche dès 1990 sur la question des violences faites à l’encontre des femmes. À coup d’études et d’enquêtes, cette organisation a permis de dessiner les contours de ce fléau en Europe et de montrer à quel point sa gestion nationale varie selon les pays. Face à cela, une harmonisation des normes juridiques s’avère nécessaire afin d’assurer aux victimes la même protection partout en Europe. En proposant cette convention dite d’Istanbul, le Conseil de l’Europe atteste de sa volonté politique d’agir en fixant des normes globales pour prévenir et combattre cette violence. Adoptée par le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011 et ouverte à la signature le 11 mai 2011, la convention est entrée en vigueur le 1er août 2014 après avoir été ratifiée par dix pays (dont 8 États membres). Elle est un instrument juridiquement contraignant qui œuvre à la prévention, à la protection et aux poursuites de ceux qui se rendent coupables de ce type de violences.
Afin d’instaurer une meilleure prévention, les États-parties sont tenus d’appliquer les mesures préconisées dans le texte. Celles-ci renvoient à la formation des professionnels en contact avec les victimes, à l’organisation de campagnes de sensibilisation, mais aussi à l’importance d’inclure dans le matériel pédagogique la notion d’égalité des sexes. Un travail toujours plus étroit avec les ONG’s déjà en place doit être effectué ainsi qu’une conscientisation des médias et du secteur privé pour éliminer les stéréotypes de genre et promouvoir le respect mutuel. Dans un élan inclusif, la convention invite l’ensemble des citoyens et plus particulièrement les hommes, à éradiquer la misogynie persistante (présente dans certaines pratiques traditionnelles dangereuses et dans la discrimination tenace en fonction du genre). Une réelle égalité des sexes doit être envisagée pour comprendre et dépasser cette forme de violence fondée sur le genre. La mise en place d’une politique d’égalité entre les hommes et les femmes est nécessaire pour favoriser l’autonomisation des femmes. La protection et l’aide font également partie des améliorations qu’apporte la convention. Cette dernière garantit une protection aux victimes et aux témoins par la mise en place coordonnée d’interventions policières, de services d’aide spécialisés (tels que les refuges ou l’assistance téléphonique). Cette aide doit assurer un accès clair et pertinent aux informations et outils, notamment juridiques, qui sont à disposition des victimes. Concernant les sanctions définies et mises en place par le texte, les États-parties devront reconnaître et introduire de nouvelles infractions dans les ordres juridiques nationaux (harcèlement, mariage forcé, mutilations génitales féminines). Ils devront également s’assurer que la tradition, la culture ou encore « l’honneur » ne puissent pas être entendus comme étant des justificatifs légitimes de ces comportements. Poursuivre les auteurs de ces violences devient alors possible. Plutôt qu’une instance unique, la mise en place de politiques globales et intégrées réunissant ONG, organismes publics, parlements et pouvoirs nationaux, régionaux et locaux ainsi que la totalité des citoyens, doit être privilégiée. La convention s’attaque aux stéréotypes de genre qui touchent toutes les strates de la société et qui n’ont pas que les femmes pour cible ; les garçons et les hommes, mais aussi les membres de la communauté LGTB et les transgenres souffrent de cette discrimination.
Vers une protection des femmes réfugiées ?Le texte de la convention consacre une part importante aux traitements des mutilations génitales féminines (MGF). Cette pratique existe partout dans le monde, y compris en Europe. En ratifiant la convention, les États-parties se voient contraints d’adopter des mesures préventives en vue de soutenir les femmes et les filles victimes (ou victimes potentielles) de ces mutilations. Une amélioration des procédures qui détermine le statut de réfugié pour les demandeuses d’asile doit aussi être envisagée. Le texte réclame l’adoption de mesures législatives afin de s’assurer que la violence fondée sur le genre puisse être reconnue comme un motif valable de demande d’asile. Il faut réexaminer le statut de réfugié par le prisme d’une interprétation sensible au genre.
La convention crée l’obligation de protéger les femmes indépendamment de leur lieu de résidence ou de leur statut. En respectant ce principe de non-refoulement, les États-parties garantissent à celles qui en ont besoin la certitude de ne pas être expulsées vers un pays où leur vie est en danger. La convention veut intégrer les mutilations génitales féminines comme étant un péril qui nécessite une telle protection.
