À Chişinău, une gigantesque fraude financière a jeté la population dans la rue. Prorusses et pro-occidentaux ont défilé ensemble contre le système oligarchique. Mais, à l'approche de l'élection présidentielle du 30 octobre, la classe politique se complaît dans les anciennes fractures, semblant ignorer que les Moldaves se sont lassés des clivages géopolitiques.
Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Des policiers protègent les bureaux de l'oligarque Vladimir Plahotniuc. Tout au long de l'année 2015, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Chişinău contre la corruption des élites, causant la chute du gouvernement.« Regarde ce gros député, il a volé autant qu'il a pu. / Les gens vivent dans la rue et eux dans des palais. / Le jour viendra où les milliards qu'ils ont volés ne leur seront pas suffisants pour les aider à échapper à la justice… » Un air de hip-hop résonne sur une petite place du centre-ville de Chișinău, la capitale moldave. M. Traian Barbara, le micro à la main, déverse son flot de paroles face à une vingtaine de jeunes rassemblés à l'occasion d'un festival de culture urbaine. « Cette chanson, on l'a écrite en 2013, mais on ne pouvait pas imaginer que, deux ans plus tard, ils voleraient réellement 1 milliard », raconte le jeune rappeur, comme surpris de sa clairvoyance. Depuis son indépendance, en 1991, la Moldavie était présentée comme une société composite, incapable d'un redressement national. À la diversité ethnique, avec d'importantes minorités ukrainienne, russe et gagaouze, s'ajoutent des divisions linguistiques (entre roumanophones et russophones), religieuses (entre orthodoxes rattachés aux patriarcats d'Athènes, de Moscou ou de Bulgarie) ou territoriales (avec l'indépendance de fait de la Transnistrie (1)). Dans le champ politique, ces fractures ont nourri une polarisation entre adversaires et partisans d'un rapprochement avec l'Alliance atlantique et l'Union européenne, reléguant les questions économiques et sociales au second plan. Aujourd'hui, la colère populaire contre la corruption et l'oligarchie pourrait-elle balayer le clivage principal qui oppose pro-occidentaux (ou pro-européens (2), au sens de « favorables à un rapprochement avec l'Union européenne ») et prorusses ?
Les premiers signes de ce changement apparaissent en avril 2015. La presse et certains hommes politiques évoquent depuis quelques mois l'existence d'une fraude bancaire massive. Sous la pression de la rue, le gouvernement confirme que 1 milliard de dollars ont disparu de trois grands établissements financiers en deux jours (lire « Un milliard disparaît »). L'équivalent de 13 % du produit intérieur brut (PIB) dans cette ancienne république soviétique qui compte trois millions et demi d'habitants.
Chute de trois gouvernements en 2015Le 3 mai 2015, à l'appel de la plate-forme civique Dignité et vérité (Demnitate și Adevăr, DA) — un collectif créé par une poignée d'intellectuels —, cinquante mille personnes se massent dans l'artère principale de la capitale pour réclamer « le retour du milliard ». Le pays n'avait pas connu une telle manifestation depuis l'indépendance. Contre toute attente, lors des nombreux rassemblements qui suivent, des mouvements prorusses rejoignent la plate-forme DA, alors considérée comme une formation pro-occidentale. Tous protestent contre la coalition au pouvoir, l'Alliance pour l'intégration européenne (AIE), jugée complice et responsable de la fraude. Le « casse du siècle », comme on le surnomme en Moldavie, a fait l'effet d'un catalyseur. La monnaie (le leu) perd 30 % de sa valeur en quelques mois, provoquant une inflation des produits alimentaires — largement importés —, des tarifs de l'énergie, ainsi qu'une envolée des loyers, que les propriétaires fixent en euros, comme dans beaucoup de pays d'Europe centrale et orientale. « Pour la première fois depuis longtemps, le pays a réussi à s'unir autour d'une cause, estime Natalia Morari, journaliste et animatrice d'une émission politique pour une chaîne de télévision privée. Quels que soient leur groupe ethnique, leur langue, les Moldaves ont compris qu'ils avaient tous été volés. »
Magnat des médias, l'oligarque Vladimir Plahotniuc est devenu le symbole de la corruption de l'État moldave et de son accaparement par des clans. Cet homme d'affaires de 50 ans a d'abord étendu son empire économique lorsqu'il gérait les entreprises du communiste Vladimir Voronine, président de 2001 à 2009. Jusqu'alors « cardinal de l'ombre », M. Plahotniuc a fait officiellement son entrée dans le monde politique en 2010, en « achetant » le Parti démocrate de Moldavie (PDM). Principal financeur de cette formation, il s'assure le soutien de ses députés, une vice-présidence au Parlement et, ainsi, la défense de ses intérêts économiques. En contrôlant le principal parti de la coalition pro-occidentale au pouvoir, M. Plahotniuc devient un élément incontournable du jeu politique. « On pourrait le comparer à une mauvaise herbe qui aurait poussé sans trop faire d'ombre aux autres, soutient l'écrivain et éditeur Emilian Galaicu-Păun. Lorsque ses fleurs ont éclos et qu'on a voulu la couper, on s'est rendu compte que ses racines étaient trop profondes pour l'arracher. »
Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Maria, 55 ans, ouvrière dans une usine de chaussures. Entre 135 et 180 euros mensuels. « Je travaille ici depuis plus de vingt ans. Mais c'est déjà bien d'avoir ça plutôt que rien. » Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Rodica, 34 ans, professeure d'anglais dans une école publique. 320 euros mensuels. « En plus de mon travail, je donne des cours particuliers, qui sont bien mieux payés. Je pense que je partirai un jour, pour mes enfants. »La révélation du « casse du siècle » provoque une période d'instabilité politique en Moldavie — trois gouvernements chutent en quelques mois. Début 2016, alors que les députés peinent à s'accorder sur le nom d'un premier ministre, M. Plahotniuc tente d'imposer sa candidature. Seul le veto du président, M. Nicolae Timofti, l'en empêche. Redoutant une victoire des prorusses en cas d'élections législatives anticipées, les pro-occidentaux de l'AIE accélèrent le processus de nomination. Le 20 janvier, dans le plus grand secret et à la limite de la légalité, ils investissent en un temps record — six minutes et quarante-sept secondes — le démocrate Pavel Filip, un proche de M. Plahotniuc, provoquant le départ de certains partis de la coalition.
