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Diplomacy & Crisis News

Géopolitique des séries




Dans son ouvrage éponyme daté de 2016, Dominique Moïsi s’attaquait à la Géopolitique des séries avec le regard de l’internationaliste. Il voyait, dans ce type de production désormais dominant, le reflet de nos peurs contemporaines, établissant d’ailleurs un parallèle entre le succès croissant de ces séries, et l’après 11 septembre 2001 (sans y voir pour autant un rapport de cause à effet, bien entendu). Les titres retenus par lui, dans cette étude qui en réalité prolongeait son ouvrage antérieur, Géopolitique des émotions (2008), étaient alors Downton Abbey, Occupied, Game of Thrones, Homeland, House of Cards.
Les analyses des séries sont nombreuses, mais celle de Dominique Moïsi, en français, innove à bien des égards et mérite d’être prolongée ou mise à jour par quelques réflexions, et étendue à d’autres titres, qui ont fleuri depuis (ou dont le succès s’est confirmé).
En premier lieu, les séries ne datent naturellement pas des années 2000, mais Moïsi a raison de voir dans ce moment un tournant dans la globalisation de leur succès, même si antérieurement, le Prisonnier, Les Envahisseurs, Au-delà du réel, et autres X-Files (diffusé pour la première fois en 1993), mériteraient bien des commentaires sur le plan de la peur, du rapport à l’Etat, et même du rapport à l’autre.
Ensuite, il faudrait naturellement poursuivre ce travail sur des succès ultérieurs, desquels on tirerait plusieurs observations, en particulier sur la plus grande variété des pays producteurs, sur la fin du monopole anglo-saxon, et surtout, sur le statut de ces séries comme reflet d’une société ou comme instrument d’influence. Le bureau des légendes (France), Fauda (Israël), Bürü ou Diriliş Ertuğrul (Turquie), Adaptatsia (ou Adaptation, Russie), en témoignent. Ces productions pourraient par ailleurs faire l’objet d’une analyse comparée, et être mises en parallèle avec les romans d’espionnage ou thriller, parmi ceux qui, chaque année en différents endroits atteignent des niveaux de vente importants, avec des auteurs récurrents (Daniel Silva et son agent israélien Gabriel Allon, ou d’autres fictions d’excellente facture venues notamment d’Asie).
Dans les régimes autoritaires, on note le rattrapage croissant des fictions politiques par l’Etat : celles-ci mettent en scène l’invulnérabilité d’une culture donnée, sa résurgence, à travers elle l’action bénéfique menée par ses autorités actuelles, le tout destiné à un public ciblé, non seulement domestique mais choisi à l’extérieur, comme les sociétés arabes pour les fictions turques. Les fictions produites dans les démocraties libérales opèrent différemment, qui développent en apparence une critique sans concession du système bureaucratique de leur propre pays, tout en avalisant la réalité de la menace à laquelle les services font face. Ainsi, si Homeland brosse un sombre tableau des méandres américains, la menace terroriste est bien réelle. Idem dans la série israélienne Fauda, où les dysfonctionnements de l’Etat hébreu sont – en partie – exposés, mais pour mieux confirmer la menace du Hamas, entre autres.
Les séries touchent désormais un large public, et cela intéresse donc les Etats. Comme du temps de la guerre froide, le vecteur populaire le plus répandu est susceptible d’être instrumentalisé. Il doit donc être aussi étudié à la lumière de cette probabilité.

