Associate Professor at the University of Athens and Senior Research Fellow at ELIAMEP Dimitri A. Sotiropoulos wrote an article on the crisis in modern democracy in the Sunday edition of To Vima newspaper. The article was published on 8 January 2017 and is available here (in Greek).
La campagne sexiste de Donald Trump n’augurait rien de bon pour les droits des femmes. Son élection confirme les craintes et questionne la mobilisation des mouvements féministes américains pour les prochaines années.
L’intérêt d’une analyse de la présidence Trump au prisme du genre ne se dément pas. Arrêtons-nous, tout d’abord, sur le choix de ses collaborateurs, essentiellement masculins (et blancs). On compte à ce jour quatre femmes pour 13 hommes parmi les futurs ministres, et une femme pour 9 hommes dans le cabinet. Il est probable que les nominations qu’il effectuera dans la haute administration iront dans le même sens. Le souhait du nouveau Président de s’entourer de généraux, d’ultras du parti républicain et de milliardaires issus du big business – des «mondes d’hommes» s’il en est -, s’ajoute à son absence de volonté manifeste de recruter des femmes. L’organigramme de l’entreprise Trump est lui aussi exclusivement masculin dans les tops excutives, à l’exception de sa fille Ivanka. Au mieux, il n’entend tout simplement pas changer les habitudes. Au pire, il pratique une discrimination consciente
C’est au moins une promesse qu’il est en train de tenir puisque la restauration d’une Amérique blanche et patriarcale était au cœur de sa campagne. La virilité stéréotypée participe du style Trump, sur le fond comme dans la forme : force, menaces et bras de fer en politique étrangère, culte de la personnalité, plaisanteries graveleuses, etc. Son projet, c’est celui d’une nation «debout», rompant avec l’Amérique faible d’un Obama qualifié pendant 8 ans par les Républicains de «Président qui s’excuse», «qui se couche». «Make America great again»… Dans la stratégie (et la communication) de Trump, un «vrai» dirigeant ne manque pas de leadership, prend des risques et ne craint pas l’adversité. La défense des droits des femmes, comme de ceux des homosexuels ou des minorités ethniques est une marque de faiblesse, d’impuissance face aux revendications du fléau du «politiquement correct». On sait que cette rhétorique a séduit l’électorat de Trump et au mieux ne l’a pas découragé, le 8 novembre dernier.
En juillet 2016, le parti a adopté, pour les quatre ans à venir, un programme profondément attentatoire aux libertés des femmes avec, entre autres sujets, une interdiction totale de l’avortement, nourrie par des impératifs moraux et religieux et par le fantasme de lutter contre les bouleversements démographiques («sauver» l’Amérique blanche). C’est un point sur lequel Trump, le Congrès à majorité républicaine et les Etats fédérés dirigés par des conservateurs n’auront aucun mal à s’entendre.
Quand il s’agit des femmes, les signes politiques négatifs se multiplient de la part du nouveau Président. Ainsi, l’équipe de Trump a demandé au département d’Etat des informations sur ses programmes relatifs au genre et à l’égalité femmes-hommes (violences – notamment sexuelles -, entrepreneuriat, place des femmes dans les secteurs économique et politique) et… sur les services qui les gèrent. La crainte d’une «chasse aux sorcières» fait son chemin dans l’administration encore en place, d’autant que les mêmes demandes ont été formulées sur les programmes relatifs à la protection de l’environnement – le staff de Trump s’est aussi enquis auprès du département d’Etat du nom des personnes qui en ont la charge…
Les mouvements féministes comme le parti démocrate prennent acte de cette réalité hostile. La défaite d’Hillary Clinton les contraint à repenser leur projet politique en faveur des droits des femmes, non seulement sur le fond, mais aussi sur les modalités des mobilisations militantes. Ils sont confrontés à plusieurs défis. Le premier est de (re-)connecter la question des inégalités femmes-hommes à celle des inégalités socio-économiques comme à celles des inégalités «raciales». La campagne de Clinton, bien qu’elle se veuille féministe – et elle l’était -, n’a pas mobilisé les électrices au-delà des scores habituels du parti. Clinton a donné l’impression qu’elle se cantonnait à la question du plafond de verre et ce n’est pas un combat dans lequel les classes moyennes et surtout populaires se reconnaissent a priori. Ainsi, sa promesse de nominations paritaires dans son administration n’a pas séduit. Le combat qu’elle avait promis de mener contre les discriminations au travail a lui aussi donné l’impression de ne s’adresser qu’aux CSP +. Ses projets de mesures en faveur du child care ou d’augmentation du salaire minimum sont quant à eux restés trop vagues et ont semblé calqués a posteriori sur celles de Bernie Sanders.