Du fin fond de la campagne moldave, la colère gronde dès l'annonce de ce coup de force. Ainsi M. Vasile Neaga, agriculteur de 52 ans, s'est « senti humilié » par ces méthodes, et il prend le premier bus pour la capitale. Producteur de poivrons dans le petit village de Răscăieți, il n'avait jamais manifesté. Des milliers de contestataires se massent devant le Parlement, en dépit de la nuit et du froid, afin d'empêcher l'investiture de M. Filip. Dans la foule, M. Neaga, fervent partisan de la réunification avec la Roumanie (3) et du rapprochement avec l'Union européenne, est surpris par ses voisins : « J'étais entouré de manifestants prorusses qui avaient des visions et des valeurs différentes des miennes, raconte-t-il. Pourtant, nous avions tous le même but : faire tomber ce gouvernement, qui n'est pro-occidental que de nom. » Sur les marches du Parlement, entre la foule en colère et une rangée de policiers anti-émeutes, les trois chefs de l'opposition appellent ensemble au calme. M. Igor Dodon (chef du Parti des socialistes de la République de Moldavie, PSRM), M. Renato Usatîi (un millionnaire au passé douteux) — tous deux proches de la Russie — et le pro-occidental Andrei Năstase (de la plate-forme DA) évitent que la situation ne dégénère.
L'image de l'Union européenne s'est ternieLe 4 mars, une décision de la Cour constitutionnelle fait voler en éclats ce consensus inédit. En décidant que le prochain président devra être élu au suffrage universel et non plus par le vote des députés, elle attise les rivalités entre les chefs de l'opposition. Les discussions pour choisir un candidat commun n'aboutissent pas. « Au sein du mouvement, il y avait des politiques de droite et de gauche, des pro-occidentaux et des prorusses. Les électeurs ne s'y seraient pas retrouvés », justifie M. Dodon, qui décide de faire cavalier seul pour le scrutin, fixé au 30 octobre. Donné favori dans les sondages, cet ancien communiste a su profiter du rapprochement avec la plate-forme DA en faisant évoluer son discours : « Je ne suis ni prorusse ni pro-occidental, je suis promoldave », maintient-il, quand bien même il posait avec M. Vladimir Poutine sur des affiches électorales il y a à peine deux ans.
Les autres candidats de l'opposition, M. Năstase et Mme Maia Sandu, du parti Action et solidarité, hésitent à mettre en avant leur orientation pro-occidentale pour ne pas être suspectés de sympathie pour M. Plahotniuc, qui cherche à s'afficher comme proche des États-Unis. Une photographie où il pose avec Mme Victoria Nuland, sous-secrétaire d'État américaine pour l'Europe et l'Eurasie, a récemment fait le tour de la Toile moldave. « Quel besoin avaient les Américains de s'afficher avec l'homme le plus détesté de la Moldavie ? », peste un diplomate européen. « M. Plahotniuc est la personne qui gouverne de facto le pays, explique au contraire un expert en politique internationale au sein d'un institut de recherche sur la sécurité en Europe, qui préfère garder l'anonymat. Vu le contexte avec la Russie, personne n'a intérêt à ce qu'il y ait des problèmes en Moldavie. M. Plahotniuc peut sous certains aspects apparaître comme un élément de stabilité dans la région. »
Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Ion, 67 ans, retraité et gardien de parking. 200 euros mensuels. « J'ai la chance d'avoir ma propre maison, que j'ai construite à l'époque soviétique. Aujourd'hui, c'est plus dur et les prix ne cessent d'augmenter. » Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Ana (pseudonyme), 50 ans, médecin. Environ 600 euros mensuels, dont un tiers de pots-de-vin. « Si mes patients ne me donnent rien, je ne les soigne pas. Je suis corrompue, j'en ai honte, mais je n'ai pas le choix : c'est ainsi que fonctionne la société moldave... »En 2011, le vice-président américain Joe Biden, en visite à Chișinău, présentait le parcours de son pays hôte comme une success story de l'Europe. L'expression, largement reprise par la suite, ternit désormais l'image d'une Union européenne qui, en signant un accord d'association ou en libéralisant le régime des visas, s'est montrée peu regardante sur les coulisses du pouvoir moldave afin de renforcer son influence et ses alliances dans la région.
Fin 2012 pourtant, la vitrine commençait à se fissurer. Les Moldaves découvraient les termes d'un accord secret entre les partis de l'AIE pour se partager les institutions judiciaires, politiques et financières de l'État. Cet accord illégal a donné lieu à d'intenses luttes de pouvoir. En décembre 2012, alors que le procureur général tente d'étouffer l'enquête sur un décès suspect lors d'une partie de chasse à laquelle lui et plusieurs hauts dignitaires de l'État participaient, le premier ministre Vladimir Filat saisit l'occasion pour écarter du pouvoir son ancien partenaire d'affaires, M. Plahotniuc. Mais il est à son tour mis en cause dans la privatisation de la Caisse d'épargne moldave (BEM), l'un des établissements affectés par le « casse du siècle ». En juin dernier, il a été condamné à huit ans de prison dans cette affaire. « À partir du moment où M. Filat a été chassé de la scène, nous avons vraiment pris conscience que c'était une guerre entre oligarques », confie un diplomate occidental.
Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Sergiu, 41 ans, ouvrier en Russie. De passage en Moldavie, il retape l'appartement de son frère. Entre 500 et 1 000 euros mensuels, parfois rien. « Ce que je pense de mon pays ? Je ne sais même pas comment le formuler. » Pablo Chignard. — série « En Moldavie “comme sur un volcan” », septembre-octobre 2015 Larisa, 59 ans, retraitée. 100 euros mensuels plus du travail au noir. « J'ai travaillé vingt-cinq ans comme ingénieure. Mon mari dirigeait un kolkhoze, il était communiste, pas moi. »Du côté des chancelleries de l'Union européenne, on enrage parce que ces scandales éclaboussent un gouvernement pro-occidental. Prompts à présenter le partenariat avec l'Union comme un marchepied vers l'État de droit, les Occidentaux sont pris en défaut et redoutent un soulèvement à l'image de celui qu'a connu l'Ukraine, mais avec des conséquences géopolitiques inverses. En dépit d'alertes multiples, les institutions européennes n'ont suspendu les financements qu'après la révélation du « casse du siècle ». Dans un pays comme la Moldavie, dont le quart du budget peut dépendre de subventions extérieures (4), ce genre de pression aurait pu avoir un impact. « Nous avons espéré que l'Union européenne arriverait à discipliner ces hommes d'affaires passés à la politique en les attaquant au porte-monnaie, explique Valentin Lozovanu, chercheur en économie politique au sein de l'Institut pour le développement et les initiatives sociales. Mais, quand un gouvernement n'est responsable que face à des financeurs extérieurs — et pas devant ses citoyens — et qu'en plus il n'est ni sanctionné ni critiqué par les premiers, c'est tout le fonctionnement démocratique qui est fragilisé. »
La tentation de trouver des ennemis extérieursPour autant, les positionnements géopolitiques vont sûrement rester prédominants dans la bataille politique qui s'annonce en Moldavie. « Comme les politiciens n'ont pas de réel programme, il est toujours plus facile pour eux de se trouver des ennemis extérieurs qui menacent l'État », explique Arcadie Barbăroşie, analyste au sein de l'Institut des politiques publiques à Chișinău. En 2014, lors des dernières élections législatives, l'AIE est allée jusqu'à brandir la menace du retour des tanks russes afin d'empêcher la victoire de ses adversaires, donnés favoris (5).
