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Le Monde Diplomatique

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Mensuel critique d'informations et d'analyses
Updated: 23 hours 56 min ago

Une histoire courte mais agitée

Wed, 30/11/2016 - 16:18

1947. Le Royaume-Uni préside à la partition de son empire indien sur des bases confessionnelles. Fondé le 14 août, le Pakistan comprend le Pakistan occidental et le Pakistan oriental, séparés par 1 600 kilomètres de territoire indien.

1949. Création de la Ligue Awami par Mujibur Rahman, qui prône l'indépendance du Pakistan oriental.

1970. La Ligue Awami remporte les élections législatives. Les dirigeants pakistanais refusent de reconnaître les résultats.

Mars 1971. Mujibur Rahman est arrêté et le Pakistan occidental lance une violente attaque militaire.

Décembre 1971. Les indépendantistes, aidés par l'armée indienne, battent les forces du Pakistan occidental. Fondation de la République populaire du Bangladesh.

1975-1990. Succession de coups d'État militaires.

Mars 1991. Mme Khaleda Zia mène le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) à la victoire.

1996. La Ligue Awami gagne les élections et porte au pouvoir Mme Sheikh Hasina.

2001. Le BNP remporte les élections.

6 janvier 2006. La Ligue Awami revient au pouvoir.

22 avril 2013. Élection de M. Abdul Hamid (Ligue Awami), seul candidat, à la présidence de la République.

24 avril 2013. L'effondrement du Rana Plaza, usine textile près de Dacca, tue plus d'un millier de personnes.

5 janvier 2014. La Ligue Awami remporte les élections législatives, marquées par une féroce répression.

Janvier 2016. Deux étudiants sont condamnés à mort pour le meurtre en 2013 du blogueur athée Ahmed Rajib Haider.

1er juillet 2016. Un attentat revendiqué par l'Organisation de l'État islamique fait vingt-quatre morts à Dacca.

L'armée, le peuple et la mystique révolutionnaire

Wed, 30/11/2016 - 16:14

En avril 1995, l'Organisation des États américains (OEA) organisait un colloque sur les missions de sécurité et de paix à Washington. Le principal intervenant était un général américain qui venait de diriger l'opération « Restaurer la démocratie » en Haïti (1), laquelle avait renversé le régime militaire installé après le coup d'État contre le président élu Bertrand Aristide. Tandis que le général vantait la coopération avec les organisation non gouvernementales (ONG) locales, des militaires vénézuéliens ironisaient dans la salle : « Ah, ces Yankees ! Éternels libérateurs des petits pays opprimés. »

L'anecdote illustre le ressentiment qu'éprouve encore à ce jour l'armée vénézuélienne envers les États-Unis. Comme en Bolivie, en Équateur et au Pérou, elle recrute essentiellement parmi la classe ouvrière ou la frange basse de la classe moyenne. La formation militaire inculque aux soldats un nationalisme fervent qui mêle bien souvent patriotisme et notions de justice sociale.

Depuis la guerre froide, les armées latino-américaines ont laissé dans les mémoires collectives l'image de juntes militaires persécutant les ennemis de l'État derrière des lunettes noires. Mais un courant militaire nationaliste progressiste moins connu contredit l'idée selon laquelle toutes les armées seraient de droite. Dans les années 1920, le mouvement de la Jeunesse militaire (en espagnol, Juventud militar) fomente des rebellions au Brésil, au Chili et en Équateur, et participe à des révoltes pour réclamer des réformes en Amérique centrale. En 1960 au Guatemala, de jeunes lieutenants progressistes essaient — sans succès — de renverser une dictature militaire avant de mettre en place les premiers groupes de guérilla dans ce pays. Des militaires de rang intermédiaire provoquent la chute de deux dictateurs guatémaltèques, les généraux Lucas García et Ríos Montt. En 1979, dans la république du Salvador, des membres de la Jeunesse militaire tentent un putsch dans un effort désespéré pour empêcher la guerre civile qui éclate malgré tout l'année suivante.

Les militaires nationalistes de gauche ont parfois eu recours à la force pour mettre en œuvre des nationalisations antioligarchiques et anti-impérialistes, ainsi que des programmes de réforme sociale en faveur des plus défavorisés. Nombre d'entre eux, à l'image de ceux qui sont sous leurs ordres, viennent de milieux modestes. Arrivés au pouvoir par la force ou par les urnes, ils cherchent à renforcer leur légitimité à travers des élections et des organisations de masse. Le colonel Jacobo Arbenz, élu président du Guatemala en 1950, en est le premier exemple, mais un coup d'État piloté par la Central Intelligence Agency (CIA) met prématurément fin à son mandat en 1954. Ses héritiers politiques, les généraux Juan Velasco au Pérou et Omar Torrijos au Panamá mènent tous deux un putsch dans leur pays respectif en 1968. En tant que « réformistes militaires », ils se sentent investis d'une mission patriotique, celle de rompre avec l'élite traditionnelle pour restaurer le contrôle de l'État sur l'économie et introduire des réformes sociales dont l'exécution serait confiée aux forces armées. Dans la même veine, des chefs militaires instaurent des programmes progressistes, quoique moins ambitieux, en Bolivie (1969-1971) et en Équateur (1972). Des militaires retraités fondent une ONG composée d'anciens officiers progressistes, qui sera présidée au milieu des années 1990 par un ancien lieutenant-colonel vénézuélien, un certain Hugo Chávez.

En 1983 au Venezuela, des officiers appartenant au groupe Comacate (acronyme pour : comandantes, mayores, capitanes y tenientes [commandants, majors, capitaines et lieutenants]), conspirent contre le président civil Luis Herrera, sous la houlette de William Izarra, qui va solliciter l'aide de Fidel Castro. Dès lors, l'ambassade cubaine tisse des relations confidentielles avec les courants militaires de gauche au Venezuela. Chávez, fils de cordonnier devenu lieutenant-colonel, dirige l'un de ces groupes militaires d'opposition. En 1992, ce fervent admirateur de Simón Bolívar, du général et président péruvien Juan Velasco et du Panaméen Omar Torrijos, entreprend un coup d'État qui lui vaut deux ans de prison. Quelques années après sa libération, il fonde un mouvement politique et fait campagne dans les bidonvilles et les villages ruraux, sous l'œil attentif des diplomates cubains, impressionnés par son ascension et l'adhésion massive qu'il suscite. Quand ils entendent les villageois l'accueillir comme le Messie, ils sont convaincus qu'il sera le prochain président du Venezuela (2). Lors de sa première visite à Cuba en 2001, Fidel Castro le reçoit comme s'il était déjà chef de l'État. Commence alors une histoire particulière entre Fidel Castro, le vieux sage, et Hugo Chávez, son jeune successeur révolutionnaire et futur collègue.

Mais Chávez n'est pas le premier président révolutionnaire du Venezuela. En 1958, après avoir chassé le dictateur Marcos Pérez Jiménez, l'amiral Wolfgang Larrazábal devient président intérimaire. En décembre de la même année, il envoie sept tonnes d'armes à l'armée rebelle de Cuba, une aide militaire décisive qui hâte leur victoire. Mais Chávez s'inscrit également dans la lignée de Torrijos et Velasco, imprégnés de la mystique révolutionnaire militaire qui suppose une unité indivisible entre le peuple et l'armée. Pour illustrer le rôle de l'armée comme avant-garde, l'ancien président du Venezuela emploie la métaphore suivante : « Prenez la formule chimique de l'eau : H2O. Le peuple représente l'oxygène, et les forces armées l'hydrogène. Il n'y a pas d'eau sans hydrogène (3). »

Au cours de ses quinze années au pouvoir (1999-2013), la trajectoire politique de Chávez révèle un radicalisme croissant. Lors de sa visite en 2001, Fidel Castro lui fait comprendre qu'il ne pourra pas « être le maire de tout le Venezuela » et le convainc que pour réaliser son projet de transformation du pays et de lutte contre la pauvreté, il aura besoin d'un parti politique doté d'une vision à long terme et d'organisations de masse, d'où la nécessité d'une équipe expérimentée. Le nouveau président décide alors de faire confiance à ses loyaux compagnons d'armes et à d'autres hauts responsables militaires.

Chávez survit à une tentative de coup d'État en 2002 et à une grève générale manquée, organisée par des alliances hétérogènes de militaires et d'hommes politiques de l'opposition. Fidel Castro l'encourage à créer des milices populaires au plus vite pour prévenir les troubles civils ou contrer une éventuelle invasion de mercenaires ou de soldats étrangers. Au cours des années qui suivent, les appareils de sécurité de Cuba et du Venezuela passent un pacte de coopération mutuelle concernant l'espionnage et d'autres opérations réalisées sur les deux territoires.

