Emmanuel Macron a dû se contenter du minimum, loin, très loin des ambitions affichées lors de son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017 dans lequel il appelait à une « refondation » de l’Europe d’ici à 2024 autour d’une zone euro quasi-fédéral. La « réforme » actée vendredi, par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, se contente, pour l’essentiel, de confirmer la création d’une simple « ligne budgétaire » au montant non déterminé qui sera réservée aux dix-neuf pays membres de la zone euro au sein du budget de l’Union. Un maigre bilan qui s’explique par les réticences allemandes face à toute intégration supplémentaire qui mettrait en péril le « bon argent allemand », pour reprendre l’expression de Peer Steinbrück, l’ancien ministre des finances social-démocrate.
Berlin s’oppose au fédéralisme
Dans son discours de la Sorbonne, le Président de la République a plaidé pour un budget de la zone euro, non pour voler au secours des déficits publics, mais pour investir et disposer de « moyens face aux chocs économiques », car « un État ne peut, seul, faire face à une crise lorsqu’il ne décide pas de sa politique monétaire ». Un budget qui serait abondé par la taxe européenne sur les géants du numérique, la taxe carbone voire une partie de l’impôt sur les sociétés et qui pourrait atteindre plusieurs points du PIB de la zone euro. Il a aussi demandé la création d’un poste de ministre des finances européen (fusion du poste de commissaire aux affaires économiques et monétaires et de celui de président de l’Eurogroupe) chargé de piloter le Pacte de stabilité et la coordination des politiques économiques ainsi que l’instauration d’un contrôle parlementaire de la zone euro.
Il s’est immédiatement heurté à Berlin qui n’a guère envie de se lancer dans une réforme de la zone euro qu’elle domine de la tête et des épaules : son fonctionnement intergouvernemental (c’est-à-dire géré par les États) lui confère, en effet, un droit de véto sur toutes les grandes décisions, un pouvoir qui lui serait retiré en cas de fédéralisation. L’accord de grande coalition de janvier 2018 entre les conservateurs et les socio-démocrates a semblé dégager la voie, puisqu’il reprenait en grande partie ses idées. Mais une fois installés au pouvoir, le SPD n’a pas montré plus d’allant que la CDU.. Il faudra quelques centaines d’heures de négociations pour enfin aboutir, lors du sommet franco-allemand de Meserberg (nord de Berlin) du 19 juin 2018 à un compromis : Berlin accepte certes la création d’un budget de la zone euro d’ici 2021, mais à l’intérieur du budget à 27, ce qui donnera à des pays non membres de la monnaie unique un droit de véto… Même si aucun chiffre n’est avancé, il ne devrait pas dépasser les 100 milliards sur 7 ans, loin des ambitions de Macron, et pourrait servir à financer « l’innovation et le capital humain » et « à financer de nouveaux investissements et venir en substitution des dépenses nationales ». Il pourrait aussi jouer le rôle de « stabilisation macroéconomique », soit par le biais d’une « suspension temporaire de la contribution au budget de la zone euro pour les pays touchés par un choc significatif », soit en alimentant un « fonds européen de stabilisation du chômage » qui ferait des prêts aux systèmes nationaux afin que l’État touché par une augmentation brutale des demandeurs d’emploi ne perde pas ses capacités de manœuvre. Rien, en revanche, sur le ministère des Finances de la zone euro ou le contrôle parlementaire…
Un budget de la zone euro réduit à la portion congrue
Les Vingt-sept ont finalement revu ce compromis à la baisse, à la grande satisfaction de Berlin : cet « instrument budgétaire », qui ne s’appellera pas « budget » pour satisfaire les Pays-Bas, servira seulement à financer les investissements dans l’innovation, la recherche et le capital humain. Le reste, c’est-à-dire sa fonction de stabilisation, est renvoyé à plus tard. Quant à son financement, il demeure mystérieux : la taxe sur les transactions financières (TTF) que Paris et Berlin voulaient lui affecter est toujours dans les limbes et l’Allemagne a réduit à la portion congrue l’impôt sur les géants du numérique (taxation de 3% du chiffre d’affaires des revenus tirés de la publicité et non plus de la vente de données) pour ne pas déplaire à Washington…
De même, le Mécanisme européen de stabilité (MES), doté d’une capacité de prêts de 750 milliards d’euros, continuera à être contrôlé par les États, et surtout les grands États, comme le voulait Berlin. En outre, il sera désormais chargé de préparer avec la Commission les programmes d’austérité que devront respecter les États de la zone euro qui ne pourraient plus se financer sur les marchés. La seule concession obtenue par Paris est que le MES puisse prêter de l’argent à un pays qui a un problème de liquidité (et non de solvabilité) sans exiger en retour une cure d’austérité : en clair, il s’agit des pays qui respectent le Pacte de stabilité, mais qui se heurtent à une méfiance des marchés, par exemple à la suite d’une crise bancaire.
Enfin, et là aussi c’est un progrès, les Dix-neuf ont accepté que le MES joue le rôle de « backstop » (filet de sécurité) ultime dans l’Union bancaire : à partir de 2024, le Conseil de résolution unique (CRU), qui dépend de la Banque centrale européenne, pourra y faire appel en cas de grave crise bancaire, dans la limite de 140 milliards d’euros si l’argent (70 milliards collectées auprès des banques) du Fond de résolution unique est insuffisant. Mais Berlin a bien veillé que l’activation du MES soit conditionné au feu vert de son Parlement (dans les 24 ou les 12 heures selon les cas)… Et elle continue à s’opposer à toute garantie européenne des dépôts.
Bref, comme François Hollande et Nicolas Sarkozy avant lui, Emmanuel Macron doit se contenter des miettes que l’Allemagne veut bien lui laisser…
N.B.: article paru dans Libération du 15 décembre
Photo: AP
His cousin, Natalya Kaplan and lawyer, Dmitriy Dinze represented him during the ceremony in Strasbourg.