Le « casse du siècle » a éveillé chez les manifestants de cet hiver la conscience d'une citoyenneté qui prendrait le pas sur la langue ou le groupe ethnique. Mais, à l'approche des élections, cette aspiration peine à trouver un débouché politique, surtout que la sphère médiatique est elle-même organisée en deux pôles : les succursales locales des chaînes russes et les canaux pro-européens. Aucun homme politique n'a intérêt à réformer le système oligarchique. « Le problème, ce n'est pas réellement Plahotniuc, c'est l'État moldave, estime Petru Negură, sociologue et cofondateur de Platzforma.md, un site de critique sociale. La vulnérabilité de l'État l'a conduit à devenir ce qu'il est. Même si un jour cet oligarque disparaissait, il serait remplacé par un autre, et cela ne changerait strictement rien à la situation du pays. »
Les photographies, extraites d'« En Moldavie “comme sur un volcan” », ont été réalisées par Pablo Chignard en septembre et octobre 2015. Iconographie : Lætitia Guillemin
(1) Lire Jens Malling, « De la Transnistrie au Donbass, l'histoire bégaie », Le Monde diplomatique, mars 2015.
(2) Cf. Matei Cazacu et Nicolas Trifon, La République de Moldavie. Un État en quête de nation, Non Lieu, Paris, 2010.
(3) Lire Guy-Pierre Chomette, « La Moldavie repoussée vers l'Est », Le Monde diplomatique, janvier 2002.
(4) Les subventions extérieures représentaient 13,3 % du budget national moldave en 2013, et 27 % en 2014. Cf. Valentin Lozovanu, « Potențialul asistenței externe : mai poate mecanismul de condiționare promova reformele în Republica Moldova ? », IDIS Viitorul, no 4, Chișinău, juin 2016.
(5) Cf. Vincent Henry, « La Moldavie, un peuple en otage » (PDF), Les Notes de l'IRIS, Paris, avril 2016.
“That men do not learn very much from the lessons of history is the most important of all the lesson of history.” Aldous Huxley
The Islamic world, more specifically the Middle East, is suffering from political vertigo—a state of profound disorientation. With raging wars, crumbling economies, collapsing states, and the spreading of violent extremism, the Middle East has a new normal with an unprecedented danger of multifaceted nature. The most dangerous—and arguably the least understood—is the Sunni-Shia divide.
In recent years, toxic polemics disseminated mainly by scheming politicians, ultra-conservative clerics loyal to Saudi Arabia and Iran made the dreaded full-blown Sunni-Shia civil war across the Muslim world a matter of time. And while the situation is very volatile in countries such as Lebanon, Bahrain, Kuwait, Saudi Arabia (and nuclear Pakistan), Iraq, Syria, and Yemen are already burning.
Hegemonic CompetitionShortly after the invasion of Iraq, think tanks and pundits of neocon persuasion started to stir the pot on Sunni-Shia sectarianism. But it wasn’t till 2004 after King Abdullah of Jordan (and later Hosni Mubarak of Egypt) pushed the strategically manufactured threat that the Iran-led “Shia crescent” is hell bent to take over the Sunni world found traction. The Crescenters have become the conduits of a self-fulfilling prophecy.
The Sunni-Shia schism has intensified due to the Shia crescent paranoia that eclipsed the broad-based uprising against repression, regional power politics, and global geopolitical rivalries.
Ever since Abdel-Fattah el-Sisi overthrew a democratically elected government and ultimately turned Egypt into the standard-bearer of oppression and economic nightmare, Middle East political power vacuum was inevitable. And since Turkey has been in the fringes of Middle East politics, that cleared the space for either Saudi Arabia or Iran to step up to the role; hence the Saudi Iranian cold war.
When nations are suspicious of each other they overreact in gauging the other’s intention and objective. So, they demonize one another and eventually allow the situation to escalate beyond their control.
Political Capital of SectarianismThere is not a single verse in the Qur’an that unequivocally highlights how political power should be attained. The sectarian divide between Sunnis and Shi’is is a political divide that started upon the death of Prophet Muhammad since he has not left specifics on who should succeed him in leading the Ummah or the Muslim nation and how that individual might be deposed.
The Sunnis contend it is based on individual’s piety and the consensus of the ummah. The Shia on the other hand believe in a doctrine of Divinely ordained succession. Leading the ummah is an exclusive privilege reserved for the noble offspring of Prophet Muhammad.
Contrary to the Sunni who reject the concept of collective piety, the Shia consider the offspring of the Prophet beyond pious. They are considered infallibles and as such are granted the authority to interpret God’s message—in the Shia tradition it is the Qur’an and the moral authority of the Prophet’s direct lineage—and the custodians of Imam-ship or moral leadership.
The Logic of RancorProphet Muhammad taught one brand of Islam or to “hold on tight to the rope of Allah” and to not cause division. Prophet Muhammad unified all false deities being worshiped by polytheists into one God and unified the faithful to become part of one ummah.
Nowadays Muslims are divided by sectarian identities—Sunnis, Shi’is, Sufis, etc. or by schools of thought or theology as in Malikis, Hanafis, Shafi’is, Hanbalis, Ja’faris, etc. The Prophet was neither Sunni nor Shi’i. He was not a hyphenated faithful; he was simply a Muslim.
Based on Pew world demographic trend, by 2050 the world population is likely to grow to 9 billion people. One third of that is projected to be Muslims. With growing trend of Sunni-Shia divide, social unrests, foreign interventions, civil wars, and extremism, the future does not look bleak; it looks horrific.
In their own special ways, both Iran and Saudi Arabia became incubators of intra-Muslim hate narratives. Anyone who listens to the hate narrative of one side would think the other is a belligerent paganist.