La candidate démocrate n’est pas parvenue à se défaire de l’étiquette de proximité avec le monde des affaires. C’était le propos de la philosophe Nancy Fraser pendant la campagne, qui a rappelé que les préoccupations des femmes très diplômées, urbaines et issues des classes aisées – et souvent «blanches» – n’étaient pas celles des travailleuses pauvres, qui appartiennent fréquemment aux minorités ethniques et qui, souvent, «gardent les enfants et font le ménage chez les femmes éduquées». Pour Fraser, Clinton incarnait un féminisme néolibéral. De plus, chez les jeunes générations progressistes, le féminisme de Clinton a été perçu comme démodé, comme ne prenant pas suffisamment en compte les sujets environnementaux, et ses propositions pour diminuer la dette étudiante ont elles aussi été vues comme une pâle copie de celles de Bernie Sanders, qui en avait fait l’un des thèmes majeurs de son programme.
Pour se mobiliser efficacement et donc avoir une influence forte sur l’agenda politique local et national, les mouvements féministes américains doivent dépassent certains points de divergence. Or l’élection de Trump est un signal positif envoyé aux opposants des droits des femmes. Elle nourrit la dynamique de défiance sur le sujet de l’égalité car la tentation d’un «backlash» existe aux Etats-Unis – comme en France, du reste, et la campagne présidentielle de 2017 nous le montre déjà. Sur l’accès à l’avortement, depuis des années, les «pro-choice» américains exercent un lobbying moins efficace que les «pro-life» qui vont avoir le vent en poupe avec la très possible nomination d’un 9e juge anti-avortement à la Cour suprême. L’élection de Trump peut donc aussi être aussi une occasion, pour le militantisme féministe, de rebondir. Une marche en faveur des droits des femmes est prévue le 21 janvier prochain, soit le lendemain de l’investiture du nouveau Président. Peut-être le début d’une nouvelle visibilité.
Alors que la santé et la protection sociale sont au cœur des préoccupations des Français, ces thèmes sont peu ou pas présents dans les débats présidentiels. Afin de remettre ces enjeux au centre des débats, la Mutualité Française, en partenariat avec la Fondation pour l’innovation politique, la Fondation Jean-Jaurès et Terra Nova, lance PlacedelaSanté.fr. L’objet […]
Cet article Place de la santé – Les biobanques : mettre en banque le vivant? est apparu en premier sur Fondapol.
Philippe Hugon est directeur de recherche à l’IRIS, en charge de l’Afrique. Il répond à nos questions à l’occasion de la sortie de son livre : “L’Afrique” (éditions Eyrolles).
– Quelle est la place de l’Afrique dans l’architecture internationale ?
– Par quels leviers d’action l’Afrique peut-elle combler son retard de développement ? La solution est-elle à l’intégration régionale ?
– La France a-t-elle un rôle à jouer et une opportunité à saisir ?
Directrice de recherche au CNRS (CERI-Sciences-Po) et enseignante à Sciences-Po, Catherine Wihtol de Wenden est politologue et juriste, spécialiste des migrations internationales. Elle répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « L’immigration : découvrir l’histoire, les évolutions et les tendances des phénomènes migratoires », aux éditions Eyrolles.
Peut-on fermer les frontières ?
Aucun pays peut s’enorgueillir de contrôler ses frontières dans le respect des droits de l’homme. Ceux-ci rendent impossible l’interdiction du passage des frontières à plusieurs catégories d’étrangers en fonction des accords signés par les pays d’accueil : les demandeurs d’asile, en vertu de la Convention de Genève de 1951, les membres des familles (épouse et enfants de moins de 18 ans), en vertu du droit de vivre en famille, principe constitutionnel dans de nombreux pays d’accueil, et les mineurs étrangers non accompagnés, en vertu de la Convention de 1989 sur les droits de l’enfant. De plus, les grands pays d’immigration du monde sont dépendants des migrations économiquement (besoin de main d’œuvre, qualifiée et non qualifiée) et démographiquement (vieillissement de la population). Enfin, pour des raisons de dialogue et de sécurité, fermer les frontières serait très dangereux, car, en maintenant enfermées des populations scolarisées, au chômage et sans espoir de partir de pays pauvres et mal gouvernés, nous aurions à nos portes des bombes à retardement. Plus les politiques de fermeture sont dissuasives, plus la transgression des frontières est pratiquée, via notamment des passeurs qui profitent des demandes de passage irrégulier. Il est donc illusoire de vouloir fermer hermétiquement les frontières, à moins de poster un gardien armé tous les 100 mètres, ce qui serait d’ailleurs encore plus coûteux qu’aujourd’hui.
Les migrants prennent-ils le travail des nationaux ?