Pacte démocratique

«Au-delà du populisme: la fin du pacte démocratique?». La chronique de Frédéric Charillon Frédéric Charillon  26 février 2019 à 12h45
Publié dans L'Opinion Dans des Etats qui avaient pourtant connu une ouverture politique dans les années 1990, l’expérience démocratique a reculé. Et cette prolifération de démocraties sans démocrates touche même les rivages de l’Europe
Si la démocratie repose sur de nombreux principes (suffrage universel, citoyens éduqués…), les principaux penseurs politiques s’accordent à considérer que son moment de vérité réside dans le respect d’un pacte entre protagonistes, dit « pacte démocratique ». De quoi s’agit-il ? D’un double engagement de la part des acteurs de la future majorité et de la future opposition. Le vaincu d’une élection doit accepter sa défaite et, plutôt que de prendre les armes pour contester le résultat, attendre la prochaine échéance pour repartir pacifiquement à la conquête du pouvoir, et éventuellement prendre sa revanche. Le vainqueur doit, quant à lui, s’engager à remettre son mandat en jeu à l’échéance prévue sans chercher à confisquer définitivement le pouvoir. C’est là qu’aujourd’hui, de plus en plus, le bât blesse. Et cela a des conséquences politiques internationales fâcheuses. Des Etats où la démocratie a pu un temps s’installer, continuent de tenir des élections, mais leur pluralisme n’est plus qu’une chimère. Dans l’environnement politique européen, y compris au sein de l’UE, cette mode gagne du terrain. Faut-il alors imposer des mesures pour contrer cette tendance, et constituer un front démocratique exigeant sur ce point ? Elections sans retour Dans des Etats qui avaient pourtant connu une ouverture politique dans les années 1990, l’expérience démocratique a reculé pour donner lieu à ce qu’il est convenu d’appeler des populismes. On oublie trop souvent que l’une des caractéristiques de ce populisme est de ne pas rendre le pouvoir. Après les espoirs post-soviétiques d’une libéralisation du jeu politique russe, Vladimir Poutine (à la tête du pays depuis maintenant presque vingt ans) a rapidement fait comprendre qu’il était là pour rester, et a innové pour maintenir les formes institutionnelles : son « alternance » avec Dmitri Medvedev, de 2008 à 2012, qui le vit rester quatre ans Premier ministre avant de reprendre la présidence, n’a pas suscité beaucoup de réactions au sein d’une communauté internationale qui a même fait mine de croire à l’autonomie de l’intérimaire. Depuis sa nomination comme Premier ministre en 2003 puis comme président en 2014, Recep Tayyip Erdoğan n’a jamais perdu une élection. Ou plutôt, il a perdu celle de juin 2015 qu’il a fait rejouer en novembre pour retrouver la majorité absolue. Le régime « bolivarien » instauré par Hugo Chavez au Venezuela en 1999 et prolongé par Nicolas Maduro n’a pas non plus l’intention de respecter un résultat électoral qui aurait pu/dû être défavorable. Pas plus que les militaires au pouvoir en Thaïlande, qui viennent d’obtenir le retrait d’une candidate gênante au poste de Premier ministre à pourvoir le 24 mars prochain, en la personne de la princesse Ubolratana Rajakanya, sœur du roi. Combien, d’autres élections, demain, sans suspense et avec résultat obligatoire ? Le Parti Démocrate Progressiste (DPP) favorable à une entité nationale taïwanaise plus forte, par exemple, peut-il encore gagner à Taipei avec la pression de Pékin pour empêcher cette issue ? Fragilité de l’environnement européen Cette prolifération de Démocraties sans démocrates, pour reprendre le titre d’un ouvrage de Ghassan Salamé (1994) à propos du monde arabe (un Ghassan Salamé devenu depuis émissaire des Nations Unies pour la Libye, c’est dire s’il doit être optimiste), a touché les rivages de l’Europe. Dans l’environnement stratégique immédiat, on a vu à quel point il était difficile d’instaurer une démocratie durable en Ukraine, comme on craint aujourd’hui une dérive de la Moldavie vers un pouvoir pro-russe qui ne se laissera pas déloger ensuite. Au sein de l’UE elle-même, l’offensive contre la séparation des pouvoirs ou contre les corps intermédiaires, de gouvernements comme celui des ultra-conservateurs polonais ou de Viktor Orban en Hongrie, est plus qu’inquiétante. En Bulgarie, Slovaquie ou ailleurs, l’influence russe, combinée à un terrain composé d’acteurs riches, douteux et populistes, fait craindre également des consultations électorales biaisées, des mainmises définitives ou l’avènement d’une longue nuit politique programmée. Cela pose plusieurs problèmes. 