Au milieu des années 2000, Hugo Chávez commence à développer son projet en se posant comme le champion du « socialisme du XXIe siècle ». Il lance alors un ensemble de « missions » sociales et économiques au niveau national, menées par des militaires et des civils de confiance. Il en résulte un système de ministres et membres de cabinet directement soumis aux ordres du président, qui finit d'ailleurs par créer son propre parti politique, le Partido socialista unido de Venezuela (PSUV).

L'armée du Venezuela, rebaptisée Forces armées nationales bolivariennes (Fuerza Armada Nacional Bolivariana, FANB) devient progressivement l'organe exécutif du charismatique président-comandante, qui a rassemblé ses partisans dans un parti politique, des milices, ainsi que des syndicats et des associations. Les officiers et sous-officiers font désormais partie d'une institution chargée de renforcer l'État et de gouverner la patrie. Leur fierté institutionnelle s'appuie ainsi sur l'idéologie nationaliste de gauche qui considère les militaires comme des « gardiens de la nation » œuvrant dans l'intérêt du peuple, en particulier les plus démunis.

La nomination de militaires à des postes de responsabilité dans le cadre des nouvelles missions sociales, de l'administration publique et de l'économie nationalisée a renforcé leur loyauté envers ce président patriote qui se veut l'héritier de Bolívar. L'augmentation des soldes militaires et l'élargissement du recrutement dans l'armée et les milices y ont probablement contribué. En 1999, la nouvelle Constitution donne le droit de vote aux militaires. Entre 2008 et 2015, le budget des forces armées passe de 1,06 % à 4,61 % du PIB. Entre 2010 et 2014, les effectifs militaires passent de 117 400 à 197 744 personnes (soit une proportion de 40 à 63 pour 10 000 citoyens). En 2015, le pays compte 365 046 miliciens, répartis dans cent « zones de défense intégrales » (4). L'étroite collaboration entre La Havane et Caracas dans les domaines des services secrets et de la sécurité d'État se resserre davantage.

Sous Chávez, la FANB constitue déjà un puissant instrument, qui sert au président à la fois de bras droit militaire (pour la défense et la sécurité intérieure) et de bras gauche politique (chargé des ministères, des « missions » et de la gestion économique). Auparavant, les ministres de la défense vénézuéliens pouvaient être des civils ou des hauts gradés de l'armée, mais Chávez a nommé douze loyaux militaires au ministère de la défense, après les avoir promus chefs de l'état-major. Sous sa présidence, l'armée a aussi pénétré dans un univers administratif qui restait jusque-là essentiellement civil.

Depuis quelques années, on observe une généralisation de ce phénomène : contrairement à Cuba, au Venezuela les ministères civils et les postes à responsabilité passent de plus en plus aux mains des militaires, qu'ils soient en service ou retraités (5). En 2015, ils détiennent la vice-présidence, les ministères de l'intérieur, de la sécurité publique, de l'économie et des finances, des travaux publics, de la santé, de l'alimentation, des transports, de l'énergie électrique, de la « participation populaire », sans oublier l'influent ministère du bureau de la présidence et du suivi du gouvernement. En outre, tous les « vice-ministres » de ces grands ministères font partie de l'armée de terre, de l'air ou de la marine.

Pour illustrer la militarisation actuelle du gouvernement et de l'administration publique, voici quelques chiffres : en 2015, les personnes issues de l'armée représentent 88 % des ministres, 38 % des gouverneurs, 70 % des maires et 85 % des ambassadeurs (souvent d'anciens ministres). De même, les militaires sont responsables de secteurs importants et d'instruments publics stratégiques comme la collecte des impôts, le budget, les marchés publics et les appels d'offre, achats et acquisitions du secteur public, la direction des banques publiques et la surveillance des banques privées.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a généralisé ce système en ne s'entourant que de militaires purs et durs. Le général Vladimir Padrino López, nommé chef de l'état-major en 2013, devient ministre de la défense l'année suivante. Face au tumulte politique et au désastre économique, M. Maduro décrète l'« état d'urgence économique » en juillet 2016, créant une « super-mission pour l'approvisionnement souverain », encadrée par le ministre de la défense. Actuellement, le général Padrino gère non seulement la défense nationale et l'économie du pays, mais aussi tous les autres programmes sociaux, jouant ainsi un rôle de premier ministre. Ainsi, l'état-major est étroitement lié au parti socialiste et au président, à tel point que l'avenir de ce dernier dépend avant tout de la loyauté des militaires.

Certes, pour l'instant l'armée soutient le président et s'occupe en grande partie de gouverner un pays parcouru de divisions et de gérer une économie exsangue, mais pour combien de temps encore ? Les institutions militaires tendent à survivre aux partis et aux carrières politiques. Si la crise venait à s'enliser et la contestation à s'intensifier, alors les forces armées, au lieu de défendre l'État, pourraient-bien éprouver le besoin de s'attribuer le rôle d'arbitre national.

(1) Intervention menée à Haïti en 1994 par des soldats américains mandatés par le Conseil de sécurité de l'ONU.

(2) Entretien avec Carlos Antelo Pérez (24 et 27 octobre 2011), conseiller à l'ambassade cubaine à Caracas.

(3) Cf. Bilbao, Luis. Chávez y la Revolución Bolivariana. Conversaciones con Luis Bilbao, Santiago du Chili : Capital Intelectual S.A. et LOM, 2002.

(4) Cf. RESDAL, Atlas comparativo de la defensa en América Latina y Caribe, Buenos Aires : Red de Defensa y Seguridad de América Latina, 2016. Cf. aussi Francine Jácome, Fuerza Armada, estado y sociedad civil en Venezuela, Caracas : Instituto Latinoamericano de Investigaciones Sociales (ILDIS). Les analystes fournissent des informations très différentes sur le nombre de miliciens, leur entraînement et leur armement.

(5) Cf. Carlos Tablante, Elgran saqueo. Caracas : Editorial Cinglar, 2016.

Building the Commune. Radical Democracy in Venezuela

Wed, 30/11/2016 - 15:45

Difficile de peindre un tableau enthousiasmant du Venezuela à l'heure actuelle. Difficile, à moins qu'on ne s'intéresse aux réalisations du processus bolivarien dans la création d'un « nouvel État » reposant sur la participation populaire. En 2006, Hugo Chávez imagine les conseils communaux, des structures de base vouées à gérer de façon autonome des budgets autrefois alloués aux municipalités. En 2010, Caracas va plus loin avec le lancement des communes : des regroupements de conseils communaux dont les prérogatives, plus larges, visent à gommer la dichotomie entre politique et économie. Certaines communes s'impliquent dans la production agricole ; d'autres récupèrent des entreprises ou gèrent des transports en commun. L'auteur y voit une forme de « territorialisation du socialisme » échappant à la fois au localisme béat et à la soumission à l'État. Il existe aujourd'hui plus de 45 000 conseils communaux et environ 1 500 communes. On n'imagine pas que le chavisme puisse sortir de sa crise actuelle par la gauche sans s'appuyer sur ces structures.

Verso, Londres, 2016, 144 pages, 6,29 livres sterling.

Rectificatifs

Wed, 30/11/2016 - 13:45

— Contrairement à ce qu'indiquait l'article « Le Maghreb entre autoritarisme et espérance démocratique » (novembre), avec 31 % de sièges occupés par des femmes au Parlement, la Tunisie n'a pas la proportion d'élues la plus forte du continent africain. Cette proportion est de 42 % au Sénégal et de 64 % au Rwanda.

— Dans le graphique représentant la « La spirale de l'intégration » (novembre), l'Irlande apparaissait à tort comme étant membre de l'espace Schengen.

— Le mauvais placement d'une virgule dans une note de l'article « Riposte culturelle au Cachemire » (septembre) nous a conduits à diviser la population du Jammu-et-Cachemire par dix. Il compte en réalité 12,54 millions d'habitants.

— Régent du royaume de Hongrie entre 1920 et 1944, Miklós Horthy était amiral et non maréchal, comme nous l'avons écrit par erreur dans « Le beau Danube noir » (novembre).

Accidentologie

Wed, 30/11/2016 - 13:44

Délégué interministériel à la sécurité routière, M. Emmanuel Barbe conteste les conclusions de l'article « Des accidents de la route pas si accidentels » (août) sur les disparités sociales en matière d'accidents et sur la politique de prévention.

L'accidentalité d'un pays est déterminée par la somme des risques individuels pris par chaque usager de la route (du piéton au chauffeur de poids lourd). La sécurité routière doit donc, par définition, s'adresser à tous, ce qui en fait d'ailleurs une politique de santé publique plus que de sécurité. Au reste, l'auteur ne prétend tout de même pas que seuls les ouvriers meurent sur les routes. Il indique leur surreprésentation parmi les victimes. En imposant le port de la ceinture à l'avant et à l'arrière, l'équipement de série des véhicules de systèmes de sécurité passive et active, des seuils en matière d'alcoolémie comme la prohibition de la conduite sous l'empire de la drogue ou téléphone à la main, en développant le système du permis à points comme les radars automatiques, la politique de la Sécurité routière s'adresse bel et bien à tous. Il a d'ailleurs souvent été souligné combien ses stages de sensibilisation (que l'on réduit trop souvent à des sessions de récupération de points) constituent désormais l'un des derniers lieux de véritable mixité sociale, le PDG y croisant l'ouvrier, comme le montre l'excellent film de Coline Serreau Tout est permis !