Les migrants primo-arrivants viennent s’engouffrer dans les niches d’un marché du travail très segmenté et occupent les métiers peu sollicités par les nationaux : des métiers qualifiés, comme les médecins de campagne par exemple, ou des métiers peu qualifiés délaissés appelés aux États-Unis les « 3D » (dirty, difficult, dangerous), pénibles, mal payés, irréguliers dans l’année, soumis aux intempéries, sales, etc. Il n’y a pas de flexibilité du marché du travail suffisante pour que les nationaux au chômage viennent occuper les travaux occupés par les migrants, car cela supposerait que les nationaux ne touchent pas d’indemnisation de chômage et acceptent de se déqualifier en effectuant des métiers parfois dégradants. Les métiers occupés par les migrants se trouvent notamment dans l’agriculture (récolte des fruits et légumes, entretien des terres viticoles, garde des moutons, abattoirs), les services (industriels et domestiques pour le nettoyage et le gardiennage), les services à la personne (enfants et personnes âgées), le bâtiment et la restauration ; autant de secteurs où les nationaux sont peu présents aux postes subalternes. On trouve également des migrants dans les métiers qualifiés dits en tension où l’on manque de main d’œuvre, comme les métiers de l’ébénisterie, de la plomberie, de la santé. Enfin, des pénuries régionales ou sectorielles de main d’œuvre peuvent aussi conduire les employeurs à faire appel à des migrants.
Les débats politique et/ou médiatique sur les phénomènes migratoires vous paraissent-ils pertinents ? L’expertise réelle est-elle sollicitée ?
La plupart des décisions concernant les politiques migratoires semblent se fonder davantage sur les résultats de sondages et les prises de position politiques, que sur la consultation des travaux d’expertise et des recherches académiques. Les médias travaillent surtout dans l’urgence des évènements et dans le souci d’avoir un taux d’écoute élevé. L’accent est donc mis en priorité sur le sensationnel (banlieues qui brûlent, actes terroristes, flots de migrants arrivant par bateau ou sur la route des Balkans, etc.) La réalité est plus nuancée, mais également plus banale à mettre en scène et ne retient pas l’attention des journalistes. De leur côté, les pouvoirs publics cherchent à mettre en scène leurs politiques pour suggérer l’efficacité de leurs mesures, ce qui ne correspond pas non plus au quotidien des politiques migratoires. La parole des experts pèse peu sur les décisions, car ce sont les résultats d’analyses à long terme alors que les politiques traitent du court terme, en réponse aux attentes d’une opinion publique inquiète et aux discours de certains partis politiques qui entendent bénéficier d’un climat de peur. Il ne s’agit alors pas de mettre en place une « bonne » politique migratoire, correspondant à l’état des savoirs en la matière, mais une politique qui corresponde aux demandes de l’opinion et des résultats des sondages. C’est ce qu’on peut qualifier de « politique d’opinion ».
Beaucoup de travaux académiques et d’experts convergent dans leurs conclusions sur la nécessité d’ouvrir davantage les frontières, de renoncer au tout sécuritaire et à la stratégie de dissuasion, de respecter les droits de l’homme, de se soucier des besoins économiques et démographiques des pays d’accueil et de permettre par la mobilité un mieux-être dans les pays d’origine. Les politiques publiques menées coûtent souvent très chers, non seulement en vies humaines (30 000 morts en méditerranée depuis 2000), mais aussi en coût financier (budgets des instruments de contrôle et de rétention, des reconductions à la frontière, des fonds pour le retour au pays) et sont de peu d’effet, car elles ne correspondent pas aux tendances comportementales observées et aux aspirations des migrants, maîtres du jeu en dépit des politiques menées. Enfin, les pays d’origine sont de plus en plus les interlocuteurs des pays d’immigration et souhaitent poursuivre une politique basée sur des flux migratoires qui leur rapportent des devises (420 milliards de dollars, soit trois fois l’aide publique au développement), limitent le chômage et la contestation sociale. Il faut donc inventer un équilibre mondial qui permette un dialogue sur la question du droit à la mobilité. Dans le domaine des migrations, la posture du savant et celle du politique sont rarement en phase.
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.
Le chef du gouvernement de la Wallonie, Paul Magnette, qui s’était opposé à la signature du Ceta, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, a publié, le 2 décembre dernier, la Déclaration de Namur. Signée par une quarantaine d’universitaires, dont les économistes Jean-Paul Fitoussi, Philippe Aghion et Thomas Piketty, ce texte demande une […]
Cet article Rendre plus efficace la politique commerciale européenne est apparu en premier sur Fondapol.
À l’heure où le protectionnisme occupe une place croissante dans le débat public aux États-Unis comme en Europe, l’ouverture au monde de l’économie française, condition de sa croissance, ne saurait être remise en cause. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis symbolise le retour du protectionnisme dans les échanges internationaux. La politique commerciale […]
Cet article Laurence Daziano – Repenser notre politique commerciale est apparu en premier sur Fondapol.