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Mémoires de diplomates - Claude Martin, La diplomatie n’est pas un dîner de gala





Claude Martin, La diplomatie n’est pas un dîner de gala. Mémoires d’un ambassadeur. Paris-Pékin-Berlin, Editions de l’Aube, Paris, 2018, 964 pages
Le récit de Claude Martin est exceptionnel à plus d’un titre et la formule de Pierre Haski est fort juste (comme souvent), qui en fait une lecture « recommandée sinon obligatoire ». Si l’ouvrage est, de l’avis général, supérieur à la moyenne des mémoires d’ambassadeurs, c’est d’abord parce qu’il n’est pas tout à fait cela. Carnet de voyage, chronique politique de cinquante années de diplomatie sous la Ve République, déclaration d’amour à la Chine d’un homme qui ne fait que suivre les soubresauts d’Orient même lorsqu’il est en charge des affaires européennes… Il faut saluer aussi l’éditeur, qui en accepta les 964 pages en faisant le pari réussi qu’elles seraient un coup de maître.
L’aventure s’ouvre sur la fine équipe de la toute nouvelle relation diplomatique franco-chinoise après la reconnaissance de 1964, et s’achève sur la disparition de Paul-Jean Ortiz en 2014. De Malraux cherchant, à Pékin et malgré la gêne des Chinois, à « revoir les copains » qu’en réalité il n’a jamais rencontrés, jusqu’aux ministres plus récents, parfois gaffeurs, souvent grossiers, rarement inspirés, la fresque est croustillante. Tant pis pour Alain Peyrefitte, moins connaisseur que ne le fit croire son « Quand la Chine s’éveillera » ; pour Jean Sauvagnargues, peu sobre et élégant à table, aux côtés de l’épouse de son homologue ; pour Claude Cheysson, moins téméraire qu’on ne le dit un temps ; pour Louis Mermaz, Dominique Strauss-Kahn et bien d’autres, que n’atteignirent pas les subtilités de l’Orient. Car il y a dans ce panorama les initiés, et les autres, imperméables au voyage, ou qui ne viennent en Chine que parce qu’il faut s’y faire photographier. BHL, Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy, entre autres, y apparaissent conformes à la réputation que leur ont faite leurs détracteurs. Le gaulliste Claude Martin leur préfère nettement Jacques Chirac (qui aime l’Orient, il est vrai), ou Hubert Védrine, qui une fois de plus (c’est devenu fréquent dans les témoignages de diplomates) s’en tire le mieux, aussi bien pour son professionnalisme que pour ses qualités humaines. Le tout émaillé d’innombrables dirigeants, artistes, intellectuels chinois, entre lesquels se glissent quelques touches d’actualité française, de « l’insupportable Léon Zitrone » aux chroniques des cohabitations successives en passant par les visites pékinoises d’artistes français.
Cette Lettre à la Chine, riche en détails, en couleurs, en paysages et impressions, en hommages répétés à la beauté des femmes chinoises, nous fait rencontrer Mao, Zhou Enlai, Deng Xiaoping et les autres, nous fait revivre la Révolution Culturelle de 1966 et la place Tian’anmen en 1989 (où l’auteur se trouvait lorsque le drame se jouait), nous guide dans les dédales des intrigues de palais ou des reprises en main. Et c’est bien difficilement que l’entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun, l'élargissement de l'Europe ou même l'Allemagne réunifiée (dans laquelle l’auteur resta tout de même presque neuf ans comme ambassadeur, de 1999 à 2007), trouvent une place dans cette histoire. Comment, à côté de ces péripéties chinoises, ne pas paraître fade ? Dans ces mille facettes de la relation que la France tente de maintenir en Asie, quelques épisodes récurrents prennent une place particulière. Celui de la médiation française, jusqu’aux accords de Paris de 1991, pour trouver une issue à la situation cambodgienne et une place au Prince Sihanouk ; celui de la double affaire des frégates et des mirages pour Taïwan, qui opposa visions courtes et longues de la Realpolitik. Au fil de ces imbroglios et de quelques autres, Claude Martin ne cache pas les options qu’il défendit alors. Il souhaitait que l’on crût en Sihanouk, que beaucoup à Paris (notamment VGE) dépeignaient en loser. Il s’opposait à la vente de quelques armes à Taipei, jugées désastreuse au regard de la mission historique entamée par le général de Gaulle en 1964. C’est pourtant avec élégance qu’il relate les volte-face de Roland Dumas, et les éclaire par non-dit en fin d’ouvrage.
Cela pose bien entendu une question classique. Un diplomate, lorsqu’il passe trop de temps au contact d’un pays, ne devient-il pas le défenseur de ce pays plutôt que le représentant du sien propre ? Et ce, à partir du meilleur sentiment du monde, à savoir la quête de la compréhension de l’Autre ? Ne vaut-il mieux pas, finalement, jouer la carte de l’agent banal, insensible aux charmes de si puissantes machines, de si redoutables interlocuteurs ? Claude Martin plaide pour l’immersion, l’osmose, la découverte. Il fustige sans relâche – et de manière convaincante – la médiocrité de ceux qui veulent gérer le monde tout en s’en préservant. C’est un flâneur au sens baudelairien du terme. Ne laissant passer ni un village, ni une rue, ni un regard, il regarde les ombres derrière les projecteurs de la géopolitique. On lit les déceptions, les affres, les tortures d’un homme qui après les folies maoïstes, puis les massacres de Tian’anmen (une « tâche » dans l’œuvre de Deng), veut rester fidèle à son rêve de Chine, tout en vivant si mal, chaque fois, les terribles retours en arrière. On voit avec lui, sur cinquante ans, passer la Chine de l’état artisanal à la modernité actuelle, où la brutalité perdure sans plus être la même. « Etait-ce mieux avant ? », lui demandent, pour finir, de jeunes interlocuteurs chinois...


