Members of the Subcommittee on HumanRights and of the Committee on Foreign Affairs are visiting the UN GeneralAssembly as part of a European Parliament delegation, to discuss issues relatedto human rights. The General Assembly, comprised of all 193 Members of theUnited Nations, provides a unique forum for multilateral discussion of the fullspectrum of international issues.
Au cours de la dernière décennie plus de 700 journalistes ont été assassinés ? La FIJ demande donc une coopération parmi les membres des Nations Unies et des mesures économiques ciblées pour mettre fin à l’impunité pour les violences contre les journalistes. Que les Etats membres des Nations Unies de s’engagent à rechercher et à étendre la coopération judiciaire dans les investigations et les poursuites des assassins de journalistes.
La FIJ, qui vient de lancer sa campagne annuelle contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, demande également aux institutions financières et aux bailleurs de fonds d’adopter parmi leurs critères d’aide au développement des pays ayant le plus haut niveau de violence envers le journalisme, le respect de la liberté de la presse et la protection des médias. La demande de la FIJ intervient à l’occasion du deuxième anniversaire de la Journée des Nations Unies de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. La FIJ a organisé notamment un événement le lundi 2 novembre pour les médias au Résidence Palace à Bruxelles. De nombreuses autres activités sont prévues dans le monde par la FIJ et ses affiliés dans le cadre de sa campagne annuelle qui se déroulera du 2 au 23 novembre.
“Il est important pour les membres des Nations Unies de donner une réelle signification à la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes », a indiqué le président de la FIJ, Jim Boumelha. « Nous leur demandons instamment de coopérer à travers le partage d’expertise techniques et de savoir-faire, de formation ainsi que de bonnes pratiques pour enquêter sur les assassinats de journalistes, et de faire ainsi la différence dans une situation de crise de sécurité pour les médias. Ce type d’assistance exposerait davantage les régimes répressifs qui continuent de mettre le journalisme à l’épreuve et contribuerait à mettre davantage de pression pour qu’ils remplissent leurs obligations internationales ».
La FIJ enregistre le nombre de journalistes et de professionnels des médias tués depuis 25 ans, et dénombre au moins 85 morts depuis début 2015. La fédération indique que peu d’utilisation est faite de la capacité, de l’expérience et des compétences que beaucoup de membres des Nations Unies pourraient partager afin de résoudre les meurtres des journalistes.
La fédération propose une stratégie intégrée dans le Cadre du plan d’action des Nations Unies sur la question de l’impunité et de la sécurité des journalistes. Elle propose notamment de promouvoir une collaboration étroite entre les entités gouvernementales en charge de la mise en œuvre des lois et les institutions internationales spécialisées telles que l’Office des Nations Unies sur la drogue et le crime, afin d’enquêter sur les violences contre les journalistes.
Tout en accueillant la décision de la directrice de l’UNESCO de demander aux gouvernements des informations sur les actions entreprises pour répondre aux assassinats de journalistes, la FIJ note que le système volontaire sur lequel il repose et le fait que l’agence des Nations Unies n’a pas de mandat pour défier les gouvernements affaiblissent l’initiative. Dans de nombreux cas, la réponse des gouvernements indique un manque de preuve pour identifier et punir les auteurs d’attaques envers les journalistes, ou fournit des informations dont l’intérêt est faible.
La FIJ travaille depuis longtemps à l’établissement de liens entre développement et aide économique et un engagement véritable envers le respect des droits des journalistes. La fédération figurait parmi les organisations de défense de la liberté de la presse qui ont fait le succès de telles mesures au niveau de l’Union européenne, aboutissant à la suspension du partenariat économique avec le Sri Lanka en 2009. La FIJ est donc convaincue que les sanctions financières ciblées peuvent contribuer à lutter contre l’impunité des assassins de journalistes.
» En plus de la nécessaire coopération judiciaire entre les gouvernements du monde, la FIJ exige aujourd’hui que les textes internationaux soient appliqués et demande que les Nations Unies mettent tout en œuvre pour les imposer aux gouvernements récalcitrants et aux pouvoirs corrompus » a indiqué Anthony Bellanger, Secrétaire général de la FIJ.
