Six ans après le renversement de Hosni Moubarak, quel est le bilan global à tirer de la vague de contestation de 2011 en Egypte ?
Il faut tout d’abord rappeler que le mouvement de contestation qui se cristallise en Egypte en 2011 s’inscrit totalement dans l’onde de choc politique qui traverse alors de multiples pays du monde arabe. En Egypte, cela prend une forme très singulière puisqu’Hosni Moubarak, qui dirigeait le pays depuis 1981, est chassé du pouvoir en quelques courtes semaines seulement. Nous avons là l’expression d’une vague révolutionnaire puissante, puisqu’un régime qui semblait très bien établi a finalement rapidement « dégagé », pour reprendre l’expression scandée par les manifestants de la place Tahrir. Les mois qui ont suivi ont vu se succéder, à vitesse accélérée, une série d’événements d’une grande portée politique. Ainsi, en 2012 les Frères musulmans accèdent démocratiquement au pouvoir, notamment à la présidence du pays en la personne de Mohamed Morsi. Bien qu’existant depuis 1928, la confrérie des Frères avait toujours été écartée des sphères du pouvoir, voire réduite à la clandestinité. En 2013, un coup d’Etat est organisé par l’institution militaire qui chasse les Frères musulmans, avec l’actif soutien de Abdel Fattah Al-Sissi, alors ministre de la Défense nommé par M. Morsi. En 2014, une sorte de normalisation autoritaire est actée par l’organisation des élections présidentielles, grâce auxquelles A. F. Al-Sissi, devenu entretemps maréchal, recueille 96% des suffrages. Toutefois, un taux de participation de 50% réduit quelque peu la portée de ce score.
Depuis lors, il y a une incontestable régression des libertés démocratiques individuelles et collectives. Le formidable espoir qui s’était exprimé lors du mouvement révolutionnaire de 2011 a été trahi. Aujourd’hui, les Frères musulmans sont persécutés : environ 40 000 d’entre eux se trouvent en prison et 2 000 condamnations à mort ont été prononcées, même si elles n’ont pas été exécutées. De même, ceux qui appartiennent plutôt au camp « laïc », et qui avaient soutenu le coup d’Etat de 2013, se retrouvent aussi en butte à la répression.
Au niveau économique, la situation n’est guère meilleure. L’Egypte est confrontée à des défis structurels qu’à ce jour elle n’a pas su résoudre. De plus, quatre apports financiers traditionnels de l’économie égyptienne posent problème. Le premier est celui constitué par les travailleurs émigrés égyptiens qui envoyaient régulièrement des devises, principalement depuis l’Arabie saoudite et la Libye. Ces apports en devises étrangères sont de plus en plus faibles puisque l’Arabie saoudite connaît elle-même des difficultés économiques, tandis que la Libye est dans une situation de chaos. Deuxièmement, le pétrole : l’Egypte fut à un moment auto-suffisante mais ce n’est plus le cas désormais avec de trop faibles réserves ; Le Caire est donc obligé de recourir aux importations. Troisièmement, le canal de Suez dont les revenus ont fléchi en raison de la crise économique mondiale et de la baisse du trafic international. Enfin, les revenus tirés du tourisme ont eux aussi considérablement diminué.
Cette situation économique a nécessité de recourir à des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). Celui-ci a accepté en août 2016 de faire un prêt sur 3 ans de 12 milliards de dollars. Mais les exigences en contrepartie sont drastiques : imposition de la TVA, baisse des subventions sur des produits importants (carburant, électricité), dévaluation de la livre égyptienne de près de 50%… Le pouvoir actuel est pris entre deux feux : d’un côté, il a besoin de négocier avec le FMI mais de l’autre, l’application d’un tel accord risque de générer un fort mécontentement, voire des conflits sociaux d’envergure.
Sur le plan régional et international, le rayonnement du nassérisme semble maintenant très lointain. Quelles sont les orientations actuelles de la politique extérieure du Caire ?
Effectivement nous sommes bien loin de la période glorieuse du nassérisme, moment où l’Egypte avait réellement une forte influence dans tout le Moyen-Orient arabe. Nasser avait alors une extraordinaire aura et incarnait la volonté de réaliser l’unité arabe, même s’il n’est pas parvenu à ses fins. À son époque, l’Egypte jouait aussi un important rôle international, notamment au sein du Mouvement des non-alignés, dont il était l’un des piliers majeurs avec l’Inde et la Chine. Depuis lors, on peut constater une baisse d’influence de l’Egypte au niveau régional et international, visible d’ailleurs dès l’époque de Moubarak. Quels sont donc les grands dossiers de politique étrangère de l’Egypte ?