Mémoires de diplomates - Evgueni Primakov



Evgueni Primakov, Au cœur du pouvoir : Mémoires politiques, Editions de Syrtes, 2002 (version en anglais 2001)


Evgueni Primakov fut l’un des acteurs soviétiques puis russes les plus influents de la fin de la guerre froide et de la période qui suivit. Orientaliste distingué à la tête de l'Institut d'économie mondiale et des relations internationales de l'Académie des sciences, journaliste, c’est sous Gorbatchev qu’il devient en 1989 Président du Soviet de l'Union, puis membre du Conseil présidentiel (1990-91), où il suit la guerre du Golfe. Nommé ensuite sous Boris Eltsine Directeur du Service des renseignements extérieurs de Russie (SVR, 1991-96), ministre des Affaires Etrangères (1996-98), et enfin Premier ministre – ou « président du gouvernement » (1998-99), il sera, après son éviction candidat aux législatives puis Président de la Chambre de commerce et d'industrie (2001-2011). Il disparut en 2015.
L’homme n’est pas un repenti. Il défend son système, réfute les accusations nombreuses portées à l’encontre de l’URSS (par exemple celle d’avoir incité l’Egypte à attaquer Israël à plusieurs reprises), et a même témoigné en faveur de Slobodan Milosevic à La Haye. Ses mémoires retracent, de son point de vue précieux, des épisodes clefs : les soubresauts de la fin de l’URSS et des débuts de la Russie (jusqu’au départ d’Eltsine et à l’arrivée de Poutine, auquel il se rallie finalement), la guerre du Golfe (1990-91), les paradoxes de la perestroïka de Gorbatchev et ses erreurs, son action à la tête des renseignements extérieurs, puis à la tête de la diplomatie russe, notamment sur les dossiers du Kosovo, du processus de paix au Proche-Orient. On y croise les leaders russes bien sûr mais aussi les présidents et secrétaires d'Etat américains, Saddam Hussein, Arafat, Hafez al-Assad, Milosevic, Castro, des dirigeants européens, surtout Chirac et Védrine, qu’il apprécie tous deux visiblement. Il plaide naturellement pour la sincérité russe, et contre les erreurs occidentales, notamment dans les guerres du Golfe de 1991 et du Kosovo en 1999, sans parler bien sûr de l'élargissement de l’OTAN, dont les américains avaient promis sous Bush senior qu’il n’aurait pas lieu. Opposé à l'intervention militaire russe en Tchétchénie, il n’épargne pas pour autant les boïeviki (combattants) tchétchènes « sanguinaires ».
Avec humour et élégance, il trace le panorama de près d’un demi-siècle russe et international, souvent à partir de sa spécialité : le Moyen-Orient. En guerre avec « la famille », ou l’entourage de Eltsine qui finit par l’écarter, il dénonce la corruption qui s’est emparée de la russie dans la décennie 1990, sans glorifier pour autant Gorbatchev. Peu tendre avec la politique américaine, il reste objectif et brosse le tableau de relations de confiance, et même amicales, avec de nombreux américains. Plus qu’un militant, c’est en membre éminent de l’élite diplomatique internationale qu’il témoigne dans son ouvrage, avec humanité souvent, mais sans regrets.