« L’assassinat est un délit et chacun doit savoir que tout délit ne doit pas rester impuni. La FIJ demande donc à l’ONU, ses agences et les autres institutions internationales telles que la Banque Mondiale et le FMI de prendre toutes les mesures restrictives, y compris financières, pour que cessent définitivement les meurtres en toute impunité des journalistes qui ne font que remplir leur mission d’intérêt public. L’impunité fait disparaître la liberté d’expression et par conséquent, la perte, à terme, des droits fondamentaux pour tous les citoyens du monde. Il est temps maintenant que chacun prenne ses responsabilités et les assume. »
La Journée internationale sur la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2013. La Journée des Nations Unies tombe le jour où deux reporters de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été assassinés à Kidal, au Mali, en 2013. En mai dernier le Conseil de sécurité des Nations Unies adoptait la Résolution 2222 sur la protection des journalistes, la deuxième résolution sur la sécurité des médias suite à sa résolution de 1738 adoptée en 2006 pour la protection des journalistes dans les zones de conflits.
A cette occasion le Secrétaire général des Nations Unies à lancé également son appel « Beaucoup périssent accidentellement dans les conflits dont ils assurent si courageusement la couverture. Mais ils sont trop nombreux à avoir été assassinés pour la seule raison qu’ils voulaient faire connaître la vérité et qu’on les a réduits au silence. Seulement 7% de ces cas sont élucidés, et moins d’un sur 10 de ces crimes fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme », a noté M. Ban dans un message pour cette journée. « Dans un tel climat d’impunité, les journalistes ont de plus en plus peur et certains gouvernements n’ont aucun mal à exercer leur censure ».
Selon le Secrétaire général de l’ONU, il faut redoubler d’efforts pour inverser cette tendance et faire en sorte que les journalistes puissent faire leur métier en toute liberté. « Les journalistes ne devraient pas avoir à s’autocensurer parce qu’ils craignent pour leur vie », a-t-il dit.
Le chef de l’ONU a félicité l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) d’avoir lancé le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.
La Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, qui a pour mandat de promouvoir la liberté d’expression et la liberté de la presse, a rappelé lundi que ces six dernières années elle a condamné publiquement et sans ambiguïté plus de 540 cas d’assassinats de journalistes, professionnels des médias et producteurs de médias sociaux. Le jour même (lundi 2 novembre) elle a condamné le meurtre d’un journaliste de télévision iraquien, Yahya al-Khatib, qui a été tué par des extrémistes le 16 août à Mossoul où il travaillait pour deux chaînes de télévision par satellite, Al-Mosuliyah et Nineveh Al-Ghad.
Selon Mme Bokova, les efforts effectués dans le cadre du Plan d’action des Nations Unies portent aujourd’hui leurs fruits. « La communauté internationale reconnaît de plus en plus combien il est important d’améliorer la sécurité des journalistes et de mettre un terme à l’impunité », a-t-elle souligné. « De plus en plus d’États mettent en place de nouvelles lois et de nouveaux mécanismes pour s’attaquer à l’impunité et améliorer la sécurité des journalistes. Les systèmes judiciaires et les forces de sécurité ont renforcé leur engagement à cet égard ».
Pour en savoir plus
Texte de la Résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations Unies http://www.un.org/press/fr/2015/cs11908.doc.htm
L’Allemagne est de plus en plus inquiète de la partie de ping-pong à laquelle se livrent les pays européens depuis le début de la crise des réfugiés. « Les clôtures n’ont pas empêché un seul réfugié de venir en Europe », constate-t-on à Berlin : « cette approche nationaliste revient en réalité à repousser le fardeau sur d’autres. C’est ainsi que naissent les conflits », met solennellement en garde un responsable allemand. Les dirigeants de treize pays du continent européen réunis dimanche, à Bruxelles, se sont d’ailleurs fait l’écho des inquiétudes germaniques dans leur communiqué final : « des actions unilatérales pourraient déclencher des réactions en chaîne », ont-ils prévenu. Le Premier ministre slovène, Miro Cerar, lui, n’a pas hésité à sonner le tocsin à l’occasion de ce mini-sommet : « si nous ne prenons pas des actions immédiates et concrètes (…), je pense que l’Union européenne tout entière va commencer à s’effondrer ».