Over the years while there were periods of bloodshed, Muslims of Sunni and Shia sects have coexisted, intermarried, and even shared political power much more than sectarian Muslims like to acknowledge. Today, takfiris on both sides are quick to declare each other apostates.
In order to break the current trend a few things must happen. Independent-minded Muslims willing to reach across the sectarian divide must start empathetic discourse. And it is much easier for Muslims in the diaspora to spearhead such effort since they are already compelled into interdependence for civil rights representation, sharing mosques and places of worship to name a few.
Intellectual and religious scholars and sermon-givers (khateebs), especially among Sunnis, must earnestly talk about the battle of Karbala, what took place and who was to blame. After all, the massacre that took place and Imam al-Hussein’s wrongful killing is not merely a Shia tragedy; it is an Islamic tragedy and arguably the darkest moment in the Islamic history. Regardless of one’s faith, we as human-beings are hardwired to seek the truth. It is the Divine will that inspires the hearts, unless that inner truth-seeking light is deliberately blocked.
Iran and Saudi Arabia should negotiate a strategic collaboration to put out sporadically blazing fires across the region. Though both would not have any problem understanding how that is in its nation’s best interest, neither one is likely to reach out to the other. Here is where Turkey should take the lead. It can play a significant role in pulling the two sides together by appointing a seasoned representative for this critical diplomatic initiative. Iran is Turkey’s second trading partner.
Poisonous political rivalry that proclaims the other a perpetual enemy must be stopped. And each should suspend its support of proxy wars, armed militias, etc.
All three—Iran, Saudi Arabia, and Turkey—have strategic interest in solving the bloody conundrum that is the Syrian Civil War and help prevent the next genocide. However, this would require leaders that are not handicapped by sectarian mentality and strategic myopia.
Economic and political marginalization of Shia minority communities in Sunni dominated countries is perhaps the oldest dirty secret in Islamic history. It is the repression that most politicians, religious scholars and intellectuals opted to ignore or worse remain apathetic to. And this proves profound moral inconsistency. As a ‘Sunni Muslim’ I confess this with sense of profound shame. We must change our attitude before it is too late.
Criticizing Sunnis who would condemn oppression in Syria and turn a blind eye to the oppression in Bahrain, and the Shi’is who would condemn oppression in Bahrain and ignore the one in Syria, Mehdi Hassan made this appeal: “Our concern, our empathy, our compassion has to be universal. It cannot be selective. It cannot be self-serving”.
It is incumbent upon each Muslim to question the political and strategic judgment of Saudi Arabia and Iran, neither which is ordained by God. Whose interest are they really guarding, and whose ‘religion’ are they really preserving?
I am afraid the seeds of hate that both countries have sown and the hostile environment that they have cultivated will find its way into Saudi Arabia and Iran. The current trajectory will only benefit war profiteers and extremists. So, it is existentially critical to raise a new generation of Sunni and Shia who could think beyond their biases and love beyond their differences.
The post Sunni-Shia, or Saudi-Iran Discord? appeared first on Foreign Policy Blogs.
Pour continuer à célébrer le 80e anniversaire de Politique étrangère, nous restons cette semaine à l’heure américaine et vous proposons de découvrir un autre texte marquant de la revue : l’article de Henry Kissinger, « L’évolution de la doctrine stratégique aux États-Unis », publié dans le numéro de printemps 1962 (n°2/1962).
Henry Kissinger a été conseiller pour la sécurité nationale des États-Unis et Secrétaire d’État dans les administrations Nixon et Ford. Il a obtenu le prix Nobel de la paix en 1973 pour son rôle dans la négociation d’un armistice dans la guerre du Vietnam. En 1962, date de parution de son article dans Politique étrangère, Kissinger dirige les études de Défense à l’université Harvard.« Depuis que je suis à Paris, après cinq semaines passées en Orient, j’ai eu de nombreuses conversations avec des amis français et je dois avouer que je suis frappé par l’étendue du désaccord et de l’incompréhension qui se sont développés entre nos deux pays. Je ne prétends pas fixer les responsabilités de cet état de choses. Je crois cependant qu’étant donné le temps que nous vivons, on ne peut concevoir d’avenir pour l’Occident sans la plus étroite collaboration entre les États-Unis et la France. Je ne puis concevoir que l’un ou l’autre de nos deux pays puisse se développer sans l’autre. Je crois que ni l’un ni l’autre de nos deux pays ne pourra éviter la destruction, si l’autre est détruit Je pense que les dangers auxquels nous aurons à faire face ne seront pas seulement le fait de l’Union soviétique ou de la Chine communiste. Je crois qu’au cours des dix ou quinze années qui sont devant nous, toutes les nations occidentales devront tenir compte d’une menace très sérieuse de la part de nouvelles nations, menace qui doit être étudiée avec le plus grand sérieux. Dans ces conditions, nous ne disposons pas de tant de ressources que nous puissions nous permettre de mener entre nous de guerre civile intellectuelle.
Telle est ma conviction personnelle et en conséquence tout ce que je dis doit être interprété comme venant de quelqu’un qui aimerait voir une France forte et la plus étroite relation entre nos deux pays.
Considérons maintenant les problèmes stratégiques qui ont suscité entre nous un certain malentendu. J’exposerai d’abord comment j’interprète la pensée américaine sur l’OTAN et comment la doctrine américaine envisage les divers efforts pour créer des forces nucléaires nationales. La doctrine stratégique américaine et en vérité la situation stratégique à laquelle elle s’appliquait, ont passé par trois ou quatre phases distinctes. La première est la période pendant laquelle les États-Unis possédaient le monopole de l’arme atomique et le monopole des moyens de transport de l’arme. Dans la seconde période, les États-Unis ne possédaient plus le monopole de l’arme nucléaire mais continuaient pratiquement à posséder le monopole des
moyens de transport de l’arme. Dans cette seconde période, les États-Unis auraient probablement pu remporter la victoire dans une guerre générale, soit en frappant les premiers avec les armes nucléaires (first strike), soit en frappant les seconds (second strike). Les forces de représailles des États-Unis étaient techniquement parlant invulnérables alors que les forces de représailles soviétiques étaient techniquement parlant vulnérables. […] »
Pour lire l’article en intégralité, cliquez ici.
Pour vous abonner à Politique étrangère, cliquez ici.
En septembre dernier, « Le Monde diplomatique » publiait un « Manuel d'économie critique » présentant, de façon pédagogique et accessible, son traitement des programmes de première et terminale en sciences économiques et sociales. Depuis longtemps, d'autres s'y intéressent également. Notamment le patronat, qui ne ménage pas ses efforts pour sensibiliser les enseignants aux vertus de l'entreprise.