Aucune des campagnes diffusées à la télévision depuis au moins ces dix dernières années ne montre le moindre « passager en costume trois-pièces ». Pas même, d'ailleurs, l'ombre d'une cravate chez nos protagonistes. C'est que notre communication attache au contraire la plus grande importance au fait que les acteurs choisis dans ses films et la façon dont ils sont habillés permettent l'identification la plus large possible des publics visés.

Reprocher à la communication de la Sécurité routière la représentation de « familles avec enfants » est un peu surprenant, à moins que l'on puisse démontrer que la famille serait l'apanage des plus riches. En revanche, la famille est un vecteur d'émotion puissant, à même de faire évoluer les comportements, et c'est pourquoi elle est largement représentée dans nos films, qui cherchent précisément à provoquer une émotion, une indignation, une réaction.

Quant aux jeunes, ils sont plus que présents dans nos campagnes : ils constituent même, depuis bien des années, une cible majeure de sa communication, notamment avec la campagne SAM (« Sans accident mortel ») : « Celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas. » La Sécurité routière y consacre 20 % de son budget. Cohérent là encore avec les statistiques, puisque les 18-25 ans représentent 9 % de la population et 21 % des personnes tuées sur la route. Soit la première cause de mortalité de cette classe d'âge. Et si les ouvriers sont surreprésentés parmi les jeunes tués sur la route, cet investissement massif devrait leur être bénéfique.

UraMin

Wed, 30/11/2016 - 13:44

Après l'enquête de Juan Branco « Aux sources du scandale UraMin » (novembre), M. Christophe Neugnot, directeur de la communication de l'entreprise publique, souhaite préciser les conditions de suspension de l'exploration sur le site de Bakouma.

Fin 2011, Areva a notifié aux autorités centrafricaines la suspension des activités d'exploration sur le site de Bakouma, compte tenu de la forte chute des cours de l'uranium (— 40 % depuis l'accident de Fukushima en mars 2011). Ces travaux d'exploration visaient à mieux caractériser le gisement et aucune mine n'a jamais été en activité. En juin 2012, le camp de Bakouma a été attaqué et pillé par des bandes armées, en présence de certains employés. Areva a alors évacué tout son personnel, ne laissant sur place qu'une équipe réduite de maintenance ainsi qu'un gardiennage continu, assuré par une société privée.

Cette attaque a clairement démontré que la sécurité n'était plus assurée sur la zone de Bakouma où intervenait le personnel d'Areva, que ce soit sur le camp, dans le village ou sur les secteurs d'exploration. En conséquence, Areva a notifié en avril 2013 aux autorités centrafricaines une situation de « force majeure », en application des termes de la convention minière, compte tenu du fait que la sécurité de ses employés n'était plus assurée. Areva n'avait plus de possibilités de se rendre sur le site, plus aucun cadre d'Areva n'y ayant eu accès depuis décembre 2012.

En ce qui concerne le réaménagement du site, dans la période de responsabilité d'Areva et ce jusqu'à notification du cas de « force majeure », Areva s'est acquittée de toutes ses obligations en la matière, nonobstant la situation de guerre qui régnait alors localement.

À fin 2012, 95 % des travaux de réaménagement avaient été réalisés. L'objectif de ces travaux était une mise en sécurité et une remise en état des terrains dans une configuration aussi proche que raisonnablement possible de leur état initial avant le lancement des travaux d'exploration. En mars 2013, Areva a soumis à l'Agence nationale de radioprotection (ANR), l'équivalent local de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en France, les résultats des travaux de réaménagement menés à fin 2012, ainsi que des rapports de suivi radiologique du site et des travailleurs, et convenu avec elle du restant des travaux à réaliser. La fin des travaux a fait l'objet, en juillet 2013, d'un rapport déposé par Areva au ministère des mines en août 2013 aux fins de délivrance d'un quitus.

Les contrôles radiologiques réalisés en fin de travaux ont montré des valeurs du même niveau que la radioactivité naturelle de cette zone. Nous tenons à signaler qu'une partie de ces terrains recèlent une radioactivité naturelle significative en raison de la présence d'indice d'uranium naturel en surface. (...)

Nous ne pouvons que regretter que le site de Bakouma ait été pillé. En ce qui concerne la sécurité et la santé des travailleurs, il est important de souligner que nos activités étaient des activités d'exploration. Tous les employés du site avaient des tenues de travail adaptées et bénéficiaient d'une sensibilisation régulière aux enjeux de sécurité au travail et de radioprotection. Areva avait mis en place un suivi radiologique des salariés et, conformément à la réglementation, le médecin disposait des résultats de ce suivi. Les doses moyennes reçues par les salariés entre 2009 et 2011 étaient comprises entre 0,18 et 0,85 mSv par an avec une dose maximale de 2,28 mSv. Ces doses sont largement inférieures à la limite réglementaire centrafricaine et internationale de 20 mSv par an.

Tous les résultats ont été transmis à l'ANR. Dans un rapport de mars 2013, l'ANR centrafricaine « confirme que les doses reçues par le personnel sont faibles et largement au-dessous des seuils réglementaires ». Entre 2008 et 2012, Areva a noué de nombreux partenariats avec la République centrafricaine, et a déployé une politique sociétale ambitieuse pour un montant de plus de 600 000 euros investis en faveur de l'accès aux soins, de l'éducation et du développement local. (...)

De plus, la Fondation Areva a apporté son soutien dans un projet de lutte contre le paludisme, mené dans l'agglomération de Bangui, à Bambari et Soda à partir de 2015 par l'association française Guira et en partenariat avec le gouvernement centrafricain qui a notamment assuré la sécurisation des opérations. Ce projet comprend une campagne de sensibilisation, la mise à disposition d'antiseptiques, antihistaminiques, antispasmodiques et petit matériel médical, et de 4 000 moustiquaires imprégnées.

Pinocchio, menace, marche arrière, film d'horreur

Wed, 30/11/2016 - 13:44
Pinocchio en blouse blanche

Évoquant une initiative américaine destinée à superviser les essais cliniques (dont dépend la mise sur le marché des médicaments), l'hebdomadaire britannique The Economist rappelle que dans ce domaine le vernis scientifique dissimule parfois les acrobaties statistiques les plus douteuses.

La moitié des essais cliniques n'ont pas réellement obtenu les résultats publiés. (...) Proportionnellement, les pires fraudeurs sont les gouvernements et les universités. En termes absolus, les coupables du plus grand nombre d'écarts sont deux géants du secteur pharmaceutique : Sanofi et Novartis, suivis du National Cancer Institute, une structure fédérale américaine.

« Tested, and found wanting », 5 novembre.

Menace

Un mois après un discours remarqué dans lequel elle promettait de faire du Parti conservateur « le parti des travailleurs », la première ministre britannique Theresa May a annoncé vouloir offrir aux entreprises le taux d'imposition sur les sociétés le plus faible du G20, suscitant l'alarme en Irlande.

Prenant la parole devant la CBI, l'une des principales organisations patronales britanniques, [Mme Theresa May] a affirmé que son objectif « n'était pas seulement d'afficher le taux d'imposition des sociétés le plus bas des pays du G20, mais également de proposer un système fiscal qui récompense l'innovation ». Les experts estiment qu'elle pourrait réduire l'impôt sur les sociétés à moins de 15 % [il était passé de 20 à 17 % début 2016], dans l'optique de protéger l'économie de son pays des soubresauts liés à une sortie de l'Union européenne. Réduire l'impôt sur les sociétés pourrait attirer des entreprises et remettre en cause le statut de l'Irlande comme destination favorite des grandes transnationales.

Joe Brennan, « Theresa May's retreat from Brexit ‘cliff edge' may cushion Ireland », Irish Times, 21 novembre.

Marche arrière

Le 14 novembre, Bogotá et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont rendu public un nouvel accord de paix après le rejet du premier lors du référendum du 2 octobre. Pour l'hebdomadaire communiste Voz, le document marque un recul considérable.

Le président [Juan Manuel] Santos et le chef de la délégation officielle à La Havane, Humberto de la Calle, ont déclaré que le nouvel accord était « meilleur que le précédent », mais les secteurs démocratiques avancent une autre analyse. Il s'agit en fait d'un pas en arrière, nécessaire pour sauver le processus de paix mis à mal par le résultat négatif du 2 octobre. (...) Désormais, l'accord ne bénéficie d'aucune garantie constitutionnelle, de sorte qu'il sera exposé aux contre-réformes que pourraient mettre en œuvre les prochains gouvernements. (...) Le nouveau texte mentionne par ailleurs le concept de « soutenabilité budgétaire » pour le financement de l'accord, mettant son application en danger si un jour le pouvoir exécutif alléguait un manque de ressources, réel ou non.