Tout d’abord, le rapport avec les Etats-Unis. A l’époque de Moubarak, l’Egypte était le deuxième récipiendaire d’aides américaines, notamment dans le domaine militaire, après Israël. L’Egypte a donc toujours été l’un des points d’appui régional essentiel des Etats-Unis. Or, beaucoup d’Egyptiens sont persuadés qu’ils ont été trahis par ces derniers. En effet, assez rapidement en 2011, les Américains ont soutenu le mouvement de contestation et n’ont sûrement pas été pour rien dans le départ de Moubarak. Restent prégnantes, comme dans les autres pays du Moyen-Orient, des théories complotistes latentes à l’égard des Etats-Unis. D’autant que l’administration Obama a aussi manifesté une certaine empathie à l’égard des Frères musulmans, puisqu’ils avaient été élus démocratiquement dans le cadre des premières élections libres et pluralistes du pays. Le coup d’Etat de A. F. Al-Sissi, bien qu’Obama n’ait jamais utilisé ce terme, a marqué une période de refroidissement avec Washington. Obama considérait en effet qu’il y avait eu usurpation du pouvoir par le maréchal et par l’armée. A la suite de ce coup, les Etats-Unis ont temporairement cessé la livraison d’aides militaires, ce qui a renforcé une méfiance latente qui n’a jamais été réellement résorbée. Toutefois, A. F. Sissi essaye désormais de normaliser les relations bilatérales depuis l’élection de Donald Trump.
La Russie marque aussi un véritable retour en Egypte et les deux pays convergent sur plusieurs dossiers centraux : la lutte anti-terroriste, la situation en Syrie, la Libye… La Chine quant à elle effectue une véritable percée, symbolisée par la visite de Xi Jinping en janvier 2016, la signature de contrats commerciaux et une augmentation des flux commerciaux d’environ 5% par an. La Chine est désormais le deuxième partenaire commercial de l’Egypte et elle entend faire du Caire un partenaire important du projet One Belt One Road, dénomination officielle des nouvelles Routes de la Soie.
Enfin, les relations avec l’Arabie saoudite sont complexes. D’un côté, le royaume a été un sauveteur du Caire dans les années suivant le mouvement révolutionnaire et le coup d’Etat : les Saoudiens ont en effet versé 25 milliards de dollars à l’Egypte depuis 2013 et l’ont certainement sauvé de la banqueroute. Pour autant, les deux pays ne convergent pas sur tous les dossiers (Syrie et Yémen par exemple). L’Egypte essaye en outre de se replacer dans le jeu régional et entre donc en concurrence avec l’Arabie saoudite, qui souhaite pour sa part devenir le leader du monde arabe. On est loin d’un affrontement mais l’Egypte essaye quand même de s’autonomiser, afin de ne pas être trop dépendante de l’Arabie saoudite.
Quels sont aujourd’hui les grands défis à relever pour le pays ? Existe-t-il une menace terroriste ?
Bien sûr, le terrorisme est un défi régional. Mais paradoxalement en Egypte, le terrorisme n’est pas si prégnant. Il y a certes eu l’épisode de l’avion russe qui a explosé en vol mais pour autant, les grandes villes égyptiennes ne sont pas des victimes récurrentes d’attaques. En réalité, la situation au Sinaï est beaucoup plus préoccupante. Cette région est dans une situation de non-droit où le gouvernement n’a pas les moyens de se faire respecter. Ainsi, les militaires n’osent pas sortir de leur caserne une fois la nuit tombée.
Les autres défis du pays sont de deux ordres. Tout d’abord, le défi démographique : le taux de fécondité est de près de 3,5% par an et la population égyptienne a doublé en moins de quarante ans. Aujourd’hui, on dénombre 92 millions d’Egyptiens et, d’après les projections, la population devrait atteindre 165 millions d’habitants en 2050. Cet accroissement considérable de la population est très inquiétant compte tenu de la situation économique précaire, puisqu’un chômage de masse affecte la jeunesse.
L’autre grand défi est d’ordre géographique. Seulement 5 à 6% de la totalité de la superficie du sol égyptien est « utile », à savoir la vallée du Nil, au long de la laquelle s’est concentré l’essentiel de la population, de l’agriculture et des industries. L’enjeu est donc de savoir comment mettre en valeur le reste du territoire, ce qui nécessite des investissements considérables. Ce défi complexe représente l’un des grands chantiers que le gouvernement doit mettre en œuvre.