De fait, la construction d’un mur aux frontières serbo-hongroise et croato-hongroise n’a fait que déplacer le flux des réfugiés venant de Turquie via la Grèce et la Macédoine vers la Croatie (11.500 arrivées rien que dans la journée de samedi) et la Slovénie (86.000 personnes en dix jours dans un pays de deux millions d’habitants), deux États de l’Union qui menacent à leur tour d’ériger une barrière pour se protéger… Mardi, le ministre-président de Bavière, Horst Seehofer, a accusé l’Autriche de déposer à la frontière allemande des milliers de réfugiés sans le prévenir, ce qu’a confirmé Thomas de Maizière, le ministre de l’intérieur allemand : « le comportement de l’Autriche ces derniers jours n’est pas correct ». Même si la police autrichienne a qualifié ces accusations de « blague », Vienne a annoncé hier l’édification d’une barrière à sa frontière avec la Slovénie, le nouveau pays de transit des réfugiés. Un précédent puisque les deux pays sont membres de Schengen, un espace sans frontière intérieure… Pis : certains citoyens européens, en Allemagne et ailleurs, se laissent aller à des discours de haine et à des actions violentes à l’égard des réfugiés : « il y a une radicalisation du langage tant sur internet que lors de manifestations de rue », s’inquiète-t-on à Berlin. « Il y a de la haine et cela fait le lit d’actes violents qui n’ont rien de spontané » pour le plus grand bénéfice des partis populistes europhobes. Bref, la crise des réfugiés fait apparaître d’inquiétantes fissures au sein de l’Europe communautaire, menaçant son projet de paix permanente.
Appel d’air
Le gouvernement allemand juge qu’il n’a rien à se reprocher dans cette crise, bien au contraire. Pour lui, l’ouverture de ses frontières n’est pas la cause de l’afflux des réfugiés comme vient de l’en accuser Johanna Mikl-Leitner, la ministre de l’intérieur autrichienne, en affirmant que « ces gens vont en Allemagne parce qu’ils s’y sentent invités ». « Cette décision prise en conseil des ministres était destinée à éviter une catastrophe humanitaire », se défend-on à Berlin. « Il ne faut pas oublier les images de la gare de Budapest : les migrants étaient en route de toute façon. De plus, la Cour de justice de l’UE, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour constitutionnelle fédérale allemande interdirent de renvoyer des demandeurs d’asile vers le pays de première entrée, comme le prévoit le règlement de Dublin, si leur demande ne peut pas y être traitée de façon équitable. On n’avait donc pas le choix vu ce qui se passe en Grèce ». Une décision « exceptionnelle, même si le risque existe qu’elle ne reste pas une exception ». L’Allemagne estime même que son attitude va permettre à l’Union de peser dans la résolution des conflits qui sont à la source de la crise humanitaire : « les images de la gare de Budapest ou de Calais ne servent pas la réputation de l’Union dans le monde alors que l’ouverture des frontières allemandes, si ». Même si le gouvernement a conscience que le défi est immense : 500.000 personnes par an devraient obtenir le droit de résider dans le pays, ce qui aura un coût politique, comme le montre la baisse de popularité de la chancelière, mais aussi matériel. Au ministère des Finances, on estime que la charge pour le budget fédéral représentera 10 milliards d’euros, soit 0,5 % du PIB.