Carlos A. Lozano Guillén, « El “nuevo acuerdo” : El turno es para la implementación », 18 novembre.

Film d'horreur

Inflexibles défenseurs de la propriété privée contre les réquisitions d'appartements en Union soviétique, les pères fondateurs de l'Union européenne auraient-ils frémi à la lecture de cet article du New York Times  ?

Comptable à la retraite, M. Michalis Hanis a fidèlement remboursé le crédit immobilier de sa petite maison de la banlieue d'Athènes, où il vit depuis vingt-trois ans. Du moins jusqu'à l'éclatement de la crise grecque, il y a quelques années. Conformément aux mesures d'austérité exigées par les créanciers, le gouvernement a amputé sa retraite de 35 %. Et, comme celle du pays, sa dette gonfle. Il a désormais rejoint les rangs des dizaines de milliers de Grecs qui luttent pour sauver leur logement au moment où déferle une nouvelle vague d'expulsions et de manifestations. « C'est comme dans un film d'horreur, témoigne M. Hanis, 63 ans, qui tient grâce aux antidépresseurs et aux somnifères. La pression ne baisse jamais. Je veux juste protéger ma maison. » Les créanciers du pays [au premier rang desquels la Banque centrale et la Commission européenne] ont mis en demeure le gouvernement d'autoriser la vente aux enchères des biens appartenant aux débiteurs qui ne paient pas, et ce afin de collecter des milliards d'euros qui pourraient servir à renflouer les banques grecques chancelantes.

Niki Kitsantonis, « Greek Homeowners Scramble as Repossession Looms : ‘It's Like a Horror Movie' », 29 octobre.

Une situation saine en 2015

Wed, 30/11/2016 - 13:43

En 2015, le chiffre d'affaires du Monde diplomatique (11 499 000 euros) a progressé de 7,3 % par rapport à l'année antérieure (10 714 000 euros), une évolution d'autant plus satisfaisante que nous n'avons pas publié de hors-série comme cela avait été le cas en 2014.

L'amélioration de notre résultat financier tient largement à la forte croissance des recettes provenant de nos abonnements (+ 15,7 %), dont le nombre est en augmentation continue (83 127 en décembre 2015, contre 73 590 en décembre 2014). Cette progression ne s'est pas interrompue, puisque Le Monde diplomatique compte aujourd'hui plus de 88 000 abonnés. L'avantage financier est appréciable. D'abord parce qu'il ne s'agit pas, comme dans le cas de la plupart des magazines, d'abonnements à prix sacrifiés destinés à leurrer les annonceurs sur la popularité réelle du journal auquel ils achètent des espaces publicitaires. D'autre part parce qu'une proportion croissante de nos abonnés a choisi la voie du prélèvement automatique, ce qui nous permet d'économiser les frais des lettres de rappel.

Alors que les ventes au numéro de la quasi-totalité des organes de presse reculent de façon marquée depuis des années, Le Monde diplomatique s'est inscrit en rupture avec la tendance dominante. Nos ventes moyennes au numéro (France et international) sont passées de 61 702 exemplaires en 2014 à 73 591 exemplaires en 2015. Elles se sont stabilisées depuis.

En 2015, le nombre d'abonnés à nos archives électroniques a fortement progressé, passant de 13 620 à la fin de l'année 2014 à 21 489 un an plus tard. L'élan se poursuit puisque, fin octobre 2016, nous comptons 27 337 souscripteurs.

Les recettes diverses comprennent pour l'essentiel les droits de reproduction de nos éditions internationales, en recul (267 000 euros en 2015, contre 312 000 euros en 2014), et le produit de notre campagne de dons (276 000 euros). Grâce là aussi à la mobilisation de nos lecteurs, les aides à la presse profitent enfin au Monde diplomatique : 314 000 euros, accordés essentiellement parce que nous relevons des publications à faibles ressources publicitaires. « Faibles », ces dernières le sont en effet : elles ont rapporté 87 000 euros au journal en 2015, soit environ trois fois moins que les dons des lecteurs.

Concernant les postes de dépenses, la rédaction (salaires, piges, iconographie) représente 23,6 % du total, contre 22,4 % en 2014.

Les dépenses de distribution ont progressé avec la diffusion, mais aussi à cause d'une augmentation des tarifs postaux très supérieure à l'inflation.

Les dépenses de commercialisation ont, elles, été réduites de 15 % grâce à la rationalisation des outils, à la diminution des opérations de recrutement d'abonnements par voie postale et à la réduction du coût des relances de réabonnement.

Au total, en 2015, en raison principalement de l'augmentation de nos ventes et du soutien de nos lecteurs, notre résultat financier s'est considérablement amélioré. Cela consolide notre indépendance et nous permet à la fois de ne pas augmenter notre prix unitaire et de financer sans appel extérieur nos projets de développement (lire « Bien plus qu'un journal électronique »).

Toutefois, nous demeurons prudents : nous avons connu par le passé des résultats tout aussi spectaculaires, mais inverses. Même si rien n'indique qu'un tel retournement de tendance se dessine à nos dépens, les années électorales en France sont très peu favorables au développement de notre diffusion. Il nous reviendra donc là encore de surprendre…

Bien plus qu'un journal électronique

Wed, 30/11/2016 - 13:43

Pour Le Monde diplomatique, le progrès ne constitue pas une course derrière tous les possibles, mais la recherche parmi ces possibles du souhaitable et de l'utile. Permis par le soutien croissant de nos lecteurs, nos derniers développements s'inscrivent dans une histoire longue avec Internet. Au lieu de céder à la mode du commentaire éphémère ou du bourdonnement insignifiant, nous explorons les ressources de ce support au service d'une information plus complète, avec le souci de la mise en perspective. Dès 1995, nos articles furent disponibles sur la Toile — une première dans la presse française (1). Aujourd'hui, nos abonnés reçoivent non seulement leur mensuel imprimé, mais aussi bien davantage qu'un journal électronique.

Écoutez votre journal

Deux comédiens, Isabelle Rougerie et Arnaud Romain, nous prêtent désormais leurs voix. Chaque mois, ils font vivre une dizaine d'articles, soit près de trois heures d'enregistrement sonore. Nos reportages, enquêtes ou analyses lus sont disponibles le même jour que nos éditions électronique et imprimée, en général le dernier mercredi du mois, au plus tard le premier jour du mois de parution.

Issue du cours Florent et du Conservatoire national d'art dramatique, Isabelle Rougerie travaille pour le théâtre et la télévision. Également metteur en scène et chanteur, Arnaud Romain exerce davantage sa profession à la radio et au cinéma. Plus d'une centaine de leurs lectures sont déjà accessibles sur notre page « Journal audio ».

Les textes disposant d'une version sonore sont signalés par un symbole de haut-parleur situé sous le titre de l'article et à droite de la signature. Ils peuvent être écoutés en ligne ou en baladodiffusion (podcast). Pour les lire sur un baladeur, il suffit de télécharger chaque fichier au format MP3 ou de s'abonner à un téléchargement via un logiciel destiné à cet usage. Ce service est offert avec l'abonnement, sans supplément. Les lectures seront disponibles vingt-quatre mois, comme les textes.

Atlas, inédits et œuvres en ligne

Nos archives numériques, qui intégreront ces enregistrements, ont été enrichies depuis 2015 de la totalité des textes inédits parus dans les 150 numéros de Manière de voir, ainsi que des atlas et hors-séries publiés depuis plus d'une décennie. Plus de 2 200 textes, près de 400 cartes et graphiques viennent compléter le recueil des articles du mensuel, qui remonte à 1954. Ce corpus représente un volume de 42 700 articles et 830 cartes.

Depuis un an, également, les œuvres d'art et les photographies présentées dans l'édition imprimée apparaissent sur notre site, dont le style a été entièrement repensé. Le choix de l'épure qui le caractérise permet aux images d'ouvrir d'autres horizons en surgissant dans la pleine largeur de la page au cours du défilement, tout comme le texte rassemblé sur une seule colonne pour faciliter la lecture. Cette refonte graphique a été développée en interne grâce à des logiciels libres.

Une nouvelle édition en anglais

Notre réseau à l'étranger nous permet aujourd'hui d'être accessible en 20 langues et 37 éditions (dont 32 sur papier). Une nouvelle version du site destiné aux anglophones a été conçue dans le même esprit que son homologue en français. L'édition anglaise imprimée dispose également d'une nouvelle maquette permettant de mieux intégrer l'iconographie particulière de notre journal. Tandis que nos autres éditions étrangères ont chacune leur autonomie juridique, Le Monde diplomatique English Edition relève de l'édition française. Il nous permet d'élargir l'audience de nos idées dans le monde anglo-saxon. Nous incitons nos lecteurs francophones à le faire connaître à leurs amis anglophones en les y abonnant.