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS
On Tuesday, March 14th, IPI together with the Permanent Mission of the Kingdom of Thailand to the United Nations are cohosting a policy forum on women’s economic empowerment in fragile communities. Speakers at the event will share their insights on how closing the gender gap can build more resilient peace and sustainable development.
Remarks will begin at 1:15pm EST.
Even in the world’s most stable countries, women continue to face workplace inequality, the gender wage gap, and exploitation in informal employment. In societies affected by conflict, women face further obstacles to full participation in the economy, including fragile public safety and uncertain access to justice. Yet their exclusion comes at a high cost, limiting both peace and development. The gender gap costs the sub-Saharan African economy up to 105 billion dollars per year, while GDP could increase globally by at least 12 trillion dollars if women participated equally to men.
Where communities are affected by fragility, gender equality is critical to violence prevention. An often-overlooked effect of women’s economic empowerment is their ability to participate in political life and influence peace and transition processes. Indeed, work often brings women the resources, status, and networks needed for civic engagement or political campaigns. The 2030 Agenda for Sustainable Development, the Sustaining Peace framework, and many National Action Plans on Women, Peace, and Security recognize this link between inclusion, peace, and equitable growth.
At this policy forum, speakers will discuss how these frameworks coalesce to amplify the benefits of women’s economic empowerment. Drawing on examples from sub-Saharan Africa, Tunisia, and Thailand, the discussion will consider country-level efforts and the current data on the impact of closing the gender gap in fragile communities.
Opening Remarks:
H.E. Police General Adul Sangsingkeo, Minister of Social Development and Human Security, Thailand
Speakers:
Dr. Ayodele Odusola, Chief Economist for Africa, United Nations Development Program
Ms. Andrea Ó Súilleabháin, Senior Policy Analyst, IPI
Dr. Saisuree Chutikul, Senior Adviser, National Committee to Draft and Review Thailand’s National Action Plan on Women, Peace, and Security
Dr. Sita Sumrit, Chief of Women and Children Empowerment Program, Thailand Institute of Justice
Moderator:
Mr. Youssef Mahmoud, Senior Adviser, IPI
On Tuesday, March 14th, IPI together with the Government of Estonia are cohosting a policy forum on men’s roles in preventing violence against women and promoting gender equality. Ministers from Estonia, Finland, and Namibia will share examples of national initiatives that engage men and boys to stand against violence.
Remarks will begin at 4:15pm EST.
In many societies, men are in a position to bring change on gender equality, as they continue to hold the majority of policymaking and public positions worldwide. Yet their participation in preventing and eliminating violence against women has often been overlooked. Today, more men and boys are taking a stand through efforts like the White Ribbon Campaign, which unites men from different countries and different backgrounds in declaring that they will never commit, excuse, or remain silent about violence against women. Globally, UN Women’s HeForShe movement reaches out to men and boys as agents of change for gender equality.
Despite these campaigns and commitments, violence against women remains one of the most prevalent human rights violations in the world, regardless of country or continent. To address deeply ingrained violence and inequalities, traditional gender roles and social norms must continue to change. At this policy forum, speakers will address how men can play a stronger role, including as role models for positive masculinities. Drawing on examples from Estonia, Finland, and Namibia, they will discuss national initiatives that transform commitments on violence against women into tangible actions. Reflecting on UN action and recent research, the panel will also discuss how men and men’s organizations can more actively contribute to gender equality.
Speakers:
Mr. Rait Kuuse, Deputy Minister of Social Affairs, Estonia
Ms. Pirkko Mattila, Minister of Social Affairs and Health, Finland
Hon. Doreen Sioka, Minister of Gender Equality and Child Welfare, Namibia
Mr. Yannick Glemarec, Assistant Secretary-General and Deputy Executive Director, UN Women
Mr. Christian Veske, Stakeholder Relations Officer, European Institute for Gender Equality
Moderator:
Mr. Warren Hoge, Senior Adviser, International Peace Institute
You can read here the article on the crisis on foreign policy and security, which was written by Director General of ELIAMEP Dr Thanos Dokos. This commentary was published in the Greek daily Kathimerini on 23 February 2017 [in Greek].