Mémoires de diplomates - Jean-Marc Simon, Secrets d'Afrique




Jean-Marc Simon, Secrets d’Afrique. Le témoignage d’un ambassadeur, Cherche Midi, 2016 Jean-Marc Simon fut ambassadeur en République centrafricaine, au Nigéria, au Gabon et en Côte d’Ivoire, et dans plusieurs cabinets ministériels. Elevé à la dignité d’ambassadeur de France par François Fillon en 2011, proche de Michel Roussin (l’un des hommes des dossiers africains de la chiraquie), toujours actif dans le conseil en Afrique (à la tête de Eurafrique Stratégies), il revient, dans un style diplomatique classique mais efficace, sur plusieurs de ses postes ou missions, au Tchad, dans l’afrique du Sud de l’apartheid, sur le Rwanda, longuement sur la Centrafrique, au Nigéria (où il fut maître de stage ENA d’un certain Emmanuel Macron), au Gabon, en Côte d’Ivoire. Rien hélas sur sur les Philippines, le Pérou et le Liban, certes hors d’Afrique, où il fut pourtant en poste. Des portraits saisissants – souvent aimables – parsèment ces mémoires : Hissein Habré, Pik Botha, Ange-Félix Patassé, Omar Bongo surtout, ou encore les protagonistes du drame ivoirien, Gbagbo, Ouattara et Bédié. Pas de révélation fracassante sur la « françafrique », quelques passages peut-être même trop courts (sur le rôle de l’armée française en Côte d’Ivoire dans l’extrême tension de 2004, ou la chute de Gbagbo en 2011). Le fil de nombreux épisodes est retracé de l’intérieur, avec quelques scènes saisissantes. La politique française est défendue dans un exposé assez clair, et revendiqué à droite, tandis que la méthode jospin (1997-2002) est égratignée pour son « ni ingérence, ni indifférence », auquel l’auteur ne croit pas : « En l’occurrence, c’est souvent l’indifférence qui prévaut ». Les ambiguïtés ou complexités de plusieurs chefs d'Etat apparaissent, sous une plume pourtant diplomatique. Hissein Habré n’en est pas l’un des moindres. L’opération Manta de 1984 et l’affrontement de François Mitterrand avec Kadhafi, la cohabitation de 1986-88, bien d’autres épisodes sont retracés. Ni regrets ni remords, ni sur le système Foccart ni sur le Rwanda. Peu de secrets en réalité, mais un témoignage qui permet de mieux comprendre ce que fut l’approche française et celle de ses acteurs, dans une Afrique qui aujourd’hui n’est plus la même.

Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde





Bertrand Badie, Quand le Sud réinvente le monde. Essai sur la puissance de la faiblesse, La Découverte, Paris, 2018
Dans son nouvel ouvrage, Bertrand Badie reprend les thèmes qui lui sont chers : le coût international de l’humiliation, l’échec de l’Etat importé et de la décolonisation, les conséquences d’une diplomatie de club trop longtemps confisquée par l’Occident, dans une tentative du vieux monde pour résister à la réinvention pourtant nécessaire du système international.
Le chapitre I, qui revient sur l’occasion ratée d’une décolonisation dont l’ancien maître colonial a tout fait pour limiter les effets, est l’un des plus convaincants. Incapables de tourner réellement la page de la violence physique et symbolique qui avait marqué la colonisation, les institutions post-coloniales ont détourné le sens d’ouverture du jeu mondial qu’aurait dû prendre la création de nouveaux Etats. Il en a découlé un certain nombre de réactions, ou plutôt de « contre-socialisations », dont l’islamisme politique fut l’une des manifestations. Au Sud, les nouveaux pouvoir n’ont pas réussi à dépasser le stade d’un nationalisme de combat pour imaginer un nouveau nationalisme de projet. Ils ne furent, à travers leurs expressions (de Bandoeng au mouvement des non alignes ou MNA), que réactifs.
Par la suite, Bertrand Badie nous montre comment le multilatéralisme qui aurait dû être inclusif fut contourné par les clubs (du G7 au G20) et autres formats diplomatiques ad hoc. Comment, surtout, la faiblesse des uns s’est imposée à la force des autres, au point que cette sociologie de la faiblesse est devenue un impensé majeur de l’étude des relations internationales. On retrouve là l’idée de la force du faible, ou de la nuisance plus forte que la puissance. Les conséquences de cette situation sur les sociétés en guerres (la guerre devenant cadre socialisateur pour de nombreux acteurs en quête de contre-socialisation), et sur l'intervention militaire de « seconde génération » après la fin de la guerre froide, n’en sont que plus forts.
Plusieurs hypothèses fortes émanent de ce livre. L’idée, par exemple, qu’un néo-souverainisme compatible avec la mondialisation, porté par les émergents avec un goût de revanche sur les humiliations passées, ouvre la voie à un renouvellement en profondeur du système international. Celle encore, selon laquelle l’acteur local a une marge de manœuvre supérieure à celle de l’acteur régional, qui lui-même est plus fort que l’acteur global. Une « re-régionalisation » du monde pourrait alors constituer une sortie de l’impasse.
En prenant le point de vue de l’exclu, ou du Sud, après être parti du point de vue du Nord dans son « Nous ne sommes plus seuls au monde » (2016), Bertrand Badie tente d’expliquer les dynamiques actuelles dans ce Sud porté vers l’autoritarisme (le Brésil en est le dernier exemple, consacrant encore un peu plus les BRICS comme club national-autoritaire). Comme toujours, le débat est ouvert, l’agitateur d’idées a donc accompli sa mission.