Johanna Jaeger. — « b/w », 2013 Johanna Jaeger / Schwarz Contemporary, Berlin « Chers collègues, les inscriptions aux Entretiens Enseignants-Entreprises [EEE] sont ouvertes. » Disponible en kiosques jusqu'au 8 décembre et sur notre boutique en ligne.Ce n'est pas tous les jours que les professeurs de sciences économiques et sociales (SES) et de gestion d'Île-de-France reçoivent une missive de leur hiérarchie. Lorsque, en juin 2016, ils découvrent un courriel de leur inspectrice d'académie, ils n'en retardent pas la lecture.
Les EEE « auront lieu les jeudi 25 et vendredi 26 août 2016 sur le thème “L'Europe dans tous ses États : un impératif de réussite !”. (…) Comme vous le constaterez en consultant le programme, des intervenants très variés participeront aux échanges, qui promettent d'être de haute tenue ».
Aux côtés de M. Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, on entendrait notamment Mme Élisabeth Guigou, présidente socialiste de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, ainsi que MM. Hubert Védrine, ancien ministre socialiste des affaires étrangères et membre du Conseil d'État, Pascal Lamy, ancien commissaire européen au commerce, cinquième directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et Denis Kessler, président-directeur général (PDG) du groupe de réassurance Scor, ancien vice-président du Mouvement des entreprises de France (Medef).
Qui avait pu rassembler un tel aréopage ? Selon le courriel de l'inspectrice, la rencontre avait été « organisée, préparée et animée par une équipe de professeurs de SES, d'histoire-géographie et d'économie-gestion ». En réalité, les EEE ont été créés en 2003 par l'Institut de l'entreprise, un think tank réunissant certaines des plus grandes sociétés françaises, dont le site Internet proclame la mission : « mettre en avant le rôle et l'utilité de l'entreprise dans la vie économique et sociale ». Le courriel de l'inspection précisait néanmoins que cette université d'été s'inscrivait dans le « plan national de formation » que le ministère de l'éducation nationale réserve à ses personnels. Autrement dit, les rencontres seraient en grande partie financées par l'État, qui prendrait en charge les frais d'inscription et de transport (à hauteur de 130 euros) ainsi que l'hébergement en pension complète des participants.
« Slow dating » avec des DRHL'inspection académique de Versailles avait mis en ligne un diaporama (1) présentant l'événement comme « le rendez-vous d'été pour préparer sa rentrée ». En guise d'illustration, la photographie d'un amphithéâtre bondé — image dont nous allions découvrir qu'elle exagérait quelque peu l'intérêt des enseignants pour ce type de rencontres. Au menu, des intervenants « très enthousiasmants » et un « “slow dating” avec des DRH », c'est-à-dire la possibilité d'échanger avec des directeurs des ressources humaines de grandes sociétés comme on rencontre des partenaires amoureux potentiels lors d'une séance de speed dating — mais en prenant tout son temps. Comment résister ?
Quand, le jour J, nous pénétrons enfin dans l'immense amphithéâtre rouge de l'École polytechnique, c'est la déception : nous sommes à peine trois cents dans cette salle capable d'accueillir mille personnes. La perspective d'un week-end tous frais payés à côtoyer la crème de la crème du patronat français n'a visiblement pas fasciné les enseignants.
Côté invités, en revanche, tout le monde a répondu présent. Outre les têtes d'affiche annoncées, une dizaine de grands dirigeants de sociétés du CAC 40, une demi-douzaine de DRH d'entreprises prestigieuses (Mazars, Veolia, Orange, Sanofi, Capgemini, etc.), ainsi que plusieurs hauts fonctionnaires en poste, dont certains issus de la Commission européenne, également partenaire des EEE. Un seul syndicaliste : M. Yvan Ricordeau, membre du bureau national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).
M. Xavier Huillard, président de l'Institut de l'entreprise et PDG de Vinci, introduit la rencontre. Séduit par le « modèle américain », il se félicite des efforts de la France pour s'en approcher, notamment à travers « le resserrement des liens entre le monde enseignant et l'entreprise », une évolution qui produira « le meilleur pour la France ». À condition que chacun y travaille. Comment ? En défendant le « projet européen ». M. Huillard invite les enseignants à s'engager : « Votre rôle dans cette lutte urgente contre l'euroscepticisme est très important : faire en sorte que ces jeunes générations en attente d'Europe ne finissent pas par basculer dans la désillusion. » Mais les enseignants ne seront pas seuls : « En complément de votre action, l'entreprise a une contribution majeure à apporter pour défendre et illustrer les bienfaits de l'Europe, qui n'est pas seulement un projet économique, mais bel et bien un projet politique, un projet de société. » Lequel ? Il faudra le déduire des mérites de Bruxelles célébrés à la tribune. Ainsi, son intervention auprès de la Grèce aurait, selon le directeur du Trésor à la Commission, M. Benjamin Angel, démontré la capacité de l'Union à la « solidarité » (2).
Les organisateurs invitent alors à la tribune M. Jean-Marc Huart. Comment le « chef du service de l'instruction publique et de l'action pédagogique au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche » va-t-il réagir aux propos d'un chef d'entreprise qui vient de fixer la feuille de route des enseignants de SES et de gestion ? Sans le moindre accroc. Mieux : le fonctionnaire se félicite du partenariat « quotidien » liant son ministère à l'Institut de l'entreprise.
Prix du manager public de l'année en 1992, M. Huart confie d'abord un « vrai plaisir personnel » à participer à ces journées. Puis il enfile sa casquette officielle : « Je tiens, au nom de la direction de l'éducation nationale, au nom de la ministre, à saluer la solidité de cette collaboration. » Le lien avec l'entreprise, affirme-t-il, « est une priorité du ministère », car « l'école ne peut rien faire sans les entreprises ».
Soucieux de ne pas présenter aux enseignants le seul point de vue des organisations patronales sur l'entreprise, le ministère avait-il cherché à compléter ce discours par le biais d'autres partenariats, avec des syndicats, par exemple ? Pour en savoir plus, nous contactons M. Huart. La question le surprend un peu : « Alors… Par exemple… Alors… On a, avec le monde économique, un certain nombre d'autres partenariats. Par exemple, la Semaine école-entreprise. » Partenariat avec un syndicat ? Non, « avec le Medef ». « On a également un partenariat avec l'Esper, qui représente l'économie sociale et solidaire. » Oui, mais un syndicat ? « On n'a pas de partenariat spécifique avec la CGT [Confédération générale du travail] ou avec la CFDT comme on en a avec le monde patronal, concède le haut fonctionnaire. Mais les syndicats ne sont absolument pas absents. » Comment sont-ils présents ? « À travers la gestion paritaire des organismes de pilotage des branches professionnelles. » Sur un plateau de la balance, un haut fonctionnaire, membre enthousiaste du comité de pilotage des EEE ; sur l'autre, le fonctionnement routinier des structures chargées de la formation professionnelle.