The Enlargement has been on the EEC/EU agenda all along its history and was believed to be its “most successful” policy. Although enlargement policy was built on values and rules, geopolitics have traditionally been a strong driving force behind it, while tension between widening and deepening has always been present. The fifth enlargement was instrumentalised by the prevailing policies of extreme neoliberalism causing public opinion reaction and nurturing “enlargement fatigue”. The implicit enlargement agenda in the neighbourhood policy has been put to the service of anti-Russian strategies which have utterly failed while jeopardising good neighbourly relations with Moscow and contributing to the negative turn of the Putin regime. During the last decade, enlargement policy has rapidly degenerated and today it is essentially at a standstill in all three of its dimensions (Balkans, Turkey, European neighbourhood countries). This is a negative development both for the EU and its neighbours. The revival of the policy is conditional upon a necessary, but improbable, major shift in the EU, with the strengthening of solidarity.
Author: Axel Sotiris Wallden
Dr. Panagiota Manoli, Head of the Slavic, East-European and Eurasian Studies Programme of ELIAMEP participated at the 7th European Forum of Think Tanks, organised in La Valetta on 27 and 28 February 2017, by the Jacques Delors Institute with the support of the Maltese Presidency of the Council of the European Union. This Forum linked to the Think Global – Act European (TGAE) initiative, is entitled “The EU’s Neighbourhood: How to Stabilise the Ring of Fire?” and it gathers a group of 40 prominent speakers and researchers engaged in the EU Neighbourhood Policy on the fields of security, governance, economy and migration.
China, Japan und Südkorea sind die größten Volkswirtschaften in Ostasien und als solche entscheidend für Prosperität und Sicherheit der Region. Ihr Verhältnis untereinander ist jedoch zunehmend von Spannungen geprägt. Bislang fehlt es an einer regionalen Organisation oder Institution, die hier eine stabilisierende Rolle spielen könnte. In der vorliegenden Studie geht es um eine bisher wenig beachtete Konstellation, nämlich die Zusammenarbeit zwischen den drei Staaten, die sich Ende der 1990er Jahre herausbildete und seither als eigenständiges Format etabliert hat. Die zentrale Fragestellung der Studie lautet: Kann diese trilaterale Kooperation ein neues Muster der Interaktion in Nordostasien begründen, oder werden in diesem Prozess nur die existierenden – überwiegend negativen – Trends bestätigt und reproduziert? Dabei hat die Untersuchung zwei Schwerpunkte. Zum einen analysiert sie die Entwicklungen in den drei bilateralen Beziehungen, zum anderen bietet sie einen systematischen Überblick zum bisherigen Umfang der trilateralen Kooperation. Wie sich zeigt, sorgen nicht nur historische sowie territoriale und maritime Konflikte für Spannungen innerhalb des nordostasiatischen Dreiecks, sondern auch die wachsende Konkurrenz zwischen den USA und China um die Vormachtstellung im asiatisch-pazifischen Raum. Die Bilanz der bisherigen Dreierkooperation zwischen Beijing, Tokio und Seoul fällt gemischt, insgesamt aber eher bescheiden aus, vor allem im Bereich Sicherheitspolitik. Dennoch kommt dem Format insofern Bedeutung zu, als es einen institutionellen Rahmen für Meinungsaustausch bietet und Gesprächskanäle unterhalb der »hohen Politik« auch in Zeiten erhöhter bilateraler Spannungen offen hält.
La publication du Sipri Yearbook 2016 en février 2016, le salon IDEX de l’armement aux Emirats arabes Unis qui s’est tenu du 19 au 23 février 2017, ainsi que les bons résultats de la France à l’exportation… Les occasions sont multiples pour parler des ventes d’armes dans le monde. Mais il n’est en réalité pas si simple d’en débattre, tant les chiffres sur lesquels sont basés les analyses sont sujets à caution.
Il est difficile de ne pas être atteint de schizophrénie quand d’un côté, on se félicite du chiffre des exportations record de la France (20 milliards d’euros d’exportation en 2016 selon le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian), alors que de l’autre, on se lamente de la croissance de 8,4% des exportations d’armement dans le monde (selon l’Institut de recherche sur la paix – SIPRI)[1].Ce chiffre serait le reflet d’un monde où les crises se multiplient. Personne ne semble pourtant avoir relevé que selon le SIPRI, les exportations d’armement de la France, représentant 6% d’un peu plus de 30 milliards de TIV[2] représenteraient 1,5 milliards d’euros de ventes d’armes de la France, alors que le ministre de la Défense annonce 20 milliards d’euros. Vu de l’extérieur, une certaine confusion semble donc régner.