Philippe Sarremejane est Professeur des universités. Il enseigne l’éthique du sport dans le cadre du master Entraînement et optimisation de la performance sportive de l’Université Paris-Est. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage « Éthique et sport », aux Éditions Sciences humaines.
Existe-t-il une éthique spécifique au sport ?
Depuis une cinquantaine d’années, de nouvelles réalités pratiques liées à l’évolution des comportements, de la science et des techniques, ont suscité des interrogations inédites. Afin d’y répondre de manière concrète, les grands courants traditionnels de l’éthique théorique ou de la méta-éthique ont évolué depuis la fin des années 60 en de nombreuses éthiques « appliquées ». La bioéthique, l’éthique médicale, l’éthique de l’entreprise ou de l’environnement, sont autant de signes de cette évolution. Le sport peut-il s’inscrire dans ce large mouvement ? Nous le croyons car le sport est en prise directe avec de nombreux domaines – économique, politique, biologique, scientifique et technologique – qui traduisent de profonds changements et qui ne cessent d’interroger les sociétés.
Les cas qui illustrent la spécificité de l’éthique du sport sont relativement nombreux. Nous nous en tiendrons ici à un exemple : si l’essence du sport est le dépassement de soi par de nouvelles performances, on peut considérer que l’athlète qui établit un nouveau record a acquis des pouvoirs dont ne dispose pas le commun des mortels. Ces pouvoirs sont certes plutôt associés à l’excellence motrice (force, puissance, habileté, adresse, etc.), mais ils sont aussi psychologiques comme le courage, l’acceptation de la souffrance, du risque, voire du risque ultime, puisque certaines pratiques extrêmes amènent à risquer jusqu’à sa vie. Le sport est ainsi devenu le « laboratoire de l’amélioration de l’humain », le moyen de créer une surnature humaine. Cette dernière pose de fait tout un ensemble de questions éthiques, souvent associées par ailleurs à la problématique du dopage. Quelle est la nature même de cette surnature ? Peut-on utiliser tous les produits ou techniques susceptibles d’améliorer l’humain ? Si les athlètes invalides peuvent bénéficier de prothèses, pourquoi ne pas généraliser l’usage d’un exosquelette à tous les athlètes valides ? Pourquoi aussi freiner cette tendance par des mesures anti-dopages ? Pourquoi ne pas tolérer les nouvelles biotechnologies et les nouvelles molécules au service de la performance dans le cadre d’un suivi médical ? On constate que ces questions nouvelles n’ont pas de réponses aisées, tranchées et définitives.
L’éthique du sport est en permanence soumise à ces cas auxquels elle essaie de répondre au nom d’une certaine définition de l’homme, de ce qui est acceptable ou inacceptable pour lui.
Vous écrivez qu’il n’est pas facile de répondre à la question : « le sport est-il éducatif ? » N’est-ce pas paradoxal ?
Oui, effectivement cela peut paraître paradoxal car il est communément attendu de la pratique sportive qu’elle soit un moyen d’éducation de la jeunesse. C’était d’ailleurs le projet initial de Pierre de Coubertin qui, en s’inspirant du modèle anglais, voulait instaurer en France une véritable éducation par le sport. Les pouvoirs publics, que ce soit par le biais des clubs, de l’éducation physique ou des différentes politiques de la Ville, ont constamment misé sur les vertus éducatives du sport. La référence à l’équipe de France black, blanc, beur, championne du monde de football en 1998, est bien ici le signe d’une intégration réussie par le sport. Le premier argument en faveur d’un sport éducatif est celui de la nature même du sport. Le sport est une pratique censée, par l’expression de règles précises et contrôlées – par les arbitres –, poser des limites à la violence et véhiculer des valeurs, comme celles du respect, de la loyauté, de l’entraide, du courage ou de la solidarité. Pourtant, de nombreuses questions se posent. La première concerne la nature même des valeurs du sport. Ces valeurs sont-elles unanimement et intrinsèquement les bonnes valeurs ? Le fait de soutenir, parfois de manière catégorique et absolue, son équipe nationale, peut aboutir à une forme de chauvinisme excessif, voire une dérive nationaliste. Le sport peut donc véhiculer, selon la pratique, des valeurs ambiguës.