The Economy of Secession (II)

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Thu, 05/10/2017 - 00:00
(Own report) - As can be seen in an analysis of the separatist movements in Catalonia, Lombardy and Flanders, the deliberate promotion of exclusive cooperation between German companies and prosperous areas in countries with impoverished regions has systematically facilitated the autonomist-secessionist movements in Western Europe. According to this study, Flanders, as well as Lombardy - two already economically prosperous regions - have been able to widen the gap between themselves and the impoverished regions of Belgium and Italy, also because they have played an important role in the expansion of the German economy, the strongest in the EU. Through an exclusive cooperation with the state Baden Württemberg, Catalonia and Lombardy have been able to expand their economic lead over more impoverished regions of Spain and Italy, which has spurred their respective regional elites to seek to halt their financial contributions for federal reallocations through greater autonomy or even secession. The consequences of deliberate cooperation - not with foreign nations - but only with prosperous regions, can be seen with Yugoslavia.

Austerity and Secession

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 02/10/2017 - 00:00
(Own report) - The escalating Catalan secessionist conflict is upsetting Spain, a country hard hit by Berlin's austerity dictate. Spain - occasionally praised in German media as a showcase for an alleged successful austerity policy - is still confronted with enormous social and economic problems, in spite of a modest economic growth. Unemployment and poverty remain at high levels. Crisis policies over the past few years have also increased the economic gap between Spain and the euro zone's centers of prosperity. One still cannot speak of debt reduction - the official objective of Germany's austerity policy within the EU. The poor economic situation, the high debt burden level and the distribution of federal and regional debts are fueling Catalonia's secessionist conflict.

Fresh Wind Down the Silk Road (I)

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Wed, 27/09/2017 - 00:00
(Own report) - To secure its influence in Central Asia in rivalry to Russia and China, Berlin is taking new initiatives toward Uzbekistan, the most populous country in the region. Among the five post-Soviet Central Asian countries, Uzbekistan has been Germany's key partner for the past 25 years, even hosting a Bundeswehr base over an extended period of time. Now the German government seeks to reinforce it position in Uzbekistan by expanding economic relations. Uzbek President Shavkat Mirziyoyev, in office since one year, is initiating a neo-liberal policy in his country. At the same time, Russia's rise in influence in the economic and military sectors, alongside China's greatly enhanced economic advances has put Germany under pressure. If Germany does not want to lose ground in Central Asia, it must act quickly.

The Imperial Consensus

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 25/09/2017 - 00:00
(Own report) - With the Alternative for Germany (AfD), an extreme right wing party will enter the German Bundestag for the first time since the 1950s. With 13 percent of the vote, the AfD has successfully mobilized an extreme right-wing potential that, according to a sociological study, has always existed within the German population. All parties in the Bundestag openly repudiate the AfD. However, this only obscures the fact that the AfD's program, particularly on the important issues of foreign and military policy, show remarkable parallels to the political objectives of almost all other parties in the Bundestag. Like the CDU/CSU, FDP, SPD and the Greens, the AfD sees Germany as a global "policy-making power," whose armed forces should be massively upgraded and made more operational. Whereas, the mainstream parties in the Bundestag are relying on the EU as the instrument for German global policy, the AfD favors a national course for Germany exercising global power. This course would probably take effect should the EU disintegrate due to the growing internal dissentions or if more and more countries opt to exit.