Les dons des lecteurs rendent également possible la constitution d'une base de données multilingue destinée aux universités, aux institutions et aux bibliothèques publiques. Après le français et l'anglais, plusieurs autres langues (espagnol, allemand puis portugais) devraient être accessibles en 2017 pour les abonnements collectifs et les étudiants du monde entier.

TypoDiplo, une référence typographique

Piégés par le mimétisme, la course à l'audience et à la rentabilité à court terme, nombre de titres de presse ont sacrifié le temps de la relecture, de la vérification et du recoupement de leurs informations. Nous avons fait le pari inverse. Chaque article que nous publions, lu par l'ensemble de l'équipe, est révisé au minimum par cinq personnes, dont deux correcteurs ou correctrices. Au fil des ans, le travail minutieux de ces derniers a conduit à compiler de très nombreux usages de la langue française, des règles de syntaxe à la transcription d'alphabets lointains. Rendre accessibles à tous les fruits de cette collecte grâce à un outil facile d'utilisation relève de l'intérêt général.

TypoDiplo regroupe les usages suivis au Monde diplomatique en matière de terminologie française, d'orthotypographie, d'écriture des noms étrangers… Il rassemble également des données originales sur tous les pays du monde.

Pour organiser ces éléments très disparates, nous avons imaginé une architecture permettant de s'approprier le site de trois façons : trouver instantanément une graphie via la fenêtre de recherche ; apprendre et comprendre en l'explorant de façon thématique, comme on utilise un manuel ; et naviguer par analogies grâce à une structure par mots-clics.

Étudiants, enseignants, curieux ou professionnels de l'édition devraient trouver là une référence, de quoi nourrir leur réflexion. Nous leur ouvrons l'envers du décor : les choix jamais innocents qui se présentent pour écrire et donner une représentation du monde. Incités à aiguiser leur regard critique, les visiteurs de ce site pourront réagir, pointer une contradiction et proposer d'autres solutions.

Sur le Zinc

Difficile aujourd'hui de se parler, s'écouter, se comprendre sans être détecté, suivi, calibré pour le supermarché des données. C'est pourquoi nous avons lancé Zinc, un réseau social indépendant qui fonctionne sur logiciel libre et permet de se retrouver entre lecteurs, entre amis du Monde diplomatique. Ce lieu reste par définition ouvert aux usages que chacun voudra en faire. On pourra bientôt y retrouver des rendez-vous, des conseils de lectures ou de sorties.

(1) Cf. Jean-Noël Jeanneney, « Les grandes heures de la presse — “Le Monde diplomatique” ouvre le bal sur la Toile », L'Histoire, n° 374, Paris, avril 2012.

Des temps obscurs, une ligne claire

Wed, 30/11/2016 - 13:43

Au cours des dernières années, deux tendances improbables, sur lesquelles nul ou presque n'aurait parié, ont vu le jour. Un vieux journal peu sensible aux modes, traitant sans trop d'ostentation de sujets difficiles, a reçu le soutien massif de ses lecteurs et lectrices. Leur mobilisation exceptionnelle a rétabli ses finances (lire « Une situation saine en 2015 »), assuré à moyen terme sa pérennité et permis la mise en chantier de nombreux projets de développement (lire « Bien plus qu'un journal électronique »). Îlot dans le fleuve gris de la presse française (lire « Critique des médias, vingt ans après »), ce journal est en ordre de bataille pour donner à comprendre les soubresauts du monde.

Parce qu'il combat depuis des décennies l'illusion d'optique intellectualiste qui prend Harvard pour l'Amérique et Sciences Po pour la France périphérique, le « Diplo » n'a guère été surpris par la montée en puissance d'un autoritarisme conservateur. Numéro après numéro, enquêtes, analyses et reportages en ont documenté l'ascension politique en divers points du globe. Face à cette nouvelle donne, des cris de vertu outragée conduiraient à une impasse. Mais, grâce à vous, Le Monde diplomatique dispose plus que jamais des moyens d'imaginer et de tracer une ligne claire. Celle qui ignore les indignations automatiques en même temps qu'elle refuse de céder à l'air du temps.

Aux racines de la débâcle

Wed, 30/11/2016 - 13:42
Philip Guston. – « The Line » (La Ligne), 1978 Hauser & Wirth, Zürich, London, New York

Lâché par les médias conservateurs mais soutenu par ceux de la « droite alternative » (lire « Triomphe du style paranoïaque »), M. Donald Trump, homme d'affaires sans expérience politique rendu célèbre par la télé-réalité, a remporté l'élection présidentielle américaine. Avec deux millions de voix de moins que son adversaire sur l'ensemble du pays, il doit sa victoire aux États-clés de la Rust Belt (« ceinture de la rouille ») qu'a délaissés Mme Hillary Clinton, jugée distante par les ouvriers blancs (lire « Comment perdre une élection ») et méprisante par les Américains peu diplômés (lire « La déroute de l'intelligentsia »). Hostile au libre-échange, à Wall Street, critiquant la vénalité du système politique, le franc-tireur socialiste Bernie Sanders aurait-il pu endiguer le phénomène Trump ? Les principaux journaux ont tout fait pour empêcher qu'un tel scénario se réalise (lire « Tir groupé contre Bernie Sanders »).

15e

Wed, 30/11/2016 - 13:42

Le mensuel de l'Université de Liège présente l'Observatoire Hugo, qui s'intéresse à la question des réfugiés climatiques et entend décrire les mouvements de populations dus aux dégradations de l'environnement. (N° 257, octobre, mensuel, gratuit. — Liège, Belgique.)

http://ulg.ac.be/le15jour

Anarcho-syndicalisme !

Wed, 30/11/2016 - 13:36

Poursuite d'une réflexion sur les Lumières, à travers l'histoire et dans le monde musulman d'aujourd'hui. (N° 151, octobre-novembre, 2 euros. — CNT-AIT, Toulouse.)

http://cntaittoulouse.lautre.net

Archipels

Wed, 30/11/2016 - 10:26

Une nouvelle revue, née de la rencontre entre l'association Culture & Démocratie (Bruxelles) et la revue Cassandre / Horschamp liée au site L'Insatiable (Paris). Le premier numéro, riche d'illustrations, rend compte de la façon dont la création « s'empare de la question de l'exil » et dont « les exilés eux-mêmes s'emparent de la création ». (N° 1, octobre, périodicité non indiquée, 12 euros. — Bruxelles-Paris.)

http://horschamp.org

L'Éléphant

Wed, 30/11/2016 - 10:23

La « revue de culture générale » consacre ce hors-série aux questions d'environnement. Une approche claire d'enjeux majeurs : une vision politique de l'épopée du CO2, l'impact des guerres, le lien des humains à la nature comme constitutif du contrat social, le gaspillage alimentaire, etc. (Hors-série, septembre, 15 euros. — Paris)

http://www.lelephant-larevue.fr

Territoires d'Afrique

Wed, 30/11/2016 - 10:18

Quels liens peut-on établir entre les territoires et les conflits en Afrique ? À partir de cas concrets (Boko Haram, République démocratique du Congo, Corne de l'Afrique…), les auteurs étudient les ressorts de la violence. Des chercheurs africains analysent la question des frontières et celle du djihadisme. (N° 8, mai, semestriel, prix non indiqué. — Dakar, Sénégal.)

http://www.territoires-dafrique.org

De l'art d'ignorer le peuple

Tue, 29/11/2016 - 15:41

La plupart des candidats à la présidentielle française proposent de réformer, d'une façon ou d'une autre, les institutions de la Ve République. Si de nombreux élus, chercheurs ou militants diagnostiquent une « crise de la démocratie », le mal pourrait se révéler plus profond : l'installation rampante d'un nouveau régime politique, la gouvernance, dont l'Europe est le laboratoire.

Martinieri. – « Double Face », 2000 © ADAGP, Paris, 2016

Par un retournement spectaculaire, dans nos démocraties modernes, ce ne sont plus les électeurs qui choisissent et orientent les élus, ce sont les dirigeants qui jugent les citoyens. C'est ainsi que les Britanniques, comme les Français en 2002 (échec de M. Lionel Jospin au premier tour de l'élection présidentielle) et en 2005 (« non » au référendum sur le traité constitutionnel européen), ont subi une psychanalyse sauvage à la suite du « Brexit » du 23 juin 2016. On peut avancer, sans craindre de se tromper, qu'une telle opération — réalisée presque entièrement à charge avec orchestration médiatique — n'aurait pas été effectuée si le scrutin avait conclu au maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Le principe d'une consultation populaire sur « un sujet aussi important » n'aurait pas davantage été questionné (1).