À l’origine du texte, on retrouve des députés conservateurs voulant lutter contre « la destruction de la famille ». Ce projet de loi a comme objectif d’alléger les peines en cas de violence au sein du cercle familial. Il est question de transformer les sanctions punissant les actes de violence n’entraînant pas d’hospitalisation ; soit de passer d’un délit pénal passible de 2 ans d’emprisonnement à une infraction administrative (sauf en cas de violence grave ou de récidive). Rappelons qu’en Russie, 10 000 femmes meurent chaque année sous les coups de leur conjoint. Avec cette nouvelle loi, promulguée le 7 février 2017 par Vladimir Poutine, l’arsenal judiciaire mis à disposition des victimes est considérablement réduit. Cela dit, l’État russe espère pouvoir préserver les valeurs traditionnelles familiales.
Par voie de communiqué, l’Union européenne condamne cette nouvelle loi comme représentant un « net recul » dans l’engagement à lutter contre la violence à l’égard des femmes. En plus de fragiliser les efforts déployés à l’échelle mondiale pour combattre cette violence, elle en nie la gravité et la spécificité propre. La Russie fait partie des quatre états membres sur les quarante-sept du Conseil de l’Europe à n’avoir ni ratifié ni signé la convention d’Istanbul. Cette convention criminalise explicitement tout acte de violence sexuelle ou psychologique au sein de la famille et entre conjoints ou partenaires actuels ou passés.
Pour s’avérer efficaces, la convention et les nouvelles obligations qu’elle impose (réformer les lois, établir des mesures pratiques coordonnées, dégager des ressources pour une meilleure prévention) devront faire l’objet d’une surveillance et d’une évaluation officielle. Si la convention d’Istanbul est le premier traité consacré à la violence faite à l’encontre des femmes et la violence domestique, il est opportun de garder à l’esprit que le texte, adopté en 2011 et ratifié en 2014, ne l’est que par à peine la moitié des États membres. Parmi les abonnés absents, l’Allemagne et le Luxembourg, deux des six pays fondateurs de l’Union européenne l’ont seulement signée. Alors qu’en 2015, pourtant en plein contexte d’élection présidentielle, le président polonais Bronislaw Komorowski passe outre les revendications de la droite conservatrice et de l’Église catholique et permet à la Pologne de ratifier le document. Il déclare à la presse l’importance de « prendre le parti des victimes abusées, des faibles » plutôt que « faire des calculs électoraux ».
Il est utile de rappeler qu’actuellement, aucun pays au monde n’a pu mettre en place une égalité de jure et de facto entre les hommes et les femmes. Selon cette perspective, on peut envisager la convention d’Istanbul comme étant une première pierre à l’édifice européen pour la parité, mais surtout ne pas perdre de vue le travail qu’il reste à réaliser pour enfin y parvenir.
Sophie Mincke
Principales sources d’information/Pour aller plus loin :
Convention d’Istanbul https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=0900001680462533
Assemblée parlementaire : réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence
http://website-pace.net/fr/web/apce/women-free-from-violence
Dépliant du réseau parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence
le monde : articles sur la dépénalisation de la violence contre les femmes (Russie)
la déclaration du porte-parole de la Commission
https://eeas.europa.eu/delegations/council-europe/20567/node/20567_fr
Conseil de l’Europe : Russie, salle de presse
Conférence : femmes réfugiées et convention d’Istanbul
Cette nature particulière, pour l’instant sans équivalent dans le monde, peut entraîner des problèmes de compréhension. La citoyenneté européenne n’a pas encore beaucoup de manifestations matérielles et symboliques dans la vie quotidienne des européens, même si elle se retrouve maintenant sur les modèles communs de passeports et de permis de conduire.
D’abord instituée par le traité de Maastricht en 1992 comme une mesure symbolique, la citoyenneté européenne a progressivement pris corps. En plus d’affirmer le principe d’égalité de traitement entre chaque Européen, elle crée un ensemble de droits et de libertés dont on peut faire exercice. Le mot « citoyenneté » rappelle aussi la vocation politique et démocratique de l’Union européenne et les devoirs de participation qui y sont associés.