La seconde question est la suivante : suffit-il de faire du sport pour être ensuite vertueux de manière durable dans sa vie en général ? On peut effectivement observer les règles et respecter les valeurs du football pendant le temps du jeu et ne pas systématiquement les mettre en pratique à l’école, au travail, dans sa famille et, de manière générale, dans l’espace public. Non seulement on ne peut garantir une extension des comportements moraux du sport à tous les domaines de l’expérience vécue, mais qui plus est, en dernière instance, la moralité repose toujours sur la capacité décisionnelle de l’individu. Autrement dit la moralité est étroitement liée à la liberté. On ne peut être moral par habitude ou par contrainte ; on est moral que si l’on parvient à s’auto-contraindre au regard d’une règle juste délibérément choisie. La seule façon d’espérer acquérir une conduite morale par la pratique sportive sera donc, dés le plus jeune âge, de pratiquer dans un contexte dont les acteurs – entraîneurs, joueurs, dirigeants, professeurs, parents – sont eux-mêmes les garants des valeurs d’intégrité et de probité. C’est l’unique moyen de mettre en place une sorte de prédisposition morale à la moralité.
Selon vous, de quelle façon l’éthique du sport est-elle mise sous tension ?
L’éthique du sport est sous tension, car l’éthique en général est toujours l’expression d’un désaccord, une contradiction au sein des valeurs ou des principes qui la fondent. Les valeurs de l’éthique ne forment pas un ensemble conceptuel cohérent et ordonné. Le sport ne fait que traduire à sa manière cette ambivalence. Nous avons déjà évoqué la dérive nationaliste des supporters qui par ailleurs se doivent de soutenir leur patrie, leur nation. On pourrait tout aussi bien évoquer la violence. A priori l’éthique la condamne car elle enfreint le principe du respect de l’intégrité physique et psychologique de la personne. Or, il est facile de constater que le sport, qui est affrontement et rivalité, non seulement la tolère mais l’exacerbe aussi réglementairement comme en boxe ou au rugby. La question se pose alors du degré de violence tolérable en sport. Où doit-on placer la limite ?
La tension la plus vive est intrinsèquement liée à la nature même du sport. Le sport est dépassement et affrontement. Dépassement de soi et des autres, affrontement contre soi et contre les autres. Et cette tendance n’a pas de limites. Il n’y a pas de limite sportive au sport. Le sport pour tous, le sport loisir, ne sont certainement pas exposés de la même manière à cette loi, mais le sport professionnel, le sport de haut niveau et le sport extrême sont en permanence inscrits dans cette logique du dépassement. Et cette tendance va inexorablement s’opposer aux principes de l’éthique. Pour battre des records du monde – en natation ou athlétisme, par exemple – il faudra mobiliser toujours plus de moyens. Il faudra toujours plus développer la « machine » corporelle, la force, la puissance, la souplesse, l’adresse, la vitesse, la capacité respiratoire, etc. avec tous les risques que cela implique pour la santé et l’équilibre personnel. Et lorsque les moyens « naturels » de l’entraînement ne suffisent plus, l’athlète est tenté par les artifices et le dopage.
Par ailleurs le sport lui-même est désormais pris dans un système mondialisé d’exploitation médiatique, économique et politique. Chacun de ces éléments est mu par une logique propre. L’économie du sport exploite tous les produits du sport selon la seule logique du profit. Et il faut bien admettre que ces secteurs d’exploitation du sport, qui le financent, le médiatisent, ou l’instrumentalisent politiquement, ne peuvent être exclusivement éthiques. Tout comme on ne peut concevoir qu’un joueur laisse gagner son adversaire par amitié ou par amour, il est tout aussi inconcevable qu’une firme de sportwear arrête de faire du profit pour satisfaire, au nom de la solidarité, la concurrence. Une solution à la course effrénée aux records consisterait à imposer une limite aux performances. Mais ce ne serait-ce pas là le plus sûr moyen de détruire le sport ? Le sport reste manifestement pris dans des contradictions qui semblent insurmontables et qui maintiennent l’éthique dans une situation d’équilibre relativement précaire.
Les objectifs de la Chaire Économie de Défense
L’Économie de défense reste aujourd’hui, en France, peu représentée et structurée et un manque relatif d’analyse économique de la défense se fait ressentir. Comparée à d’autres branches de l’économie, peu de travaux sur le sujet sont publiés dans les revues universitaires; aucune revue d’économie de défense n’est d’ailleurs référencée par les autorités de tutelle universitaire. Nous ne disposons pas de réseau ou de groupe de recherche important et bien structuré, très peu de conférences nationales ou internationales existent et les auteurs demeurent essentiellement anglo-saxons. Pourtant, la France a une longue tradition de recherche en Économie de défense.
Dans le même temps, la Science Économique a fortement évolué ces dernières années. Nous avons assisté à un décloisonnement, à l’apparition d’un nouvel éclectisme (D. Cohen) ou d’une conception plus riche mais aussi plus consensuelle de l’analyse économique (J.-P. Pollin). En outre, les progrès technologiques ont mis les données et la puissance de calcul à la portée du chercheur individuel, mettant fin à une évaluation réalisée uniquement par les pouvoirs publics. Enfin, la spécialisation croissante des chercheurs a entrainé une nécessaire coordination des recherches.