On le sait : un principe à géométrie variable n'est pas un principe, c'est un préjugé. Celui-ci peut être analysé de deux manières : mépris de classe (2) ou haine de la démocratie. Le premier sentiment dégouline assurément de la bouche du toujours subtil Alain Minc : « Ce référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des gens peu formés sur les gens éduqués (3).  » À aucun moment l'idée n'effleure la classe dirigeante que les citoyens rejettent les traités européens non pas parce qu'ils seraient mal informés, mais parce qu'au contraire ils tirent des leçons tout à fait logiques d'une expérience décevante de près de soixante ans.

Le second sentiment dépasse le clivage de classe ; il est philosophique. C'est la démocratie elle-même qui est contestée au travers des coups portés à deux idées cardinales : d'une part, que « la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics » (article 21, alinéa 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme) ; d'autre part, que tous les membres du corps social sont citoyens et concourent à la formation de la volonté générale, quels que soient leur origine ou leur statut social. C'est cette philosophie imposée par des siècles de luttes sociales et politiques qui fait aujourd'hui l'objet d'une offensive idéologique de grande ampleur à la faveur des impératifs de la construction européenne.

Ceux qui, comme l'ancien premier ministre Alain Juppé (Les Républicains), estiment que les « conditions » ne sont pas réunies pour un référendum en France sur les questions européennes (4), ou qui, comme le premier ministre socialiste Manuel Valls, qualifient d'« apprentis sorciers » les personnes souhaitant une telle consultation (5), dévoilent leur véritable préoccupation : comme la classe dirigeante n'est pas assurée d'une réponse positive, elle préfère ne pas consulter les électeurs. Ainsi, on gouverne sans le soutien du peuple, au moment même où on organise, traité après traité, des transferts de souveraineté de plus en plus importants à Bruxelles. Parmi les plus déterminants figurent les pouvoirs monétaire et budgétaire.

L'Union européenne agit comme le révélateur d'une délégitimation de la démocratie, également à l'œuvre à l'échelle nationale (6). Il ne s'agit plus d'une crise, mais d'un changement progressif de régime politique dont les institutions de Bruxelles constituent un laboratoire. Dans ce système, nommé « gouvernance », le peuple n'est que l'une des sources de l'autorité des pouvoirs publics, en concurrence avec d'autres acteurs : les marchés, les experts, la « société civile ». On connaît le rôle stratégique attribué à l'expertocratie par les rédacteurs des traités communautaires : la Commission, avec ses commissaires « indépendants » choisis pour leurs « compétences », est la « gardienne des traités » en lieu et place des organes politiques comme le Conseil des ministres ou le Parlement. Si cette clé de voûte des institutions de Bruxelles fait régulièrement l'objet de critiques acerbes, il n'en est pas de même de la « société civile », dont le rôle grandissant contribue pourtant, lui aussi, à contourner la démocratie.

Instrumentalisation de la « société civile »

Entré en vigueur en 2009, l'article 11 du traité de Lisbonne recommande aux institutions européennes d'entretenir « un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile ». Appelée en renfort pour combler le « déficit démocratique », celle-ci fait l'objet d'une définition très large pouvant se prêter à toutes sortes d'interprétations : acteurs du marché du travail, organisations non gouvernementales (ONG), organisations dites « de base », communautés religieuses (7). On peut donc y trouver des syndicats et des associations très progressistes, mais aussi des lobbys, des groupements patronaux, des cabinets d'experts, voire des sectes, etc. La « société civile » ne repose en effet sur aucun critère de représentativité ou de légitimité. Protéiforme, elle est aussi le règne de l'inégalité puisque ses acteurs disposent de moyens extrêmement variables, suivant les intérêts qu'ils défendent.

« Depuis le milieu des années 1990, explique la sociologue Hélène Michel, “la société civile” est devenue un acteur à part entière du fonctionnement de l'Union européenne. Mieux, elle permet désormais de légitimer les institutions qui dialoguent avec elle, les politiques publiques qui la concernent et les agents qui s'en réclament. » Et elle ajoute : « Pourtant, ni le contenu de “la société civile” ni les formes de sa participation ne semblent stabilisés. Ce qui laisse place à des usages fort différents (8).  » La Commission y fait d'ailleurs son marché en fonction de ce qu'elle estime représentatif et pertinent, ce qui lui permet in fine de maîtriser un processus qui la conforte. Le traité constitutionnel européen n'était-il pas en partie le produit de la consultation de la « société civile » ? Le dialogue instauré avec celle-ci par Bruxelles n'implique cependant aucun partage du pouvoir de décision. Par exemple, la consultation publique menée sur le grand marché transatlantique (en anglais Tafta) de mars à juillet 2014 n'a, de manière significative, pas troublé Bruxelles.

Cette pratique, qui met en avant des valeurs positives, comme l'esprit de dialogue pacifique, trouve des alliés inattendus à droite comme à gauche : associations qui œuvrent à une « Europe des citoyens », mouvements fédéralistes, Forum permanent de la société civile européenne, plates-formes « citoyennes » ou encore Comité européen des associations d'intérêt général. « Ces militants d'une “Europe plus démocratique”, car “plus proche des citoyens”, note encore Hélène Michel, entraînent derrière eux toute une série d'ONG agissant dans les secteurs sociaux et humanitaires, ainsi que dans les domaines de l'environnement, qui demandent que leur rôle soit véritablement reconnu dans le processus. » Si le mouvement associatif et syndical contribue de manière indispensable au progrès social, le concept de « société civile » transforme le rôle qu'il joue dans les rouages du pouvoir. À l'instar de l'expert dont la décision se substituerait à celle des décideurs publics, la « société civile », tout énigmatique qu'elle soit, devient le porte-parole autoproclamé des citoyens. Ce fonctionnement accorde une place considérable aux frénétiques de toutes les causes, relayés par les réseaux sociaux et des médias peu regardants, dont la représentativité prétendue est souvent mesurée par sondages (et non par élection). Et le peuple dans tout ça ? Il n'est plus qu'un groupe de pression parmi d'autres. Dans une Union européenne qui se méfie des bulletins de vote, la partie n'est pas égale.

Loin d'être purement technique, la gouvernance est un concept idéologique tiré de la science administrative anglo-saxonne, notamment américaine, contemporain de l'essor du néolibéralisme. Popularisé sous le terme de « bonne gouvernance », il vise au moins d'État, à l'extension du marché, à la « bonne gestion » (9). Les francophones le confondent souvent avec le « bon gouvernement » illustré par la célèbre fresque d'Ambrogio Lorenzetti. Cette œuvre de 1339, exposée à l'hôtel de ville de Sienne (Italie), valorise la justice et la sagesse exercées sous l'œil du peuple. On est loin des préoccupations comptables qui obsèdent jusqu'à l'absurde la classe dirigeante actuelle. Combien de pays du tiers-monde, du Kenya à la Côte d'Ivoire, ont-ils d'ailleurs sombré dans le chaos peu après avoir reçu leur brevet de « bonne gouvernance » de la part des institutions financières internationales ? On se souvient également de M. Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du Fonds monétaire international, saluant la Tunisie de M. Zine El-Abidine Ben Ali en 2009 par des mots qui laissaient peu entrevoir la révolution de janvier 2011 : « La politique économique adoptée ici est une politique saine et constitue un bon modèle à suivre pour de nombreux pays émergents. » Économie de marché, gouvernance et « société civile » relèvent du même corpus idéologique postdémocratique.

La marginalisation de la souveraineté populaire par la gouvernance explique la facilité avec laquelle les dirigeants européens, et notamment français, contournent le verdict des urnes : leur légitimité ne viendrait qu'en partie des électeurs. Cela peut expliquer la stupeur provoquée par le comportement du Royaume-Uni, qui, non content de consulter son peuple, envisage de respecter sa volonté…

La crise de confiance qui affecte l'Union européenne, voire le rejet grandissant dont elle est l'objet, pourrait-elle trouver une solution dans l'avènement d'un « peuple européen » qui élirait ses représentants dans les institutions de Bruxelles ? Alors ministre français de l'économie, M. Emmanuel Macron a ainsi proposé d'organiser un référendum européen ; la députée écologiste Eva Joly a quant à elle suggéré d'élire une Constituante européenne. C'était déjà l'ambition des socialistes Oskar Lafontaine (Allemagne) et Jean-Luc Mélenchon (France) en 2006. Mais de tels projets supposent résolue la question préalable : les peuples nationaux acceptent-ils leur propre dissolution dans un ensemble plus grand ? Existe-t-il une « communauté politique européenne » reconnue comme telle par les habitants de l'Union, qui leur ferait accepter le verdict d'institutions communes gouvernées par le principe majoritaire ? Les résultats des derniers référendums (« Brexit » au Royaume-Uni, rejet par les Pays-Bas de l'accord d'association avec l'Ukraine) laissent penser que l'État-nation demeure, pour la plupart des peuples du Vieux Continent, le cadre légitime de la démocratie. Symbole, passé relativement inaperçu, de ce hiatus : le 19 janvier 2006, le Parlement européen avait voté une résolution demandant qu'on trouve un moyen de contourner les référendums français et néerlandais sur le traité constitutionnel européen…