Reste que la communication, à l’heure de la mondialisation et du net, n’est pas facile. Par exemple, lorsque Thomas de Maizière, le ministre de l’intérieur allemand, a annoncé, en août, que l’Allemagne attendait 800.000 migrants pour 2015, cela a été immédiatement compris en Afghanistan comme étant un plafond maximal et qu’il fallait donc se précipiter pour être dans le quota, comme le raconte un responsable allemand. Même l’annonce de la construction de clôtures a des effets pervers : l’appel d’air est immédiat comme on l’a vu en Hongrie…
Pas de «bouton magique»
Ce constat posé, comment résoudre cette crise ? « Il n’existe pas de bouton magique. Il faudra décider d’un ensemble de mesures nationales et internationales », prévient-on à Berlin. Au niveau européen, l’Allemagne plaide pour la création d’un corps européen de garde-frontière, une harmonisation du droit d’asile et des droits reconnus aux demandeurs d’asile, autant de propositions de la Commission qu’elle avait jusqu’ici refusées. Elle souhaite aussi la création de « zones de transit » aux frontières terrestres, comme il en existe dans les aéroports, afin de faire le tri entre ceux qui ont une chance d’obtenir le statut de réfugié et les autres. « C’est prévu dans la directive de 2013 sur les procédures d’asile, mais au lieu des 4 semaines de délai prévu, nous proposons de limiter la rétention à 4 jours », explique-t-on à Berlin. Wolfgang Schäuble, le grand argentier allemand, demande même une augmentation du budget européen via la création d’une nouvelle ressource. Si le gouvernement français s’est étranglé, la Commission et le Parlement européen ont applaudi des deux mains : « l’Union ne dispose pas des fonds nécessaires pour répondre à une crise migratoire sans précédent », a ainsi rappelé mercredi Jean Arthuis, le président de la commission du budget de l’europarlement, que ce soit pour la création d’un corps de garde-frontière, le financement des camps de réfugiés dans les pays tiers (3 milliards promis à la Turquie), l’aide au développement, etc.
Pour l’Allemagne il est clair que « l’Europe n’est pas la cause des problèmes, mais une partie de la solution. Aucun pays du continent ne pourra régler seul la crise des réfugiés ». La chancelière allemande, elle-même issue de l’ex-RDA, est particulièrement choquée par la réaction des pays d’Europe de l’Est qui se montrent peu solidaires : ce sont eux qui sont le plus opposés à un mécanisme permanent de relocalisation destiné à se répartir la charge des demandeurs d’asile. « Pour une raison que je ne comprends pas, les pays d’Europe centrale et orientale se sentent traités de manière injuste. Je veux comprendre pourquoi ils ont cette réaction vis-à-vis des réfugiés », s’est ainsi désolé Angela Merkel à l’issue du sommet européen du 15 octobre. La solidarité ne peut pas être « à sens unique », grince-t-on à Berlin : ainsi, la Pologne va recevoir du budget européen sur la période 2014-2020 110 milliards d’euros (aides régionales et politique agricole commune), soit 4 % de son PIB chaque année, la Hongrie, 34 milliards, la Slovaquie, 18,5 milliards et la Tchéquie, 30,5 milliards. On rappelle aussi que ce sont ces pays qui sont le plus inquiets de la politique agressive de Vladimir Poutine, le dirigeant russe, et le plus demandeur d’une protection européenne : « ils devraient comprendre que la crise des réfugiés oblige les Européens à se concentrer sur ce problème, ce qui fait le jeu de Poutine »…
La Turquie au centre du jeu
La Turquie tient un rôle central dans la stratégie d’ensemble que Berlin souhaite voir mise en place par l’Union : « on ne résoudra pas le problème des réfugiés à la frontière de la Croatie et de la Serbie. Si on ne veut pas construire des clôtures partout, il faut s’attaquer aux racines du problème et la Turquie est plus proche du problème que nous ». Actuellement, il y a entre 2,3 et 2,5 millions de réfugiés syriens et irakiens dans ce pays et c’est de là que partent une bonne partie de ceux qui arrivent en Europe : « la frontière entre la Grèce et la Turquie est actuellement contrôlée par les trafiquants ». Il n’y a pas donc d’autres choix que de s’appuyer sur ce pays, « le plus démocratique de la région et membre de l’OTAN ». D’où la volonté allemande de l’aider financièrement, mais aussi de relancer le processus d’adhésion à l’Union afin de le stabiliser, processus qu’elle bloquait jusqu’à présent. « Une Turquie déstabilisée serait un cauchemar pour nous. Or elle se sent actuellement isolée, entourée de pays hostiles », insiste un responsable allemand. Angela Merkel, qui s’est rendue à Ankara le 18 octobre, espère donc que la Turquie tarira à sa source l’afflux de réfugiés.