C’est dans ce contexte que le projet de Chaire Économie de Défense a vu le jour. Ses objectifs sont de fédérer, de diffuser la pensée économique de défense et de produire une recherche universitaire de référence.
Un objectif d’animation de la recherche et de structuration d’un réseau de chercheurs
Le premier rôle de la Chaire est un rôle d’animation. Nous cherchons d’une part à faire de la Chaire une tête de réseau, nous identifions les chercheurs et leurs spécialités en Économie de défense au niveau national et international, nous animons le réseau et diffusons les informations et les connaissances. D’autre part, nous souhaitons que la Chaire devienne une interface entre la recherche en Économie de défense et la recherche des autres champs de l’Économie mais aussi entre le monde académique et le monde professionnel.
Un objectif de production d’articles universitaires en Économie de la défense
Le second rôle de la Chaire est un rôle de production. Nous contribuons à la production d’articles universitaires en Économie de défense via les publications des chercheurs de la Chaire. Nous mettons à la disposition des chercheurs extérieurs une connaissance des spécificités du domaine de la défense et des possibilités de réaliser des études appliquées. Enfin, l’organisation de groupes de travail avec les chercheurs du réseau nous permet de stimuler la recherche économique de défense de la communauté scientifique.
Les travaux de la Chaire sont diffusés sous forme d’articles, de documents de travail, de conférences, d’interventions dans les formations.
Logo logo_economie_de_defense.jpg Contact Jean Belin Adresse Fonds de dotation de l’IHEDN École militaire Case 41 1 place Joffre 75700 Paris SP 07 Téléphone 01 44 42 57 03 Adresse mail jean.belin@fdd-ihedn.fr Adresse site internet Economie de Défense Type fond de dotation Economie de défenseBriefing Note 50/2016 of ELIAMEP South-East Europe Programme focuses on the domestic political situation in Kosovo. It investigates the phenomenon of extreme polarisation between the government and the opposition in Pristina, which hampers the process of state building as well as the adoption of reforms and agreements considered necessary by the international community.
François Hollande était en visite, le 2 janvier, à Bagdad et à Erbil, capitales de l’Irak et de la région autonome du Kurdistan. Quel est le rôle de la France dans la lutte contre le terrorisme dans la région ? En quoi cette visite était-elle stratégique pour Paris ?
La France est l’un des premiers pays à avoir pris conscience du danger que représentait Daech dans la région. François Hollande a rapidement réagi et répondu positivement à l’appel à l’aide du gouvernement irakien, après l’offensive de Mossoul par les djihadistes, en juillet 2014. Dès septembre, l’opération Chammal est lancée. Les raids aériens doivent alors à tout prix empêcher Daech d’avancer vers Badgad et Erbil.
Deux ans et demi après l’apparition de Daech en Irak, force est de constater que la France a vu juste. A partir de 2015, l’organisation terroriste est devenue une menace globale. Elle a la capacité de commettre des attentats partout dans le monde. Son influence s’est étendue en Afrique, au Maghreb, en Asie centrale, notamment en Afghanistan. L’onde djihadiste s’est propagée en Asie du Sud-Est jusqu’aux Philippines.
La visite de François Hollande en Irak et dans la région autonome du Kurdistan irakien est stratégique. En effet, la France est la deuxième puissance militaire présente dans la région. L’armée française mène des raids aériens, forme les forces d’élites irakiennes et les peshmergas kurdes tout en leur fournissant de l’artillerie lourde. Contrairement à la Syrie, dont le destin semble aujourd’hui entre les mains de la Turquie, de la Russie et de l’Iran, la France est en mesure de faire valoir ses arguments quant au devenir de l’Irak.
Alors que l’Etat islamique est devenu une menace concrète pour la France en la frappant sur son sol, son objectif est rapidement devenu celui de la destruction de Daech. En ce sens et contrairement à d’autres puissances, elle a rapidement pris conscience que la victoire militaire contre Daech ne rimera pas avec la fin de l’organisation terroriste. C’est pourquoi François Hollande, lors de sa visite à Bagdad, a évoqué la « reconstruction » de l’Irak. Elle sera aussi bien civile, politique qu’économique. Il faudra notamment rapatrier des centaines de milliers de réfugiés qui ont fui les villes où se sont déroulés les combats comme Falloujah, Ramadi et aujourd’hui Mossoul. Sur le plan politique, une entente devra être trouvée entre les communautés chiites et sunnites. Sur le plan matériel, de nombreuses villes devront être reconstruites et l’Irak n’a pas les moyens d’agir seule.