En prenant de front la souveraineté populaire, la gouvernance reformule la question démocratique telle qu'elle a émergé avec les Lumières au XVIIIe siècle. Les classes dirigeantes, de nouveau habituées à gouverner entre elles, confondent de manière symptomatique « populisme » et démagogie. L'attention portée aux revendications populaires est perçue comme du clientélisme primaire, quand la défense débridée des intérêts dominants est présentée comme le nec plus ultra de la modernité. On peut raisonnablement penser qu'un contrôle plus étroit des peuples sur leurs gouvernements mènerait à des politiques tout autres que celles d'aujourd'hui. C'est pourquoi, comme en 1789, la démocratie, malgré ses imperfections, demeure une revendication proprement révolutionnaire, en France comme dans de nombreux pays de l'Union européenne corsetés par la gouvernance. Considérer que le rétablissement de la primauté de la démocratie conduirait à des formes nouvelles de tyrannie et de démagogie revient à prêter aux citoyens des desseins plus noirs que ceux qui animent le personnel dirigeant et son mépris de classe.

Ces explosions qui viennent

La démocratie a toujours fait l'objet de débats politiques passionnés, la gauche accusant souvent ce régime « bourgeois » de nier la violence des rapports sociaux par le jeu d'une égalité théorique des citoyens. Il n'en demeure pas moins que le passage de la souveraineté du roi à la nation était considéré, y compris par Karl Marx lui-même, comme allant dans le sens de l'histoire ; le clivage droite-gauche trouve d'ailleurs une de ses sources dans la Révolution française : venaient s'asseoir à gauche du président de séance ceux qui remettaient en cause la monarchie. Plus tard, les mouvements issus de la critique du capitalisme intégrèrent, en France du moins, la défense des droits politiques acquis après 1789, tout en exigeant les mesures nécessaires à la concrétisation de l'idée démocratique : éducation, droits sociaux, libertés syndicales et ouvrières… C'est le sens du combat républicain mené par le socialiste Jean Jaurès pour l'école publique, la laïcité ou l'impôt sur le revenu. Ce qui ne l'empêchait pas, en marxiste assumé, de lutter pour l'instauration d'un autre système économique : le socialisme.

Dans l'Europe de ce début de millénaire, ce n'est pas le « peuple de gauche » qui se réveille, c'est le peuple tout court. C'est pourquoi le « non » était largement majoritaire en 2005 (référendum sur le traité constitutionnel européen), mais la gauche très minoritaire en 2007 (élection présidentielle). Ce n'est pas seulement la crise sociale, l'explosion des inégalités et des injustices qui aujourd'hui « soulèvent le goudron (10)  », mais tout autant les reculs de la souveraineté populaire qui les ont rendues possibles.

(1) Cf. Bernard-Henri Lévy, « Pourquoi référendum n'est pas démocratie », Le Point, Paris, 13 juillet 2016.

(2) Lire Paul Mason, « “Brexit”, les raisons de la colère », Le Monde diplomatique, août 2016.

(3) Entretien au Figaro, Paris, 29 juin 2016.

(4) « Juppé :“Organiser un référendum sur l'Europe, aujourd'hui en France, serait irresponsable” », LeMonde.fr, 27 juin 2016.

(5) Assemblée nationale, séance du mardi 28 juin 2016.

(6) Lire « Peu(ple) leur chaut ! », Le Monde diplomatique, novembre 2003.

(7) Lire Commission européenne, « Gouvernance européenne. Un Livre blanc », Journal officiel de l'Union européenne no 287 du 12 octobre 2001, et « Avis du Comité économique et social sur “Le rôle et la contribution de la société civile organisée dans la construction européenne” », Journal officiel de l'Union européenne no C 329 du 17 novembre 1999.

(8) Cf. Hélène Michel, « “Société civile” ou peuple européen ? L'Union européenne à la recherche d'une légitimité politique », Savoir/agir, no 7, Paris, mars 2009.

(9) Cf. dossier « La gouvernance », Revue internationale des sciences sociales, Paris, no 155, 1er janvier 1998.

(10) Cf. Frédéric Lordon, « Le goudron se soulève », La pompe à phynance, Les blogs du Diplo, 16 juin 2016.

De l'antique BD au manga

Sun, 27/11/2016 - 19:16

Composé sous sa forme définitive à la fin du XVIe siècle, Le Voyage vers l'ouest est considéré comme l'un des plus importants joyaux de la littérature chinoise. Omniprésent en Chine, le roman a également inspiré de nombreux mangas japonais ; plusieurs en reprennent fidèlement la trame. Son influence dépasse largement le cadre strict des adaptations : dans nombre de shonen — mangas pour jeunes garçons — on en retrouve des éléments majeurs. L'un des plus emblématiques est Dragon Ball, de Toriyama Akira, dont tout le début suit (très) librement le canevas du roman chinois. Son héros, Son Goku, porte le même nom, lu à la japonaise, que le personnage le plus populaire du Voyage vers l'ouest, le roi-singe Sun Wukong.

L'influence est telle que ses caractéristiques sont devenues les codes attendus des héros des nekketsu — qui mettent en scène de jeunes garçons s'engageant dans des quêtes fantastiques. Espiègles et insouciants, ces personnages ont en commun une immense gloutonnerie et une force phénoménale qui tient à la fois de dons mystérieux et d'une étonnante assiduité dans l'entraînement martial. Toutefois, si les personnages des nekketsu semblent naïfs voire imbéciles, Sun Wukong est au contraire... malin comme un singe. C'est la figure du moine Xuan Zang (1), le meneur plus qu'ingénu du Voyage, qui refait alors surface. Et comme ce dernier, ils finissent régulièrement par convertir leurs ennemis, qui deviennent alors des alliés indéfectibles, rejoignant le camp des héros. Phénomène surprenant pour des Occidentaux : le « mal », dans ces histoires, n'est souvent qu'une erreur de jugement.

La sortie en lianhuanhua — bande dessinée traditionnelle chinoise — du Voyage vers l'ouest (éditions Fei) permet de traduire la filiation en images, avec trois des shonen nekketsu les plus vendus, Dragon Ball, Naruto et One Piece.

« Si la culture de son auteur dans ce que l'on appelait alors “les trois enseignements” (bouddhisme, taoïsme, confiucianisme) est encyclopédique, s'il sait enchevêtrer habilement le récit d'un pèlerinage bouddhique avec un langage allégorique faisant allusion aux progrès de l'adepte taoïste, il se garde bien de nous livrer la clef définitive de son œuvre », affirme le sinologue Vincent Durand-Dastès dans l'introduction du Voyage vers l'ouest paru en octobre 2014. C'est peut-être sur ce point, davantage encore que sur leurs ressemblances plus formelles, que l'œuvre chinoise et les mangas cités se rapprochent le plus : tous mobilisent une matière multiple, des sources variées et hétérogènes, amalgamées dans un surprenant syncrétisme, ludique et fertile.

(1) Moine bouddhiste (602-664) qui, après un pèlerinage en Inde de plusieurs années, devint l'un des traducteurs les plus importants de soutras bouddhiques, désormais perdus en sanskrit.

Age d'or

Sun, 27/11/2016 - 15:55

L'Amérique latine connaît une sorte d'âge d'or politique. Au cours de son histoire tragique, depuis le début du XIXe siècle, jamais cette région n'a vécu une si large période de paix (un seul conflit subsiste, en Colombie), de prospérité et, surtout, de consolidation démocratique.

Depuis la victoire électorale de M. Hugo Chávez à la présidence du Venezuela en 1998, les scrutins, dans de nombreux pays, ont permis l'élection (ou la réélection) de candidats de gauche ou de centre-gauche : M. Néstor Kirchner en Argentine, M. Luiz Inácio Lula da Silva au Brésil, M. Tabaré Vázquez en Uruguay, M. Martín Torrijos au Panamá, M. Evo Morales en Bolivie, Mme Michelle Bachelet au Chili, et même M. Alan García au Pérou, dont le parti, l'Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), est membre de l'Internationale socialiste...

Dans d'autres pays, comme le Mexique, où le représentant de la gauche, M. Andrés Manuel López Obrador, ne l'a pas emporté (pour 0,56% des voix !), des présomptions de fraude pèsent sur le scrutin. Et même dans des Etats où le candidat de droite a gagné — en Colombie, M. Alvaro Uribe a été réélu en mai 2006 —, les résultats obtenus par les candidats de gauche ont été remarquablement élevés (1).