Il faut féliciter le SIPRI de son travail car il s’agit du seul organisme qui mesure aujourd’hui les exportations d’armement dans le monde et qui communique sur le sujet. Moins connu mais méritant qu’on s’y attarde quand même, est le World Military Expenditures and Arms Transfers (WMEAT) publié par le département d’Etat américain. Or, si le SIPRI évoque un chiffre de 30 milliards de dollars, le WMEAT 2016 donne lui une moyenne de 150 milliards de dollars de ventes d’armes dans le monde par an sur la période 2004-2014, soit un rapport de 1 à 5[3] ! Quant au ministère de la Défense français, il semble avoir donné dans le rapport au Parlement sur les exportations d’armement une estimation moyenne des exportations d’armement dans le monde d’un montant annuel de 100 milliards d’euros[4]. Il apparait donc difficile à première vue de s’y retrouver dans tous ces chiffres contradictoires. Pour autant, on peut dégager deux tendances très nettes et émettre une recommandation.
L’accroissement des exportations d’armement dans les zones de tension
La première tendance est qu’il existe effectivement un accroissement des exportations d’armement sur un rythme significatif, sans être exceptionnel, dans deux régions du monde : le Moyen-Orient et l’Asie. En Asie, le mouvement est tiré à la fois par la croissance économique qui est forte mais également par le clivage stratégique entre la Chine et un certain nombre de ses voisins, qui se traduit notamment par une augmentation des capacités navales. Ce phénomène est notamment lié aux revendications territoriales en mer de Chine. Au Moyen-Orient, le clivage entre l’Iran d’une part, et l’Arabie Saoudite et ses alliés d’autre part, crée une situation favorable à la course aux armements. Le conflit yéménite cristallise effectivement à la fois cette opposition mais il est aussi pour la première fois depuis longtemps « consommateur » d’armement, qu’il faut renouveler. Toutefois, la baisse prolongée des prix du pétrole a conduit depuis un an les Etats de la région à mettre un frein à leurs ambitions. Par ailleurs, il existe une constante à tous ces pays, en Asie et même désormais au Moyen-Orient : ils ne veulent plus uniquement être des consommateurs d’armement mais souhaitent désormais être aussi des producteurs, afin d’acquérir davantage d’autonomie stratégique. Ce qui était vrai depuis déjà plus de 10 ans pour l’Inde, la Corée du Sud ou la Turquie, est également vrai désormais pour des pays comme la Malaisie, Singapour ou l’Indonésie mais aussi et surtout pour les pays du Golfe. Les Emirats Arabes Unis, où s’est déroulé le salon IDEX, est l’un des premiers pays de la région à s’être doté d’une législation sur les offsets, qui prévoit des transferts de technologie et une fabrication locale en contrepartie des ventes d’armes à ce pays. Dans le cadre de son projet « vision 2030 », l’Arabie Saoudite a le même objectif : elle souhaite à la fois être plus autonome et également développer une industrie de défense grâce à ses achats d’armement. Cette tendance au développement des industries de défense devrait donc se traduire dans quelques années par une réduction des exportations d’armement, les capacités de production locales augmentant.
Les Etats-Unis largement en tête du classement des exportateurs d’armement
La deuxième tendance est que les Etats-Unis restent, et de très loin, les plus grands exportateurs d’armement dans le monde. Le SIPRI estime que les Etats-Unis représentent un tiers des exportations mondiales, soit environ 10 milliards de TIV. Le Rapport au Parlement français sur les exportations d’armement chiffre pour sa part un montant d’environ près de la moitié des exportations mondiales, soit près de 50 milliards d’euros. Le WMEAT estime quant à lui à 79% la part des Etats-Unis dans les exportations d’armement mondiales, soit 120 milliards de dollars sur la période 2004-2014 et même 153 milliards de dollars pour la seule année 2014 ! On constate d’ailleurs dans le WMEAT une augmentation d’un tiers des exportations d’armement des Etats-Unis durant les deux mandats de Barack Obama : tout se passe comme si la baisse des budgets de défense des Etats-Unis avait été compensée durant cette période par une augmentation des exportations afin de soutenir l’industrie de défense des Etats-Unis. Or, les chiffres donnés par le WMEAT sur les exportations des Etats-Unis ne sont pas contestables. Ce sont des chiffres officiels qui résultent de l’addition des ventes commerciales, des ventes d’Etat à Etat dans le cadre des Foreign Military Sales (FMS), ainsi que des ventes dans le cadre du programme de coopération militaire géré par la DoD’s Defense Security Cooperation Agency (DSCA) et de deux programmes spécifiques portant sur l’exportation d’équipements militaires navals. Dans ce domaine, « America’s first » n’est pas un projet : c’est déjà une réalité