En marge de la visite de François Hollande, un attentat perpétré par l’Etat islamique a tué 32 personnes. Où en est la lutte contre le terrorisme en Irak ? Daech y perd-il du terrain ?
Depuis 2014, une part importante de territoire a été reprise à Daech. Aux premières conquêtes des djihadistes, l’Irak se dote d’un nouveau gouvernement. Le Premier ministre de l’époque, Nouri al-Maliki, est très critiqué par la communauté sunnite d’Irak, une partie de la communauté chiite ainsi que par la communauté internationale pour sa mauvaise gestion du pays. Il est remplacé par Haïder al-Abadi. Celui-ci met d’emblée d’importants moyens à disposition pour reconstruire l’armée irakienne, reconstruction à laquelle la France prend part. Dès la fin 2014, la contre-offensive est lancée, Daech est chassée de Tikrit. En 2015, Ramadi est libérée. Quelques mois avant la bataille de Mossoul les kurdes et l’armée irakienne reprennent Falloujah aux djihadistes.
En deux ans, la contre-offensive a permis à l’armée irakienne de repousser Daech jusqu’à Mossoul. La reprise de cette ville de deux millions d’habitants sera longue et difficile. D’une part, à cause d’une forte densité de civils présents dans la ville, d’autre part, parce que Mossoul est la capitale de Daech en Irak. Les djihadistes ont préparé leur défense, ils tiendront leurs positions jusqu’à la mort.
Malgré les difficultés, Mossoul sera reprise et Daech vaincue sur le plan militaire. L’enjeu sera alors d’éliminer l’organisation terroriste sur le plan politique. La tâche sera ardue car les djihadistes tenteront de s’implanter parmi les tribus arabes sunnites d’Irak. Malgré une future défaite, Daech ne disparaitra pas totalement et continuera à perpétrer des attentats. Le gouvernement irakien et ses alliés devront mener une lutte implacable contre Daech sur le plan idéologique. L’Arabie saoudite et les pays qui ont, un temps, soutenu Daech devront également prendre part à la lutte.
Comment se dessine l’Irak de demain une fois l’Etat islamique vaincu ? Des tensions entre communautés chiites, sunnites et kurdes risquent-elles à nouveau de diviser le pays ? Le gouvernement irakien acquiert-il la légitimité suffisante pour s’imposer et régir l’ensemble du territoire ?
La reconstruction économique, politique et sociale de l’Irak sera compliquée et dépendra également de facteurs extérieurs. Depuis plusieurs années, l’Irak est le théâtre d’une bataille d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite. La naissance de Daech n’est pas indifférente à la rivalité entre les deux puissances chiites et sunnites. En effet, l’Arabie saoudite n’a jamais accepté l’influence iranienne en Irak après la chute de Saddam Hussein. La communauté internationale, notamment les pays qui ont une influence, tels que la France et les Etats-Unis, doit convaincre également les Saoudiens de changer leur politique.
Le gouvernement actuel, issu des élections, est composé, pour l’essentiel, de membres de la communauté chiite considérés proches de l’Iran, même si des Arabes sunnites et des Kurdes participent également au pouvoir. Le premier ministre chiite al-Abadi, est conscient de la nécessité d’intégrer d’avantage les sunnites au pouvoir irakien. Le gouvernement irakien doit trouver le moyen de proposer une participation politique aux communautés sunnites et de les convaincre de rejeter Daech.
En plus d’une entente politique, reste à reconstruire le pays et reloger les centaines de milliers de réfugiés irakiens. Selon les estimations, le coût des reconstructions s’élèveraient entre 200 et 300 milliards d’euros. Malgré une augmentation des revenus du pays suite à la hausse des prix du baril de pétrole, l’Irak ne dispose pas des moyens nécessaires pour assumer seul sa renaissance, elle aura besoin de l’aide de la communauté internationale. En ce sens, la visite de François Hollande était hautement importante.
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.
Jean-Christophe Victor est né en 1947 et il aurait pu être écrasé par le poids de son ascendance. Pas facile d’être à la fois le fils de l’explorateur mondialement connu Paul-Émile Victor, et d’Éliane Victor, l’une des premières femmes productrices de la télévision à une époque où le statut des femmes dans la société française était plus que mineur. Elle a lancé plusieurs émissions dont « Les femmes aussi » qui, dès les années 60, promouvait la place des femmes dans une société française qui leur refusait l’accès à la contraception, à l’avortement, au simple droit de signer des chèques et où le divorce par consentement mutuel n’existait pas. Paul-Émile, le père, a ouvert, après la guerre, les terres polaires arctique et antarctique à la France, en y faisant installer des bases scientifiques permanentes, et en fondant l’Institut Polaire Français, qui porte aujourd’hui son nom.