N.B.: article (version longue) paru dans Libération du 29 octobre
"An extremey good man"
"The conference of Presidents decided that the Sakharov Prize will go to Saudi blogger Raif Badawi," said Schulz announcing the 2015 laureate in plenary. "This man, who is an extremely good man and an exemplary good man, has had imposed on him one of the most gruesome penalties that exist in this country which can only be described as brutal torture." The EP President added: "I call on King of Saudi Arabia to stop the execution of this sentence, to release Mr Badawi, to allow him to back to his wife and to allow him to travel here for the December session to receive this prize."REUTERS/Sigtryggur Arie
L’Union européenne a osé l’impensable, résister aux États-Unis ! Et pas dans n’importe quel domaine, mais dans celui qui est au cœur de la souveraineté étatique, celui de la « sécurité nationale ». La Cour de justice européenne a, en effet, jugé, le 6 octobre dernier, dans une affaire opposant un citoyen autrichien à Facebook, que les entreprises américaines ne pouvaient pas transmettre les données personnelles des Européens vers les États-Unis, celles-ci n’y bénéficiant d’aucune protection réelle ce qui porte « atteinte au contenu essentiel du droit fondamental au respect de la vie privée » et à l’État de droit. Tous les accords trouvés avec les États-Unis depuis 15 ans s’effondrent donc d’un coup : non seulement Facebook, Google, Apple, Amazon et autres géants américains ne pourront plus transmettre de données vers le territoire américain, vers c’est aussi vrai pour les compagnies aériennes (PNR, passenger name recorder) ou encore les banques (SWIFT) européennes.
Ce qu’a fait la Cour, aucun État membre n’a osé le faire vu les implications diplomatiques et économiques. Bien au contraire : depuis 2000, ils ont toujours cédé face aux exigences de plus en plus grandes des Américains en matière de transfert de données personnelles, alors que, au nom de leur doctrine extensive de sécurité nationale, ils refusent de respecter la vie privée du reste du monde (mais aussi des Américains depuis le Patriot Act, mais cela, c’est leur affaire). Pis : l’affaire Snowden a montré que les États-Unis, en matière de collecte de données, ne s’embarrassaient pas des normes inhérentes à l’État de droit. La Commission et le Parlement européen, largement soumis à l’influence des gouvernements de l’Union, ne se sont pas montrés plus exigeants, se contentant des protestations de bonne foi des autorités américaines. Il faut dire que les États-Unis n’ont pas hésité à menacer les Européens de mesures de rétorsion s’ils se montraient un peu trop regardants, par exemple en interdisant aux compagnies aériennes européennes qui ne transmettraient pas les données personnelles de leurs passagers d’avoir accès à leur territoire… Certes, les Européens pourraient faire de même, mais l’Union n’est pas une fédération achevée et les États, qui gardent l’essentiel de leurs prérogatives souveraines contrairement à une légende tenace, ont eu trop peur d’être ciblés individuellement par les Américains pour entrer dans un tel bras de fer. La Commission et le Parlement n’ont fait que prendre acte de ce rapport de force.
Le «safe harbor», une coquille vide
Néanmoins, pour rassurer les citoyens inquiets, la Commission a créé un cadre juridique, en 2000, censé offrir une protection équivalente à celle qui existe dans l’Union pour les données transmises aux États-Unis. C’est le fameux « safe harbor » ou « sphère de sécurité », une sorte de code de bonne conduite reposant, comme le dit la Cour de Luxembourg, « sur l’autoévaluation et l’autocertification » des entreprises américaines, censé garantir, notamment, un droit d’accès et de rectification aux citoyens européens. C’est ce « safe harbor » que la Cour a démoli : pour elle, il s’agit d’une coquille vide, ce qui ne constitue pas vraiment une surprise. Elle souligne ainsi qu’il « est uniquement applicable aux entreprises américaines qui y souscrivent, sans que les autorités publiques des États-Unis y soient elles-mêmes soumises. En outre, les exigences relatives à la sécurité nationale, à l’intérêt public et au respect des lois des États-Unis l’emportent sur le régime de la sphère de sécurité, si bien que les entreprises américaines sont tenues d’écarter, sans limitation, les règles de protection prévues par ce régime, lorsqu’elles entrent en conflit avec de telles exigences ».