La création de la citoyenneté européenne marque une étape majeure dans l’approfondissement de l’intégration européenne. Elle est venue mettre un nom sur un ensemble de droits et de devoirs qui existaient déjà, comme celui de voter ou d’être élu aux élections européennes, et plus globalement de travailler dans les institutions européennes. En créant cette nouvelle catégorie légale de « citoyens européens », elle permet de ne plus juger les Européens qui veulent exercer leurs droits sur la base de leur nationalité mais sur cette base européenne désormais commune.
La nationalité ne rentre donc plus autant en compte, car la citoyenneté européenne a vocation à être « le statut fondamental des ressortissants des États membres» (CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C-184/99), c’est-à-dire qu’un Européen, quand il exerce ses droits garantis par l’Union, doit être d’abord considéré comme un citoyen européen et non pas un ressortissant d’un État qui fait partie de l’Union. La citoyenneté européenne crée donc ce lien symbolique et légal direct entre l’Union et ses citoyens, ce qui permet à tout le monde d’être jugé sur un pied d’égalité sans aucune discrimination basée sur sa nationalité et l’exercice de sa citoyenneté nationale.
Une citoyenneté, des droits, et peu de devoirs :
Comme la citoyenneté nationale, la citoyenneté européenne entraîne des droits et des devoirs. Étant donné que l’Union européenne n’est pas un État, elle ne peut pas exiger l’exercice de devoirs formels de ses citoyens. Il n’est par exemple pas possible d’instaurer une conscription européenne sans avoir une armée commune. L’Union ne peut pas non plus lever d’impôts, et le vote n’est pas obligatoire aux élections européennes. Tous les devoirs sont donc informels : bien s’informer de l’actualité européenne, développer des opinions et participer à la vie politique européenne.
Par contre, grâce au rôle central du droit dans la construction européenne, la citoyenneté européenne apporte un vaste ensemble de droits à ses détenteurs. À l’exception de la saisie du Médiateur européen et du droit de pétition au Parlement européen qui sont sans conditions, certains de ces droits peuvent être étendus aux résidents des pays membres, mais de manière très encadrée et souvent limitée.
Ces droits conférés par la citoyenneté européenne sont multiples mais ont souvent un dénominateur commun : il faut être dans le champ d’application du droit de l’Union européenne pour en bénéficier. C’est-à-dire qu’il n’ont pas d’utilité dans une situation purement interne, où un ressortissant national est dans son pays sans avoir de lien avec un autre pays européen. Cette condition est évidente pour tous les droits qui ont trait à la circulation des individus dans l’Union. Il n’est par exemple pas possible de bénéficier de soins médicaux dans un pays autre que celui de sa nationalité sans se rendre dans ce pays. De manière toute aussi logique, il faut résider dans une ville d’un autre pays européen pour pouvoir y voter lors des élections municipales.
Il existe aussi des droits qui n’ont pas besoin d’êtres activés par la circulation ou l’exercice d’une activité transfrontalière. Voter aux élections européennes, s’y présenter, travailler pour les institutions européennes, être informé des différentes conditions liées à ces droits font tous partie de cette catégorie. Globalement, ces droits ont souvent trait au droit et au devoir fondamental de participer à la vie politique de l’Union. L’initiative citoyenne, un des droits les plus récents, donne aux citoyens européens un droit d’initiative populaire. S’ils arrivent à ressembler un million de signataires, la Commission européenne est formellement invitée à présenter un projet de législation. De cette manière, des citoyens européens ont déjà fait réagir la Commission sur la question de la vivisection, sur les activités entraînant la destruction d’embryons humains, et sur l’instauration d’un droit à l’eau et à l’assainissement. D’autres initiatives sont en cours. La dernière en date porte par exemple sur l’interdiction du glyphosate et la protection de la population et de l’environnement contre les pesticides toxiques. Ce droit d’initiative populaire, qui n’existe pas au niveau national dans tous les pays membres, permet une expression active des Européens.