Une telle situation est inédite. Il n'y a pas si longtemps, sous des prétextes divers, un coup d'Etat militaire (la plus récente tentative date d'avril 2002, contre le président Chávez) ou une intervention directe des Etats-Unis (la dernière eut lieu en décembre 1989, contre le président Manuel Noriega, au Panamá) mettait vite fin à tout projet de réforme économique et sociale, même si celui-ci avait l'approbation majoritaire des électeurs.

Elus démocratiquement, Jacobo Arbenz, au Guatemala, João Goulart, au Brésil, Juán Bosch, en République dominicaine, ou Salvador Allende, au Chili, pour ne citer que quatre cas parmi les plus célèbres, furent renversés — respectivement en 1954, 1964, 1965 et 1973 —, par des coups d'Etat militaires soutenus par Washington, pour empêcher la réalisation de réformes structurelles dans des sociétés inégalitaires. Réformes qui auraient affecté les intérêts des Etats-Unis et qui — c'était l'époque de la guerre froide (1947-1989) — auraient pu entraîner une modification des alliances que Washington refusait de consentir.

Dans ce contexte, une seule expérience de gauche a réussi à survivre : celle de Cuba. Mais à quel prix ! La Havane a dû surmonter, entre autres épreuves, un assaut de mercenaires appuyés par les Etats-Unis (baie des Cochons, 1961), un embargo commercial dévastateur maintenu unilatéralement par Washington depuis quarante-cinq ans, un bras de fer diplomatique et militaire (la crise des fusées d'octobre 1962) qui porta le monde au seuil d'une guerre atomique, et des attaques terroristes constantes (ayant causé quelque trois mille morts et des dégâts évalués à des milliards de dollars) (2).

Epreuves qui n'ont pas empêché le régime de réaliser de considérables avancées (en matière d'éducation, de santé publique et de solidarité internationale, notamment), mais qui l'ont contraint à se durcir plus que nécessaire et à privilégier pendant plus de vingt ans, pour échapper à un isolement politique et à un étranglement économique fomentés par les Etats-Unis, une alliance peu naturelle avec la très lointaine Union soviétique, dont la disparition soudaine en 1991 a entraîné de nouvelles difficultés.

Hormis cette exception cubaine, toutes les autres tentatives démocratiques de changer les structures de la propriété ou de distribuer plus justement les richesses de ce continent ont été brutalement interrompues.

Pourquoi ce qui n'a pas été consenti durant des décennies est-il aujourd'hui accepté ? Pourquoi une vague rose et rouge peut-elle recouvrir tant d'Etats sans être stoppée comme naguère ? Qu'est-ce qui a donc changé ?

En premier lieu, une donnée majeure : l'échec, dans l'ensemble de l'Amérique latine, des expériences néolibérales parfois très radicales qui ont marqué les années 1990. Dans de nombreux pays, ces politiques se sont traduites par un pillage éhonté, l'appauvrissement massif des classes moyennes et populaires, la destruction de pans entiers de la fragile industrie nationale, et finalement par la révolte des citoyens.

En Bolivie, en Equateur, au Pérou et en Argentine, de véritables insurrections civiques ont provoqué le renversement de présidents élus démocratiquement mais qui considéraient qu'ayant gagné l'élection ils disposaient d'une carte blanche pour agir à leur guise et, éventuellement, trahir le programme proposé aux électeurs.

A cet égard, la révolte populaire en Argentine du 21 décembre 2001 qui entraîne le départ du président Fernando de la Rúa, et surtout l'effondrement des politiques néolibérales appliquées de 1989 à 1999 par M. Carlos Menem, est en quelque sorte l'équivalent pour ce continent de ce que représenta, pour l'Europe, la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, soit le refus définitif d'un modèle dogmatique, arrogant et antipopulaire.

Autre donnée fondamentale : « parrains » de cette région considérée comme leur « arrière-cour », les Etats-Unis ont dévié, depuis la guerre du Golfe de 1991 et plus encore depuis le 11 septembre 2001, l'essentiel de leurs préoccupations géopolitiques vers le Proche et le Moyen-Orient, où se trouvent le pétrole et leurs principaux ennemis actuels.

Cette « distraction » a favorisé l'éclosion, en Amérique latine, de tant d'expériences de gauche, et leur a sans doute empêché d'être vite étouffées. Une chance dont les dirigeants feraient bien de se saisir pour accélérer enfin les réformes que la population attend depuis si longtemps.

(1) Lire le dossier « Amérique latine, le tournant à gauche ? », dans Mouvements, n° 47-48, novembre 2006, La Découverte, Paris.

(2) Deux des terroristes anticubains les plus notoires, MM. Luis Posada Carriles et Orlando Bosch, agissant pour le compte de la Central Intelligence Agency (CIA), auteurs, entre autres, d'un attentat en vol contre un avion de ligne cubain qui fit soixante-treize morts le 6 octobre 1976, continuent de bénéficier, en Floride où ils résident, de la protection des autorités américaines, qui refusent de les juger ou de les extrader.

Mort de Fidel Castro

Sat, 26/11/2016 - 17:00

Fidel Castro est mort vendredi 25 novembre, à l'âge de 90 ans. Il avait transmis le pouvoir en 2006 à son frère Raúl.

Fidel Castro, Havana, 1978 cc Marcelo Montecino

Lors du deuxième sommet de la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (Celac), le 29 janvier 2014, les dirigeants des trente-trois pays de la région ont proclamé Fidel Castro « guide politique et moral d'Amérique », un titre qui illustre la stature singulière du « líder máximo ».

David moderne, l'homme incarne la résistance contre le Goliath nord-américain. Invasion, tentatives d'assassinat, embargo économique, financement de l'opposition : Washington aura tout tenté pour renverser les « barbus » parvenus au pouvoir en 1959 et démontrer le danger de leurs ambitions. De la même façon que la menace soviétique a conduit les élites européennes à quelques concessions au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, Cuba a — un temps — obligé les États-Unis à modifier leur approche de leur « arrière-cour ». Dès le 13 mars 1961, le président John Fitzgerald Kennedy proclame : « Transformons à nouveau le continent américain en un vaste creuset d'idées révolutionnaires (…). Réveillons à nouveau notre révolution américaine jusqu'à ce qu'elle guide les combats des peuples en tout lieu. ». Aurait-il employé un tel vocabulaire si les combattants de la Sierra Maestra n'avaient pas, défiant tous les pronostics, toutes les prudences, défait une dictature corrompue inféodée aux États-Unis ? Il fallut néanmoins attendre plus d'un demi siècle avant que Washington ne lève (en partie) l'embargo qu'il infligea à l'État et au peuple qui avaient introduit le désordre — c'est-à-dire un peu de justice — dans une région longtemps peuplée de dictateurs et de tyrans.

Cuba a presque la population de sa voisine Haïti. Cela donne une idée de ce qu'aurait pu devenir le pays en matière d'éducation, de santé, de fierté nationale, de prestige international sans la révolution. Quel pays aujourd'hui n'est pas représenté à La Havane par des diplomates de talent ? Une telle reconnaissance, nourrie par l'épopée d'une des plus grandes révolutions de l'histoire de l'humanité, a reposé sur des hommes hors du commun. Au départ, ils n'étaient qu'une poignée. Fidel Castro fut du nombre. A l'âge de 13 ans, il organisait sa première insurrection : celle des travailleurs des champs de canne à sucre de son père (1).

En 1960, en visite à Cuba, Jean-Paul Sartre choisit justement de titrer « Ouragan sur le sucre » la série d'articles qu'il consacra à l'île qui venait de rendre sa fierté à l'Amérique latine et qui s'apprêtait à devenir un quartier général des révolutionnaires de la Tricontinentale. Sartre écrivait : « Le plus grand scandale de la révolution cubaine n'est pas d'avoir exproprié les planteurs, mais d'avoir mis les enfants au pouvoir. (…) S'il faut un fil conducteur — et il en faut un — la jeunesse est l'évidence la plus immédiate, la plus indéniable ; (…) ici, sans cesser d'être un âge de la vie, elle est devenue une qualité intérieure de ses chefs. (…) Il faut n'avoir pas trop vécu pour commander ; pour obéir, il suffit d'avoir plus de trente ans. (2»

Mais le philosophe avertissait : « Quand l'homme-orchestre est trop vieux, la révolution grince, elle est raide. » Au fil des décennies, les pénuries, les procès, la répression ont assombri le bilan éclatant de la révolution. Et, depuis des années déjà, Cuba n'appartient plus vraiment à l'homme orchestre qui l'a fait exister dans la conscience des peuples du monde entier.

Retrouvez, ci-dessous, une sélection d'archives.

(1) Cf. Volker Skierka, Fidel Castro : A Biography, Polity Press, Cambridge, 2004.

(2) Jean-Paul Sartre, « Ouragan sur le sucre », reportages publiés dans France-Soir, Paris, du 28 juin au 15 juillet 1960.

Dans « Le Monde diplomatique »

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