Jean-Christophe Victor est parvenu à se distinguer d’eux en leur demeurant fidèle par une philosophie commune : les médias sont utiles à condition d’avoir des choses intéressantes à dire et si possible à apporter, en se mettant au service du plus grand nombre, et en se méfiant de tout ce qui ressemble à de la notoriété. Il avoue que lorsqu’il était jeune, ses interlocuteurs changeaient d’attitude lorsqu’ils apprenaient qui était son père. Il en a gardé une aversion profonde pour tout comportement vaniteux, une distance vis-à-vis de ce qui relève de l’ostentation, privilégiant une attitude réservée, voire discrète. Selon lui, son père aurait légué à ses enfants quatre ou cinq principes fondamentaux. « Demeurer libre, notamment vis-à-vis des pouvoirs qu’ils soient politiques ou financiers, ouvrir de nouveaux chemins et inventer, respecter l’autre en s’intéressant à tout ce qui peut être différent ».
Mauvais élève, il rate son bac. Son père l’embarque alors pour l’Antarctique où il restera cinq mois – la saison d’été – comme manœuvre bénévole à la base française de Dumont–d’Urville. C’est au cours de ce séjour qu’il dit avoir réellement fait connaissance avec ce père si absent et si présent à la fois !
Après le voyage en Antarctique, le mauvais élève devient bon étudiant. Il passe trois ans aux Langues Orientales, décroche un diplôme de chinois, puis part à Taiwan à l’université Da Shui. Il s’inscrit ensuite en ethnologie, entame un doctorat sur les réfugiés tibétains du Nord Népal et part un an s’installer dans un village himalayen de 1200 habitants à douze heures de marche de la frontière tibéto-chinoise. Espérant être nommé en Chine, il devient contractuel du Quai d’Orsay à 26 ans mais il est envoyé à Kaboul. Il apprend le persan, parcourt le pays, y découvre l’islam, la diversité ethnique, la difficulté de vivre en zones arides, et à son retour en 1980, il est contacté par le Centre d’Analyse et de Prévision du ministère des Affaires étrangères. Le CAP est alors au faîte de sa gloire et de son efficacité, c’est la boîte à idées du ministère. Du fait de l’invasion par l’Union soviétique, l’Afghanistan devient un pays central sur le plan stratégique. Pour le CAP, Jean-Christophe Victor y retourne donc fréquemment, contribue à la création de l’association Action internationale contre la faim, participe à des missions au Pakistan pour l’aide aux réfugiés afghans.
Puis le CAP lui demande de se pencher sur le Pacifique où une fois encore le hasard de l’histoire le rattrape. La persistance des essais nucléaires français dans la zone, la révolte kanak et la violence déclenchée par la France lors de la prise d’otages dans la grotte d’Ouvéa le conduisent à faire de nombreuses missions dans la zone, auprès des États-Îles du Pacifique, Fidji, Vanuatu, en Nouvelle Calédonie, en Nouvelle Zélande, en Australie.
Au tournant de la fin de la guerre froide, il crée avec quelques amis un bureau d’étude privé, le Laboratoire d’études prospectives et d’analyses cartographiques, spécialisé dans l’analyse des relations internationales, l’enseignement de la géopolitique pour étudiants ou dirigeants d’entreprises. Il va bientôt imaginer, en s’appuyant sur les recherches du LÉPAC, un magazine de géopolitique qu’il nomme Le Dessous des cartes. Référence en matière de géographie appliquée, le succès est immédiat, durable, et l’émission devient emblématique de la chaîne Arte. Il publiera dans la foulée de ses émissions des Atlas du Dessous des cartes[1], qui sont des best-sellers.
Outre ce projet télévisuel, le LEPAC a une action de formation à l’international auprès d’entreprises, de collectivités locales et de l’Union européenne. Jean-Christophe Victor multiplie les conférences dans les universités et les instituts culturels à l’étranger. Lorsqu’il intervient, il s’efforce de présenter les faits, les logiques adverses, les thèses en présence et les différentes interprétations que l’on peut en faire. Il se méfie de la « fabrication des ennemis », qu’il s’agisse de la Chine, de l’islam, des migrants, ne croit pas que le monde occidental continuera à dominer le monde et estime que ce dernier a trop souvent une attitude arrogante « qui est non seulement stupide, mais désormais tout à fait obsolète ».
Jean-Christophe Victor prépare avec le Département du Jura dont son père était originaire, la région Franche-Comté et l’Union Européenne, l’ouverture pour 2014 d’un Espace des mondes polaires[2]. Ce sera en France le premier centre d’interprétation des mondes glacés consacré aux nombreux enseignements qu’ils dispensent.
[1] Avec Virginie Raisson, Frank Tétart et Robert Chaouad.
[2] Avec Stéphane Niveau et la communauté de communes des Rousses, maître d’ouvrage.