With German Weapons

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Thu, 21/09/2017 - 00:00
(Own report) - Berlin's long-standing support for the Kurdish Autonomous Region has helped lay the groundwork for the referendum on the secession of Iraq's Kurdish-speaking regions, scheduled to be held on Monday. For decades, the Barzani clan, which controls the regional government, has maintained good relations with leading German politicians of the CDU and CSU parties. Since 2005, Berlin has systematically sponsored the autonomous region - through economic aid and establishing German institutions. Most recently, Germany was even training and upgrading the Kurdish Peshmerga into a powerful military force - officially to strengthen an ally in the war against IS. However, today the Peshmerga could use its German weapons for the secession of its region, if necessary, imposing it by armed force. In plain sight of the Bundeswehr, and under cover of the war against the IS, the Peshmerga has been carrying out so-called ethnic cleansing in towns, previously outside the Kurdish Autonomous Region to secure the desired pro-Kurdish majority in the upcoming referendum. Up to now, Berlin has voiced no objections to the date of the secession referendum.

Foray into Down Under

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 18/09/2017 - 00:00
(Own report) - Leading EU functionaries, with the support of German business associations, are demanding that the EU free trade offensive be extended to Australia and New Zealand. Last week, European Commission President Jean-Claude Juncker announced the initiation of agreements to this effect. At the same time, Berlin and Brussels are pushing for the finalization of the Japan-EU Free Trade Agreement (JEFTA) - up against growing protest. Whereas, protectionist measures are designed to reduce China's influence in the EU's Eastern and Southeastern periphery, Berlin and Brussels are planning to reinforce their activities in the emerging People's Republic of China's neighborhood, by pursuing the US strategy of trade containment of China that Trump has abandoned.

Berlin Calls for a "One-Europe Policy"

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 11/09/2017 - 00:00
(Own report) - Berlin sees China's growing economic presence in the EU's eastern periphery as an increasing threat to German predominance over Eastern and Southeastern Europe. During his visit to Paris at the end of August, German Foreign Minister Sigmar Gabriel warned against the People's Republic's alleged "division of Europe." Beijing's cooperation with 16 Eastern and Southeastern European countries is threatening the EU's "unity" and must be stopped. China should follow a "one-Europe policy." German media and think tanks have been sharply criticizing Chinese economic activities in Eastern and Southeastern Europe since years. In a recent analysis, the Friedrich-Naumann Foundation (FDP) assailed the Czech government for signing a "declaration on the territorial integrity of the People's Republic of China" in view of comprehensive Chinese investments in that country. Beijing has reacted to these attacks by pointing to Germany's dominant status in the EU.

Talks in the Chancellery

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Wed, 06/09/2017 - 00:00
(Own report) - Chancellor Merkel will meet one of Venezuela's leading government opposition politicians today in the Chancellery. Julio Borges, who, according to reports, supported the 2002 putsch attempt in Caracas, will discuss the political development in Venezuela with the chancellor. Fierce power struggles are being waged in that country. The opposition, mainly composed of representatives of the traditional wealthy elites, has ties to Western powers und is also supported by Berlin. With its operational assistance, for example in advising Borges' Primero Justícia (Justice First) party in "political communication," the CDU-affiliated Konrad Adenauer Foundation has been playing a special role. Primero Justícia had also participated in the 2002-attempted putsch. Berlin is pursuing an approach similar to that used in other Latin American countries, wherein it regularly supports the traditional elites. This resembles the German authorities' interventions in the run-up to the putsch in Ukraine.

German-Russian Oil Cooperation

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 04/09/2017 - 00:00
(Own report) - The Russian petroleum company, Rosneft, is expanding its activities in Germany, thereby reducing Germany's dependence on the transatlantic oil industry. While public discussion is focused on ex-Chancellor Gerhard Schröder's candidacy for the chair of Rosneft's board of directors, the company has increased its share to 25 percent of Germany's crude oil imports, and has become the third largest oil processing enterprise in Germany. It has plans to further strengthen its position in the country, inspired by the close German-Russian natural gas cooperation, which provides Germany significant influence over Western Europe's supply of Russian gas. Achieving predominant influence over the EU's supply and a growing independence vis-à-vis the energy giants of the transatlantic era, facilitates Berlin's pursuit of an independent German-EU global policy.