Ce « deux poids, deux mesures » agace depuis longtemps les organisations de salariés. « De notre côté, on a droit à une heure de formation syndicale par mois, nous explique Mme Mathilde Hibert, du syndicat SUD Éducation. Et quand on se plaint de la façon dont l'école fait les yeux doux aux patrons, on s'entend répondre : “Il faut bien préparer les enfants au monde de l'entreprise ! Vous, vous ne créez que des chômeurs”, comme nous l'a répliqué l'ancien directeur de l'académie de Paris, Claude Michelet, il y a deux ans. »
« L'école ne peut rien faire sans les entreprises » ? Les entreprises semblent convaincues de la réciproque. Interventions répétées sur le contenu des programmes, lobbying à l'Assemblée : elles ne ménagent aucun effort pour tenter de séduire le corps enseignant. Problème : celui-ci demeure conscient de sa responsabilité politique et jaloux de son indépendance. Ainsi, l'Association des professeurs de sciences économiques et sociales (Apses) dénonce la transformation du ministère de l'éducation nationale en « relais de la propagande d'un lobby patronal (3) ». La solution imaginée par l'Institut de l'entreprise ? Redoubler de sollicitude.
Serveurs en livrée, entrecôtes obèses, petits-fours, desserts exquis : les repas de l'EEE sont à la hauteur des goûts les plus exigeants. Après de longues heures à écouter des propos un peu monotones de la part d'intervenants aussi prompts à exalter la créativité et l'innovation, l'entrain renaît.
En déambulant dans le hall, on découvre les stands d'organisations comme Entreprendre pour apprendre (EPA), qui aide les enseignants à créer des minientreprises « porteuses de projets » avec un comité de direction constitué d'élèves. On nous explique que la démarche ne se limite pas à distiller l'esprit d'entreprise dans les établissements scolaires : elle dynamise la classe, motive les élèves, les prépare au marché du travail et offre un moyen de lutter contre l'échec scolaire. Rien ne suggère que l'enthousiasme est feint.
Seule fausse note : l'absence de dernière minute de Mme Najat Vallaud-Belkacem, pour cause d'« incompatibilité d'emploi du temps ». La décision de la ministre de l'éducation de rendre optionnel l'enseignement de la « loi » de l'offre et de la demande (4) en classe de seconde venait de provoquer l'ire du Medef. « Ce projet d'appauvrissement du programme contredit totalement le discours louable de la ministre en faveur d'un rapprochement de l'école et de l'entreprise, s'était indignée l'organisation patronale. Tout doit être fait au contraire pour insuffler l'esprit et le goût d'entreprendre le plus tôt possible (5). » La ministre aurait-elle préféré ne pas rencontrer ses détracteurs ?
De retour dans l'amphithéâtre, on retrouve la préoccupation des intervenants pour l'Europe. Une Europe menacée par « la recrudescence de la menace terroriste, la montée des populismes et des discours protectionnistes », selon M. Huillard, qui met tous ces « dangers » sur un pied d'égalité. « L'euro a tenu cinq promesses sur six », clame néanmoins M. Philippe Trainar, chef économiste chez Scor et ancien conseiller de M. Édouard Balladur. Son unique échec ? L'Europe politique. Car le Vieux Continent souffrirait d'un excès de démocratie. L'eurodéputée Sylvie Goulard s'en amuse : « Il n'est pas possible que les Parlements nationaux verrouillent toutes les décisions ! Que fait la Commission ? Shame on you [honte à vous] ! », lance-t-elle aux représentants de l'institution présents dans la salle, avant de leur décocher un sourire malicieux. « On se tire une balle dans le pied à estimer que tout doit être validé par les Parlements nationaux ! Vous, les profs, vous savez que c'est difficile de convaincre (…), parce qu'à un moment il faut vendre quelque chose de difficile. Vous imaginez si vous deviez organiser vos interros sur le même principe ? “Ah non, madame, on ne fait pas d'interro, on décide de manière participative !” Je pense bien sûr que les politiques doivent écouter les gens ; mais, à un moment donné, il y a un effort à faire. »
Le salaire minimum, « une absurdité »« Faire un effort » ? Agnès Bénassy-Quéré, membre du Cercle des économistes et présidente déléguée du Conseil d'analyse économique, y invite également la France, en lui suggérant de supprimer le salaire minimum, « une absurdité en Europe ». Enhardie par la présence de M. Peter Hartz, artisan d'une dérégulation du marché du travail en Allemagne à travers une série de lois qui portent son nom, l'ancienne ministre du commerce extérieur des Pays-Bas — et présidente de la branche française de l'institution financière ING — Karien Van Gennip renchérit : « Faites les réformes en France, s'il vous plaît ! » Tonnerre d'applaudissements à la tribune… et dans la salle.
Les enseignants n'auront pas voix au chapitre. Ceux qui participent jouent le rôle peu gratifiant de présentateurs cantonnés aux introductions générales et aux résumés de biographies. Les intervenants ne cherchent même pas à dissimuler leur proximité : le tutoiement semble de mise, les prénoms connus de tous. M. Pascal Lamy confesse : « Pour une fois, je suis d'accord avec Hubert [Védrine], que j'ai trouvé étonnamment optimiste par rapport aux débats que nous avons régulièrement, en toute amitié bien entendu. » Le ton est tour à tour taquin et flagorneur, léger et complice. Les désaccords ne portent que sur des nuances, dans un camaïeu dont nul ne vient gâter l'harmonie.
Président de la Fédération française de l'assurance et du pôle International et Europe du Medef, M. Bernard Spitz enfonce le clou en invitant les professeurs « à remettre l'entreprise au centre », non seulement « en ce qui concerne le contenu des programmes », mais également pour le « financement ». « La volonté première de ces rencontres, c'est la transposition au sein des classes du vaste travail réalisé ici en lien avec les entreprises », conclut de son côté M. Huart. Qui ajoute : « Vous avez aussi un rôle de transmission des documents auprès de vos collègues ! »
De retour dans leurs lycées, des professeurs parisiens reçoivent un nouveau courriel de leur inspectrice : « Chère ou cher collègue, une journée nationale “Enseignants de SES en entreprise” est organisée le 19 octobre dans le cadre du partenariat entre le ministère de l'éducation nationale et l'Institut de l'entreprise. (…) Pour participer à cette journée, je vous remercie de m'indiquer par retour de mel la ou les entreprises dans laquelle ou lesquelles vous souhaiteriez vous rendre. Le nombre de places est limité. »
(1) « Entretiens Enseignants-Entreprises 2016 », www.creg.ac-versailles.fr
(2) Lire Yanis Varoufakis, « Leur seul objectif était de nous humilier », Le Monde diplomatique, août 2015.