Les nouvelles mesures annoncées par la Commission :
La citoyenneté européenne n’apparaît pas comme évidente aux yeux de tous les Européens, et ses effets juridiques sont peu à peu découverts et précisés par la Cour de Justice de l’Union européenne. À la fois en raison de sa nature exceptionnelle et de sa création relativement récente, il existe encore des zones de flou ou d’incompréhension autour du concept. C’est pour cela que la Commission européenne publie tous les trois ans un rapport sur la citoyenneté de l’Union, dans lequel elle évalue l’impact que peut avoir cette citoyenneté sur la vie des Européens, examine la façon dont elle est comprise et perçue, et suggère les mesures à prendre pour la promouvoir et la renforcer.
Dans le dernier rapport, publié en janvier 2017, la Commission se félicite du nombre croissant d’Européens qui sont conscients de leur statut de citoyens de l’Union. Désormais, environ 90% des détenteurs de ce statut savent qu’ils le possèdent et la majorité savent que cela leur procure des droits. Par contre, une lecture plus en détail de ce rapport et du baromètre européen sur la citoyenneté européenne de 2016 nous montre qu’il existe de très grandes différences dans les informations. Par exemple, un nombre très limité d’Européens connaissent le droit à la protection diplomatique et consulaire dans les représentations des autres États membres, alors que presque tous les Européens savent qu’ils peuvent voyager dans l’Union européenne sans visa et avec une seule pièce d’identité.
C’est dans la perspective de promouvoir ces droits et d’engager les citoyens à plus et mieux participer à la vie politique de l’Union européenne que la Commission a défini quatre domaines dans lesquels travailler pour pallier les limites de la citoyenneté européenne : la promotion des droits et des valeurs communes liés à la citoyenneté européenne, le renforcement de la participation des citoyens à la vie politique de l’Union, une simplification administrative de l’exercice de ces droits, et enfin le renforcement de la sécurité et la promotion de l’égalité. Dans ces quatre thèmes se trouvent une batterie de mesures concrètes, comme par exemple des campagnes d’information sur les droits , sur la violence envers les femmes, et sur le droit à la protection diplomatique et consulaire.
La Commission s’engage aussi à travailler sur la mise en place d’un portail numérique unique pour centraliser les informations pour les citoyens mobiles, ou encore promouvoir et renforcer le volontariat transfrontalier grâce au corps européen de solidarité. Ces mesures sont, comme souvent dans l’action des institutions européennes, accompagnées d’obligations de rapports annuels ou bisannuels : un rapport sur les programmes nationaux accordant la citoyenneté européenne à des investisseurs est prévu en 2017/2018, et l’évolution des différentes actions mentionnées dans ce rapport devront faire l’objet d’évaluations régulières.
Des naturalisations douteuses pour pouvoir bénéficier de la citoyenneté européenne :
La citoyenneté européenne a beaucoup d’attraits. Elle est parfois tellement attrayante que certains États membres ont développé des programmes qui permettent à de riches investisseurs étrangers d’acheter, à différents prix et avec différentes conditions de résidence, un passeport d’un État de l’Union européenne. Le cas de Malte est saisissant : l’île méditerranéenne a lancé en 2013 le « Individual Investor Programme », qui permet aux investisseurs étrangers qui injectent un certain montant dans l’économie locale (650 000€ en tout), qui achètent une propriété dans le pays et qui s’engagent à y résider pendant au moins 5 ans, d’acquérir la nationalité maltaise en seulement six mois, et ainsi pouvoir très rapidement bénéficier de tous les avantages liés à la citoyenneté européenne.
Malgré la vague de protestations qui a suivi l’annonce de cette mesure, le programme existe toujours aujourd’hui. La Commission européenne s’est contentée de rappeler que les États membres gardent une souveraineté absolue quant à leurs politiques de naturalisations, et que la citoyenneté européenne vient s’ajouter à toutes les citoyennetés nationales des États membres. Le fait de monnayer une citoyenneté vient clairement s’opposer aux principes et aux valeurs démocratiques de l’Union européenne. Vendre un passeport, sans s’attarder un instant sur les composantes culturelles et politiques de celui-ci, va contre le principe d’égalité qui prohibe l’achat de droits.
Ces programmes, en conditionnant seulement les naturalisations à des investissements financiers et des conditions de résidence laxistes, donnent à des ressortissants d’États tiers la possibilité de simplement acheter les différentes libertés conférées par la citoyenneté européenne. Dans un contexte humanitaire international très difficile, où des millions d’individus sont forcés de quitter leurs pays pour aller demander l’asile autre part, de tels programmes ne peuvent donner qu’une mauvaise image des États membres qui ont de tels programmes.