The Tesla Shock

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Thu, 31/08/2017 - 00:00
(Own report) - Decisive sectors of the German elite are holding onto diesel technology, causing the automobile industry to fall significantly behind its foreign competitors, according to US and British observers, who see the German automobile industry soon confronting a "Tesla shock." Whereas, the demand for US electric automobiles is rapidly growing, in the long run, the demand for German diesel models is significantly sinking. In fact, the German government has been shielding German companies from innovation pressure, by imposing their interests, even abroad. Berlin has not only applied the brakes to the introduction of the EU's CO2 emission limits, but also to China's setting electric automobile quotas, to reduce pollutant emissions. In the current diesel scandal, Berlin continues to maintain its policy course.

Blocking German Reparations

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 21/08/2017 - 00:00
(Own report) - Polish government politicians' demands for comprehensive reparations for the devastation caused by the German occupation during World War II, have been unanimously turned down in Berlin. A German government spokesperson explained that Poland has long since renounced reparations; German media point to payments Germany - under massive international pressure - was unable to avoid in the 1990s. Warsaw, on the other hand, has reiterated that payments, they have received so far are in no relation to the immense damage the German Reich had inflicted on Poland since September 1, 1939. During World War II, six million Poles were killed, and material damage was estimated a few years ago in the mid-range triple-digit billions. The most recent reparations dispute between Berlin and Warsaw is occurring at a time, when geostrategic tensions between the two countries are intensifying.

Struggle over the Arctic

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Fri, 18/08/2017 - 00:00
(Own report) - According to a German military officer, China's economic activities in Greenland and Iceland could cause future wars. If the People's Republic should "establish" itself in the Arctic - as a "great power alien to the region" - this would "instigate military conflicts," according to a recent semi-official publication. To prove his point, the author, a reserve officer of the Bundeswehr, refers to China's mining investments in Greenland and Beijing's alleged plans to settle systematically Chinese specialists in the region. The "ethnic form of influence" expressed in this plan and the People's Republic's commitment to protect the "sovereign rights of the indigenous population" constitute a "declaration of war on the West," the author writes. With regard to Iceland, the officer particularly criticizes the construction of a harbor in the Northeast of the island state, which is allegedly financed by a Chinese company. If the People's Republic is thus creating a "regional central hub" for raw materials extracted from the Arctic, it would be in "favorable geopolitical starting blocks" vis-à-vis the "European Atlantic states," the author explains, speaking already of a "gradual Chinese land grab" at the polar circle.

European Values (II)

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Thu, 17/08/2017 - 00:00
(Own report) - A steadily increasing number of casualties in the North African desert and grave violations of international law are flanking the German government's efforts to cordon off the EU from African refugees. Berlin's attempts to seal the Libya-Niger border is forcing refugees to take routes that are more dangerous, causing increasing numbers of deaths in the Sahara. Since Italy and Libya's puppet government in Tripoli have begun to hamper maritime rescue operations off the Libyan coast, a rise in the number of casualties is also feared in the Mediterranean. At the same time, the German government is supporting the internment of refugees in Libyan detention camps, notorious for their brutal and even murderous treatment. "Humanitarian standards" need to be imposed on those camps, German Chancellor Angela Merkel says, and calls on the services of the United Nations' Organization for Migration (IOM) and the UNHCR. These activities combine to create a multiple anti-refugee system, including two rings of barriers along with a network of camps.

Arms Buildup Against China

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Fri, 28/07/2017 - 00:00
(Own report) - Berlin is expanding its military and arms industry cooperation with the People's Republic of China's East Asian rivals. A few days ago, the German and Japanese defense ministries signed an agreement to intensify their "cooperation in the defense technology sector." For years, the German arms industry has been seeking to enhance its standing on Tokyo's arms market, which is continuously expanding, primarily due to the power struggle with Beijing. Cooperation is also growing between the armed forces of Germany and Japan. The German Armed Forces Staff College in Hamburg recently concluded an agreement to this effect. Cooperation with the South Korean military is likewise being intensified. Seoul, one of the German arms industry's most important customers, has already placed South Korean warships at the disposal of the EU's operation in the war on piracy at the Horn of Africa.

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