En clair, les autorités américaines peuvent se servir librement, sans aucun principe de proportionnalité, dans les serveurs des entreprises sans avoir à respecter les droits fondamentaux de la personne. En effet, les citoyens européens n’ont aucun droit d’accès, de rectification, de suppression des données les concernant et qui sont traitées par les autorités américaines. De même, ils ne disposent d’aucune voie de recours judiciaires, ce qui les prive « du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, une telle possibilité étant inhérente à l’existence d’un État de droit ». Pour la Cour, la « sphère de sécurité » n’offre donc absolument pas un « niveau de protection équivalent » à celui qui existe dans l’Union. Mieux : la Cour estime que le constat par la Commission de l’existence d’un niveau de protection des données équivalent ne prive nullement les autorités nationales de protection des données (comme la CNIL en France) de leur pouvoir de contrôler au cas par cas que tel est bien le cas. Autrement dit, la protection dont bénéficient les citoyens européens est triple : par la Commission, par la Cour de justice qui contrôle la Commission et par les autorités nationales qui s’assurent que dans chaque cas les droits des Européens sont protégés.
Les entreprises prises en étau
La Commission et les États membres ont donc reçu un véritable coup de massue de la part du juge européen. C’est toute la beauté du système communautaire : il peut se montrer plus grand que la somme des États et des intérêts nationaux. « La Cour de justice a pallié la défaillance du législateur », estime Nathalie Martial-Braz, professeure de droit privé à l’Université de Bourgogne-Franche Comté et spécialiste du droit numérique. « En l’absence de texte, elle assure elle-même la protection nécessaire ». La Cour a fait exactement la même chose, le 13 mai 2014, dans l’affaire Google Espagne, en consacrant le droit à l’oubli numérique et en mettant fin au régime d’irresponsabilité organisé par les géants américains (cela s’applique aussi à Wikipédia, organisme sans but lucratif).
Les conséquences de l’arrêt Facebook sont énormes, tant d’un point de vue diplomatique, d’où la gêne à peine dissimulée de la Commission qui se retrouve avec une grenade dégoupillée entre les mains en pleine négociation du traité transatlantique (TTIP), qu’économique : « tous les transferts de données personnelles vers les États-Unis sont désormais invalides », souligne Nathalie Martial-Braz. Certes, les entreprises peuvent encore utiliser des clauses contractuelles entre elles (les BCR), mais elles devront être validées par les autorités nationales de régulation, ou encore demander le consentement express de chaque personne… Ce qui s’annonce complexe, quand on sait que 95 % des données passent par le « safe harbor ».
Pour Nathalie Martial-Braz, « les entreprises sont prises dans un étau : soit elles arrêtent de transférer des données et elles s’exposent à des sanctions américaines, soit elles continuent et elles s’exposent à des sanctions européennes ». Et là, on touche du doigt les limites du droit européen et des différents droits nationaux : les sanctions pécuniaires restent, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, largement symboliques en Europe. En clair, cela devrait conduire les entreprises à… ignorer l’arrêt de la Cour de justice, car cela leur coûtera infiniment moins cher. Le seul moyen de résister au rouleau compresseur américain serait donc que le législateur européen instaure des sanctions à la hauteur de l’enjeu, sauf à rendre symbolique la protection offerte par le droit européen. Autrement dit, dans l’affaire Facebook, l’Union a fait la démonstration de sa raison d’être. Mais la Commission et les États peuvent parfaitement faire la démonstration inverse en privant de griffes et dents les juges européens. Avec le risque d’accroitre l’euroscepticisme, car c’est « l’Europe » qui sera rendue responsable de cette incapacité à agir. Et non les États membres.
N.B.: article paru dans l’Hémicycle de novembre 2015