(3) Communiqué de l'Apses, 1er septembre 2015.
(4) Pour une critique de ladite « loi », lire le Manuel d'économie critique du Monde diplomatique, 2016, en kiosques.
(5) « Programme d'économie de seconde : halte à la braderie ! », communiqué du Medef, 30 juin 2016.
(REUTERS/Gleb Garanich)
Former Georgian President Mikheil Saakashvili has resigned as governor of Ukraine’s Black Sea region of Odessa last Monday. The decision may symbolize the increasingly anti-reformist environment in Ukraine and the likely failure of promises spearheaded during the 2014 Euromaidan.
In his resignation speech, Saakashvili unabashedly accused the acting President Petro Poroshenko of backing criminal clans in Odessa and across the entire country. He also made shocking parallels by highlighting similarities between Poroshenko and former president Viktor Yanukovich, as he stated both are equally corrupt and “rob the country”. He went further and accused Poroshenko in dishonesty and sabotaging reforms in Odessa.
Saakashvili has also stated that “the last straw that broke patience” were income declarations of Ukrainian officials that were made public last week. The declarations pinpointed to large income discrepancies among major governmental officials and allegedly highlighted possible involvement in various corrupt schemes.
His claims were not groundless as Poroshenko’s declaration depicted him one of the richest man in the country along with closest political allies. Shockingly, many wealthy Ukrainian officials with millions of dollars in declarations are still seeking for social benefits from the Ukrainian state and the West for financial assistance.
The resignation speech and loud accusations came as no surprise to many reformists in Ukraine. Saakashvili has been constantly accusing the Kiev’s leadership in corruption and lack of commitment to serious reforms in the country during his ruling as a governor.
His efforts and those of the team of public affairs professionals that he brought all the way from Georgia, as well as Western educated Ukrainian and Russian nationals, were not sufficient to carry out successful reforms in Odessa.
The failure is not an isolated case but a tendency. Earlier this year Aivaras Abromavicius, the Lithuanian-born former minister of economy of Ukraine, also resigned from his position while accused the Ukrainian central leadership in corruption.
The anti-reformist sentiments have been on the rise throughout the year with central authorities posing the most of obstacles. Attacks on anti-corruptions activists are now happening with a threatening regularity. Furthermore, Saakashvili’s well-known outspokenness could have made him a target for many loyal to Poroshenko politicians who resists the course of changes.
Despite pledging for reforms and the European future made during the 2014 Euromaidan, the current reforms’ trend is going backward. The Ukrainian central authorities appear as the force unwilling to undertake serious and sweeping structural reforms. As they might affect special business and power interests or those of clans and power groups that they represent.
In effect, structural mismanagement and cronyism still dominate the country’s political system with Saakashvili’s resignation meaning that things are not going to improve at any time soon.
The country’s population still dwells in deep poverty, whereas, sufficient economic growth looms somewhere beyond horizon.
Saakashvili has realized that despite Western-backed revolution and unilateral support from all Western leaders, changing situation in Ukraine takes more steps than simply acknowledging the necessity. Overall, transforming situation in Ukraine appears as a much harder task than it was in Georgia during his reign.
Criminal clans are deeply connected with the local authorities. Thus, there is no real separation between businesses and government. Furthermore, the political structure is still heavily centralized and even governor’s chair is not enough to successfully utilize the reform’s path.
However, Saakashvili is not prepared to give up. His reforms in Georgia elevated the country’s key sectors to the completely new level and were remarkably successful. By depicting his resignation as a personal defeat by ‘black’ forces in Kiev he is hoping to continue struggle against the central authorities by joining ranks of the political opposition.
Overall, the resignation is a warning sign for Poroshenko who is still trying to project his country as moving away from troubled past and embrace the European future. As reforms are gradually dying out and key-reformists keep resigning or disappearing, it becomes clear that the Euromaidan fell short of its promises but rather replaced one oligarch with another.
The post What Saakashvili’s Resignation Means for Ukraine’s Future? appeared first on Foreign Policy Blogs.
Il n'y aura pas de femme à la tête de la Maison Blanche mais les Américaines auront toujours Woody Allen et le féminisme radical. Révéler les étranges affaires d'Areva en Afrique ; diagnostiquer la mutation de la social-démocratie européenne en social-libéralisme, jusqu'au crépuscule de l'« extrême centre » ; analyser la stratégie militaire de la Russie en Syrie, où les grandes puissances se livrent des guerres par procuration… Sélection d'archives en rapport avec le numéro du mois.
Selon une analyse fort répandue, l'assassinat de l'héritier du trône d'Autriche-Hongrie, le 28 juin 1914, aurait, en déclenchant un « domino d'alliances », provoqué la première guerre mondiale. Cette lecture occulte les causes véritables du conflit, en particulier la logique mortifère des rivalités impériales.
La première guerre, vraiment mondiale ?La première guerre mondiale a-t-elle vraiment été « provoquée » par l'attentat de Sarajevo qui coûta la vie à l'archiduc héritier, François-Ferdinand d'Autriche-Hongrie, et à son épouse le 28 juin 1914 ? Les combats ont-ils véritablement débuté en Belgique et en Lorraine ? Cette chronologie, centrée sur les événements européens, est la plus répandue, mais elle oublie tout un pan de l'histoire du conflit, amputant l'analyse de ses causes.
Le 5 août 1914, un accrochage éclate à la frontière de l'Ouganda, colonie britannique, et de l'Afrique orientale allemande (Schutzgebiet Deutsch-Ostafrika). Le 8 août, des navires britanniques bombardent Dar es-Salaam, le centre administratif de cette colonie allemande qui s'étend sur les territoires actuels du Burundi, du Rwanda et d'une partie de la Tanzanie. Les semaines suivantes, les combats se généralisent pour le contrôle du lac Kivu.