D’un côté, les riches investisseurs se voient aisément garantir le statut légal le plus sûr du droit de l’Union européenne, de l’autre, les individus les moins favorisés luttent pour obtenir le simple statut de demandeur d’asile dans un pays membre.
Un statut que beaucoup de Britanniques aimeraient préserver :
Cet attrait exercé par la citoyenneté européenne s’observe aussi dans les débats autour de la question du Brexit. Charles Goerens, un député européen Luxembourgeois, a proposé en novembre 2016 de créer pour les citoyens britanniques une « citoyenneté associée » après le Brexit. Cette citoyenneté associée ne serait pas automatiquement conférée à tous les ressortissants britanniques, mais serait donnée aux britanniques « qui se sentent partie prenante du projet européen ». Deux types de critiques ont immédiatement émergé après sa proposition. Certains députés britanniques, comme le député conservateur Andrew Bridgen, accusent le Luxembourgeois de vouloir « diviser le peuple britannique en deux classes et de saper le résultat du référendum ». Sur le continent, on accuse au contraire la mesure d’être un cadeau fait aux britanniques, qui doivent prendre leurs responsabilités et assumer totalement leur choix de quitter l’Union européenne et donc de se défaire de la citoyenneté européenne. Même si cette proposition a très peu de chances d’aboutir pour des raisons autant politiques que juridiques, elle illustre bien que la citoyenneté européenne n’est pas juste un symbole dénué d’intérêt mais un statut crucial pour un bon nombre d’Européens.
Des citoyens qui restent passifs et passablement informés
L’eurobaromètre d’octobre 2015 relatif à la citoyenneté de l’Union nous offre de précieuses informations pour mieux comprendre la perception des citoyens européens quant à leur statut et l’utilisation qu’ils en font. Si le fait que 87% des citoyens européens se déclarent conscients de leur statut est encourageant, surtout en prenant en compte son augmentation de 9 points depuis 2007, seulement une moitié des personnes consultées se sentent capables de dire ce que signifie la citoyenneté européenne. Malgré la petite amélioration de ce chiffre et de tous les autres ces dernières années, on peut clairement observer qu’une majorité de citoyens européens ne se sentent pas assez informés sur les droits et les devoirs associés à la citoyenneté européenne. En effet, seulement 42% des citoyens européens se déclarent être très bien ou correctement informés sur leurs droits, ce qui laisse une large majorité de répondants dans une situation d’ignorance relative de leurs droits. En règle générale, ces chiffres sont comparables aux taux de participation aux élections européennes, et cette corrélation reste forte quand on prend en compte l’origine nationale des participants à l’enquête. Si les libertés économiques sont assez bien connues, comprises, et appréciées par les Européens, les libertés de circulation et d’établissement non économiques sont encore loin d’être connues et utilisées par la majorité des répondants, donnant ainsi une certaine pertinence aux mesures annoncées par la Commission dans son rapport sur la citoyenneté de l’Union.
L’articulation entre la citoyenneté européenne et les citoyennetés des États membres n’est pas exactement intuitive pour tous les Européens, mais une écrasante majorité des Européens et des ressortissants des pays tiers intéressés par l’Europe saisissent, à des degrés divers, l’importance de ce statut. Les Européens y trouvent de nouveaux droits, et un nouvel espace politique à occuper. Cependant, le niveau d’information et de participation à la vie politique de l’Union des citoyens européens reste trop faible.
Promouvoir la citoyenneté européenne en informant les Européens et en simplifiant l’exercice de leurs droits est donc encore nécessaire, et une telle promotion ne peut que bénéficier à l’Union dans son ensemble.
Rémi Petitcol
Sources :
https://euobserver.com/justice/122101
https://www.weforum.org/agenda/2016/07/countries-selling-citizenship/
http://politheor.net/eu-citizenship-for-sale/
Rapport sur la citoyenneté de l’Union 2017. Commission européenne, janvier 2017
EU citizenship consultation 2015. Commission européenne, 2015
Flash eurobarometre 430 : Report. Commission européenne, 2016
CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C-184/99