Awarding the prize, Parliament'S President Antonio Tajani said, "Oleg Sentsov was nominated for his peaceful protest against the illegal occupation of his native Crimea; also for his courage, determination and his convictions in support of human dignity, democracy, the rule of law and human rights.
The members of the delegation were: Linda McAvan (S&D, UK), Pier Antonio Panzeri (S&D, IT), Anna Maria Corazza Bildt (EPP, SE), Željana Zovko (EPP, HR), Cécile Kyenge (S&D, IT), Elena Valenciano (S&D, ES), Judith Sargentini (Greens/EFA, NL), Laura Ferrara (EFDD, IT), Udo Voigt (NI, DE),
«Le Brexit est un véritable cauchemar», soupire une diplomate d’un pays d’Europe de l’Est. Le sommet européen des chefs d’Etat et de gouvernement- qui se réunit jeudi et vendredi à Bruxelles - va, une fois encore, être préempté, au détriment de sujets importants comme l’avenir de la zone euro ou les migrants, par une question que les Vingt-Sept espéraient avoir réglée fin novembre, avec l’accord de divorce conclu entre les négociateurs des deux rives de la Manche.
«Les Britanniques n’arrivent pas à savoir ce qu’ils veulent et on se demande s’ils vont arriver à quitter l’Union», s’interroge la diplomate. De fait, les interminables convulsions de la classe politique britannique depuis le référendum du 23 juin 2016 amènent à se poser la question. Certes, l’article 50 du traité sur l’UE, introduit par le traité de Lisbonne de 2007, prévoit bien une procédure de sortie, celle-là même qu’utilise Londres. Mais ce qui est juridiquement possible est-il économiquement et même politiquement réalisable ? Le Royaume-Uni est en train de répondre par la négative, au grand dépit de tous les europhobes. En effet, les liens juridiques, économiques, politiques entre un pays et l’Union sont si profonds que les rompre revient à se couper les deux jambes alors que le but affiché est de remporter un 100 mètres.
Après avoir affirmé en septembre 2016 qu’il n’était pas question pour le Royaume-Uni d’adopter un statut à la turque (union douanière), à la suisse (des accords bilatéraux permettant d’avoir accès au marché intérieur secteur par secteur, mais en appliquant les règles communautaires) ou à la norvégienne (accès total au marché intérieur en échange de l’application sans condition des lois européennes), la Première ministre, Theresa May, a dû effectuer une courbe rentrante en prenant conscience des dégâts qu’une rupture totale causerait à son économie, mais aussi au processus de paix nord-irlandais, qui reste fragile. D’où la cote mal taillée de l’accord de divorce qui ne satisfait personne : ni les «brexiters» les plus durs, ni ceux qui voudraient rester dans l’Union.
Aventure suicidaire
Et c’est bien le nœud du problème : en voulant faire trancher par référendum la question européenne qui pourrissait la vie du parti conservateur, David Cameron, l’ancien Premier ministre, a réussi à diviser profondément le peuple britannique en deux parts égales, les brexiters et les «remainers» (ceux qui veulent rester). Autrement dit, la vie politique britannique va, pour longtemps, être empoisonnée par un sujet que le référendum de 2016 était censé régler une fois pour toutes. Pourtant, le précédent de 1975 aurait dû servir d’avertissement. Deux ans après son adhésion, le Royaume-Uni a organisé une consultation pour la confirmer. Bien que le résultat ait été massivement positif, cela n’a rien réglé.
Le Brexit a cependant eu un effet positif. Il a fait prendre conscience à ses partenaires à quel point l’aventure était suicidaire. En effet, il revient à se priver des avantages du marché intérieur et à ne plus pouvoir peser sur le destin de l’Union sans rien en retirer en échange. Ce n’est pas un hasard si personne n’a été tenté de suivre ce précédent, y compris les pays les plus eurosceptiques : Hongrie, Pologne, Suède ou encore Danemark.
«Hotel California»
Si se séparer de l’UE est difficile, voire impossible, les six mois qui viennent le diront, on sait d’ores et déjà que quitter la zone euro relève du pur fantasme. La démonstration en a été apportée par la Grèce au premier semestre 2015. Alors que la gauche radicale de Syriza était déterminée à tenter l’aventure si ses partenaires ne cédaient pas à ses exigences, elle a dû y renoncer en dépit du référendum du 5 juillet 2015 rejetant le programme d’austérité négocié avec la zone euro en échange de son aide financière.
Le 14 juillet, Alexis Tsipras, le Premier ministre, a expliqué qu’une étude, commandée au printemps précédent sur les conséquences d’un Grexit, l’avait convaincu qu’il s’agissait d’une folie : non seulement la Grèce aurait dû quitter l’UE, une simple sortie de l’euro étant impossible, mais elle se serait retrouvée ipso facto en faillite puisqu’incapable de se financer sur les marchés. D’ailleurs, aucun pays n’a même envisagé d’abandonner l’euro durant la crise de 2010-2012 et, aujourd’hui, 64 % des Européens sont convaincus des bienfaits de la monnaie unique. «C’est pour cela qu’il faut soigneusement se préparer avant d’adhérer à l’Union et à l’euro, car il n’y a pas de retour possible», admet un diplomate européen. Bref, l’UE, c’est l’Hotel California des Eagles : «We are all just prisoners here, Of our own device […] You can check out any time you like, But you can never leave» («Nous sommes simplement tous prisonniers ici, De notre propre initiative […] Tu peux régler ta note quand tu veux, Mais tu ne pourras jamais partir»).
N.B.: article paru dans Libération du 13 décembre 2018