Illustration d'un épisode du début de la guerre de 14-18 Les Autrichiens affrontent les Serbes au pied du pont sur la Save qui unit les deux pays (août 1914).Pendant ce temps, en Europe, déclarations de guerre et ordres de mobilisation générale se succèdent (en Russie le 30 juillet ; en France et en Allemagne le 1er août). Le 4 août, l'Allemagne envahit la Belgique et le Luxembourg. Quatre jours plus tard, la France lance une percée en Lorraine allemande. Mais les lignes françaises sont vite enfoncées et l'offensive fait long feu. Sur le front de l'Est, l'Allemagne accumule également les succès contre la Russie. En revanche, la Serbie résiste : le 23 août, elle parvient à stopper les troupes austro-hongroises à la bataille du Cer.
Ainsi, en quelques semaines, le « domino infernale » des alliances précipite l'entrée en guerre des belligérants : d'un côté, la France, le Royaume-Uni et la Russie (Triple-Entente) avec leurs alliés serbe et belge, puis japonais, roumain et grec ; de l'autre, la Triple-Alliance (ou « Triplice ») qui réunit initialement l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et le royaume d'Italie. Mais ce dernier se rallie à la neutralité dès septembre 1914, avant de passer dans le camp adverse en avril 1915, tandis que les empires centraux reçoivent en octobre 1914 le soutien de l'Empire ottoman.
Des milliers de combattants africains ou indochinois des troupes coloniales meurent pour le contrôle des Balkans...Ce jeu d'alliances correspond à de puissantes logiques d'intérêts. Les rivalités coloniales représentent l'un des principaux motifs de tension entre d'un côté la France et le Royaume-Uni (tous deux à la tête d'un vaste empire) et de l'autre l'Allemagne, qui s'estime lésée dans ce partage impérialiste du monde. Déjà implanté en Afrique orientale, au Cameroun et en Tanzanie, Berlin lorgne sur l'Afrique du Nord et le centre du continent.
Le sort de l'Empire ottoman, présenté depuis plusieurs décennies comme « l'homme malade de l'Europe », constitue l'autre grande inconnue. A la suite des guerres balkaniques (1912-1913), les possessions ottomanes en Europe sont partagées entre la Bulgarie, la Grèce, le Monténégro, la Roumanie et la Serbie.
Mais l'avenir des immenses territoires contrôlés par l'empire en Anatolie et au Proche-Orient attise toutes les convoitises. Au-delà de sa dimension symbolique, le coup de feu de Sarajevo rappelle que l'Autriche-Hongrie, la Russie mais aussi la France et l'Italie cherchent à renforcer leurs sphères d'influence respectives dans les Balkans.
Pourtant ces rivalités entre Etats n'expliquent pas tout, car le déclenchement de la guerre répond aussi à des logiques sociales internes à chaque nation. Aux yeux des classes dirigeantes notamment – aristocratiques et terriennes dans les empires centraux, bourgeoises et industrielles, commerciales ou financières en France et au Royaume-Uni –, l'idéologie impérialiste et le nationalisme sont des ciments permettant de ressouder une unité sociale fissurée par les progrès de la démocratie et du socialisme.
Cimetières en macédoineLes manuels scolaires ont renoncé, tant en France qu'en Allemagne, au ton vengeur et belliqueux des années 1920, attribuant à « l'autre camp » toutes les responsabilités du déclenchement de la guerre. Mais ils continuent à observer cette guerre « mondiale » avec des lunettes d'Europe de l'Ouest. Dans les immenses cimetières français du front d'Orient, à Bitola (Macédoine) ou Salonique (Grèce), près de la moitié des tombes sont pourtant celles de combattants africains ou indochinois des troupes coloniales, tombés pour le contrôle des Balkans…
Manuels scolairesQui est responsable de la guerre ? Dans les années 1920, la France et l'Allemagne se rejettent la faute, et chacune impose sa position officielle dans les manuels scolaires.
• Vu de France (1922). Tandis que les puissances de la Triple-Entente ne visaient qu'à maintenir la paix et l'équilibre européens, l'Allemagne sous Guillaume II poursuivait une politique d'hégémonie qui menait à la guerre (…). Grisée par ses succès militaires et économiques, l'Allemagne avait en effet, plus qu'aucun autre peuple, une mentalité impérialiste et belliqueuse. Cette mentalité allemande, faite de convoitises, d'orgueil, d'un immense appétit de domination joint au culte de la force brutale, telle est, en dernière analyse, la cause principale de la guerre.
• Vu d'Allemagne (1929). Les hommes d'Etat ennemis maniaient le jeu diplomatique de manière habile, de sorte à induire l'Allemagne dans l'erreur consistant à déclarer la première, du fait de sa situation de contrainte, la guerre à la France et à la Russie. Ainsi, les obligations d'alliance réciproques devinrent formellement valables du côté de l'Entente. Et les peuples des Etats ennemis eurent l'impression que l'Allemagne avait été l'agresseur, alors qu'elle fut en réalité l'agressée.
À l’occasion de la date-anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918, n’hésitez pas à relire le numéro spécial de Politique étrangère publié en 2014 pour le centenaire de la Grande Guerre : « 1914-2014. La Grande Guerre et le monde de demain » (Politique étrangère, n°1/2014).
« Nous avons vécu avec elle 100 ans durant. Qu’en faire maintenant ? La Première Guerre mondiale a créé son siècle, et elle nous parle toujours : de ce que nous sommes, de ce que nous serons.
Fondatrice d’un siècle : l’affaire est claire. Le débat sur les causes de la guerre reste ouvert aux polémiques et les publications récentes n’échappent pas au choc des arguments : facteurs politiques internes, dialectiques des alliances et des appareils militaires, affrontements de géopolitiques organicistes voyant la vie des États comme expansion de puissance continue, etc. Mais l’analyse de la mécanique du passage de la paix au conflit armé est vite dépassé. Le premier conflit industriel et total du champ international a modelé notre vision de la guerre, de la mobilisation intégrale des sociétés, de la dynamique technique au service de la guerre. Il a crée un « système de guerre » nouveau, des formes opérationnelles et tactiques, des appareils armés qui fonctionnent jusqu’à nos jours. Il a ouvert une réflexion de long terme sur les rapports entre le politique et le militaire, non seulement en termes d’autorité, mais dans la définition même de la stratégie : est-elle manière de gagner la guerre ou de gérer un affrontement global – politique – qui la dépasse de beaucoup ? […] »
Lisez la suite de l’éditorial de ce numéro spécial en cliquant ici, et découvrez également en libre accès les articles de Jean-Pierre Chevènement, « La place de l’Europe dans le monde : d’hier à demain », et de Dorothée Schmid, « Turquie : le syndrome de Sèvres, ou la guerre qui n’en finit pas ».