L’Union européenne devrait être à l’initiative d’un outil de transparence sur les exportations d’armement
En matière de transparence sur les ventes d’armes, il existe depuis la première guerre du Golfe le registre des armes classiques des Nations unies. Cet outil est un réel progrès en matière de transparence mais il a pour double limite le peu de publicité et l’absence de mesure de la valeur financière des exportations. Or, cette mesure financière est importante car c’est aujourd’hui le seul indicateur objectif des capacités réelles d’un matériel militaire : plus un armement est technologiquement en pointe, plus il est cher, mais plus il est aussi performant. On l’a bien vu durant la première guerre du Golfe en 1991, où les 5000 chars de l’armée irakienne ont pesé de peu de poids face aux armées de la coalition conduite par les Etats-Unis. Les pays de l’Union européenne (UE) disposent tous également depuis 15 ans de rapports nationaux sur les exportations d’armement pour rendre cette transparence dans les ventes d’armes. Même si la présentation de ces rapports nationaux n’est pas harmonisée, ils chiffrent les exportations d’armement de chaque pays à partir de données officielles et sont donc censés être fiables. Mais il faudrait aujourd’hui que l’Union européenne fasse plus…
La compilation de ces rapports nationaux doit permettre de créer un rapport européen sur les exportations d’armement. Une fois ce rapport complété par les données recueillies sur les exportations des pays non membres de l’UE, il permettrait à cette dernière de publier un rapport sur les exportations d’armement dans le monde. Ce rapport, au moment où commence à être mis en œuvre le Traité sur le commerce des armes, permettrait, en accroissant la transparence, de mieux légitimer les ventes d’armes des pays de l’UE qui respectent les traités internationaux réglementant les exportations d’armement. Il permettrait également de mesurer sans contestation le poids réel de l’Union européenne en matière de ventes d’armes dans le monde. Comme on l’a vu, même quand la France exporte beaucoup d’armes pour soutenir son industrie et donc son indépendance nationale, cela reste une goutte d’eau par rapport aux exportations américaines. Ce rapport devrait faire l’objet d’une large communication. Il devrait être conçu comme un instrument d’influence destiné à promouvoir la transparence sur les exportations d’armement.
Pour élaborer un tel rapport, l’Union européenne dispose de tous les outils nécessaires. Il y a déjà le rapport annuel sur les exportations d’armement, réalisé par le groupe COARM au sein du Service européen d’action extérieure (SEAE) dans le cadre de la position commune 2008/944 de l’UE sur les exportations d’armement. Ce rapport est publié au Journal Officiel de l’Union européenne[5] mais il présente le double handicap, alors même que toutes les données y sont disponibles, de ne pas donner une vision globale des exportations de l’UE, ni de remettre en perspective la compilation de toutes les données qui y figurent. Or, des think tanks travaillent dans chacun des pays membres sur les questions d’armement et d’exportations d’armement, à l’image des chercheurs qui collaborent au réseau ARES piloté par l’IRIS. Ces derniers peuvent mettre en perspective le rapport du SEAE et le compléter par les données mondiales. Il existe enfin un institut de recherche rattaché à l’Union européenne, l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (EUISS), qui pourrait fédérer les travaux des institutions officielles et des think tanks européens afin de produire cette publication de référence sur les exportations d’armement dans le monde.
[1] Très exactement entre les périodes 2007-2011 et 2012-2016,
[2] Le SIPRI Trend Indicator Value (SIPRI TIV) est basé sur la valeur capacitaire supposée d’un matériel et n’est donc pas censé représenter le montant des exportations d’armement. Toutefois le TIV est référencé par rapport au coût connu de certains matériels. On peut donc considérer que le montant du SIPRI TIV est bien un montant financier même si le SIPRI indique, à juste titre, que les chiffres qu’ils donnent ne peuvent scientifiquement représenter la réalité.
[3] World Military Expenditures and Arms Transfers 2016, décembre 2016, https://www.state.gov/t/avc/rls/rpt/wmeat/2016/index.htm
[4] Rapport au Parlement sur les exportations d’armement 2016, ministère de la défense, 1 juin 2016, http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/rapport-au-parlement-sur-les-exportations-d-armement-2016
[5] Rapport annuel sur les exportations d’armement : https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage_en/8472/Annual%20reports%20on%20arms%20exports
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