Florence Parly s’exprimant devant les participants de l’université d’été de la défense (crédit : DICOD)
(B2) Pour Florence Parly, qui s’exprimait en clôture de l’université d’été de la défense à Toulon, ce mardi (5 septembre), c’était un peu à la fois l’examen de rentrée et l’examen de passage.
La nouvelle nommée à la Défense, un peu par hasard, en juin, était restée très discrète jusqu’ici. On la comprend. La démission impromptue de Sylvie Goulard (après à peine quelques semaines de mandat), la réduction du budget de défense, la prise de bec publique entre le président de la République et son chef d’état-major Pierre de Villiers, qui s’achève logiquement par la démission du second, et une crise de confiance dans les armées n’étaient pas vraiment faites pour encourager la nouvelle venue à s’exprimer publiquement. Inutile de préciser que dans le milieu des armées, la grogne était forte contre la remontrance publique contre leur ancien chef, perçu comme un affront personnel par chaque haut gradé. Ses propos étaient donc très attendus.
Durant cette université d’été, la parole de la ministre s’est affirmée au fil des interventions. Et son discours de clôture était charpenté, rempli d’une détermination, avec des annonces claires.
« Le Président m’a fixé un cap clair, des échéances précises et des moyens nouveaux pour faire face à ces défis. Je suis déterminée à remplir cette mission, et je sais que l’ensemble de la communauté de défense aura à cœur de se mobiliser autour de ces objectifs. »
Sans rien renier de la discipline gouvernementale, en prenant bien soin de s’inscrire à chaque fois dans les pas du Président de la république, elle a tenu bon aussi sur les besoins des armées, les engagements financiers nécessaires pour les années futures, parlant d’un « tournant historique ».
« Pour mettre en œuvre cette nouvelle vision, les armées disposeront de moyens accrus. […] Dès 2018, les crédits budgétaires de la mission Défense augmenteront de 1,8 milliards d’euros. […] C’est la première étape vers l’objectif fixé par le Président de la République d’augmentation de l’effort de défense à 2% du PIB soit 50 milliards d’euros en 2025, à périmètre constant (*). […] Le rythme de cette hausse se poursuivra avec une augmentation de 1,6 milliard d’euros par an pendant toute la durée du quinquennat. Ce tournant est historique. Depuis quarante ans, jamais effort financier en faveur des armées n’aura été aussi important».
Voulant clôturer ce chapitre douloureux, elle a aussi voulu s’éloigner du terreau financier (qui lui est coutumier) pour s’engager plus en avant sur le format de l’armée du futur : la décision officielle d’armer les drones est un acte particulièrement majeur pour la doctrine française (même s’il était en soi attendu). La révision de l’opération Sentinelle et l’adaptation du dispositif au Levant, ainsi que sa volonté réaffirmée de défendre l’Europe de la défense, témoignent aussi d’une conscience opérationnelle et politique aiguisée.
L’attitude stricte de la ministre, sans sourire complice auquel nous avaient habitué certaines de ses homologues européennes, complétait un tableau. On retrouvait comme un certain mimétisme avec l’Allemande Ursula von der Leyen, avec qui Florence Parly va travailler de façon régulière (c’est sa feuille de route) ou avec une illustre prédécesseure à ce poste, Michèle Alliot Marie.
L’avenir dira si dans l’esprit et le cœur des militaires, elle pourra remplacer MAM ou Jean-Yves Le Drian. La barre est placée haut. Mais assurément, dans le grand hangar du BPC Mistral, ancré à quai dans la base navale de Toulon, devant un aéropage composé des gens qui ‘comptent’ dans le monde de la défense (les militaires, les industriels, les chercheurs, les journalistes), Florence Parly a franchi la première marche.
(Nicolas Gros-Verheyde, à Toulon, sur le BPC Mistral)
(*) Le mot « périmètre constant » est important. Et la ministre a insisté sur ce point. Cela pourrait signifier notamment que le financement du nouveau service national se fera en plus de ce montant.
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La mode est aux romans graphiques : pas vraiment des BD, pas non plus un roman ou un essai. Le genre est fort agréable car il permet d'aborder une question sérieuse avec la force de l'image. Dans l'exemplaire de ce jour, il s'agit des aventures d'une photo-journaliste, Sarah Caron, qui conte ses reportages au Pakistan en 2007 : comment elle rencontre Benazir Bhutto quelques jours seulement avant qu'elle soit assassinée, mais aussi comment elle monte dans les régions tribales autonomes à la frontière de l'Afghanistan pour rencontrer un leader politique proche des talibans.
Voilà en effet une des choses les plus intéressantes de cet ouvrage : il montre la complexité de la société pakistanaise, aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
Ainsi, on voit bien la différence entre Islamabad et Rawalpindi (la capitale administrative) mais aussi les réactions de la rue ou encore les vanités de l'entourage de Benazie Bhutto. De même, dans les campagnes, on sent le tiraillement d'une population écartelée entre la pression des talibans et la recherche d'un mode de vie juste et équitable.
Ces découvertes sont très bien servies par l'histoire mais aussi par un dessin qui sait croquer expressions et paysages, situations et psychologies. Signalons qu'Hubert Mauray est un cyrard, reconverti dans la diplomatie et désormais se consacrant à plein temps à sa vraie passion, le dessin.
Voici donc un utile contrepoint aux articles savants ou aux déclarations àl'emporte-pièce sur le pouvoir pakistanais.
S Caron et H Maury, Le pays des purs, La boite à bulles, 2017, 25 €. 4ème de couverture : Le 27 décembre 2007, la ville de Rawalpindi, au Pakistan, est la proie de violentes émeutes, suite à l’assassinat de Benazir Bhutto, principale opposante au régime en place. Dans la foule, Sarah Caron, photographe française, saisit avec son appareil les moindres détails de la scène. Mais très vite, la jeune femme est repérée et se retrouve poursuivie, craignant pour sa vie. Un mois plus tôt, Sarah rencontrait Benazir Bhutto afin de réaliser une série de portraits commandée par le magazine Time. Une entrevue difficilement décrochée et qui, par un pur hasard, survenait le jour même de l’assignation à résidence de l’opposante. Une aubaine pour Sarah : pendant 4 jours, elle se retrouvait aux premières loges de l’actualité ! De jour, elle mitraillait les lieux, de nuit, elle transférait ses clichés. En immersion totale et au gré des commandes, la jeune femme passe cette année-là du monde de l’élite pakistanaise à celui des talibans, avec l’aide d’un fier guerrier pachtoune. Son objectif est une arme dont elle se sert pour frapper les esprits et franchir les frontières, qu’elles soient physiques ou culturelles, et ce malgré le danger des lieux et des situations. Une immersion sous-tension dans le hors-champ du reportage photographique, vu sous toutes ses coutures.
O. Kempf