Les frontières intérieures de l’Union sont officiellement ouvertes depuis le 15 juin, même si certains pays ont tergiversé jusqu’au 1er juillet. Mais, promis, depuis, plus de risque de trouver frontière close à cause du coronavirus. Car l’enjeu est vital : il faut non seulement sauver la saison touristique, le secteur pesant jusqu’à 25 % du PIB en Croatie, 22 % à Chypre ou encore 20 % en Grèce, mais aussi redonner de l’air au transport aérien au bord de l’effondrement. Mais il y a loin, très loin de la coupe aux lèvres : franchir une frontière, même intérieure à l’Union, demeure un pari risqué.
Prenons la Grèce. Avant de partir, les voyageurs, quelles que soient leur nationalité doivent obligatoirement remplir sur un site web dédié un « passenger locator form » (PLF) disponible uniquement en anglais et en allemand (tant pis pour les autres). Il faut répondre à une série de questions sur ses coordonnées, son lieu de résidence, les pays visités au cours des derniers mois, etc. Ensuite, le gouvernement grec envoie un code QR qui sera scanné à l’arrivée. Il indique (mais ça sera la surprise du chef à l’arrivée) si on peut passer librement ou si on doit subir un test de dépistage très désagréable (un coton-tige dans le nez enfoncé jusqu’à la gorge). Le passager devra ensuite se rendre dans son lieu de résidence « final » et s’isoler 24h, le temps que le résultat du test soit connu. S’il est positif, le voyageur et ses proches ne seront pas renvoyés dans leur pays avec un masque FFP2, par exemple, mais assignés à résidence dans une chambre d’hôtel prévu à cet effet durant 14 jours.
Enfermé
Et pas question de sortir de sa chambre, même si elle fait 12m2 : le touriste sera en réalité enfermé, les repas étant livrés devant la porte ! Reste que l’on ne comprend pas bien que le touriste, en attendant le résultat du test, soit autorisé à gagner sa destination finale qui peut être une île lointaine, puisque cela lui laisse le temps de contaminer beaucoup de monde s’il est porteur du virus… Et rien ne dit comment il sera rapatrié pour être mis à l’isolement. Quoi qu’il en soit, mieux vaut procéder à un test avant de partir afin de pouvoir annuler ses vacances pour éviter une quarantaine. Sauf, bien sûr, si le voyageur a envie de vivre une expérience originale pour ses vacances.
Ce genre de surprise désagréable attend les touristes dans beaucoup de pays. Par exemple, en Hongrie, les Britanniques ont droit au même sort, mais normalement pas les autres Européens. Au Portugal, la liste des pays dont les ressortissants seront soumis à un test à l’arrivée dépend d’une décision de la direction générale de la santé, ce qui crée un rien d’incertitude. Sans compter qu’il est difficile d’entrer par la route dans le pays, l’Espagne frontalière devant faire face à des résurgences de l’épidémie. Pour pénétrer en Espagne, il faut obligatoirement remplir un formulaire de traçage, mais aux dernières nouvelles, pas de test pour les ressortissants de l’Union. Au Danemark, les Portugais sont interdits de séjour et seuls les Suédois de deux régions peuvent entrer dans le pays. En Pologne, les Suédois, les Portugais, les Britanniques et les Irlandais ne peuvent franchir les frontières.
Frontières extérieures
Vis-à-vis des pays tiers, la situation est encore pire. Certes, les Vingt-sept se sont entendus pour rouvrir les frontières avec quinze pays : Australie, Canada, Japon, Algérie, Géorgie, Nouvelle-Zélande, Maroc, Monténégro, Rwanda, Serbie, Corée du Sud, Thaïlande, Tunisie, Uruguay et Chine (mais sous condition de réciprocité). Une liste susceptible d’être révisée tous les 15 jours. Mais, comme chaque pays est souverain pour ouvrir ou pas ses frontières extérieures, c’est le chaos : seuls sept pays l’ont fait avec 14 pays : Italie, Pays-Bas, Suède, Luxembourg et les trois Baltes. La France vient de refermer ses frontières avec l’Algérie et la Grèce avec la Serbie. L’Allemagne ne les a ouverte qu’à 10 pays tiers, l’Algérie, le Maroc, le Rwanda et la Serbie étant exclus. Quelques pays demeurent totalement fermés aux pays tiers : Roumanie, Irlande, Autriche, Belgique. Enfin, on ne sait pas encore ce que font la Slovénie, Malte, la Croatie, Chypre ou encore la Pologne. La situation est tellement complexe qu’un site dédié a été créé par la Commission européenne…
Un diplomate français reconnait que tout cela n’est pas très cartésien : mais, maigre consolation, « tous les pays ont respecté la liste négative, c’est-à-dire que personne n’a ouvert ses frontières à des pays qui n’étaient pas sur la liste ». Ce qui ne semble même pas exact: la Croatie, la Hongrie ou encore la Grèce (Tom Hanks arrivé par avion privé...) acceptent des voyageurs américains.
Cette réouverture aléatoire a suscité l’agacement de Airlines for Europe (qui regroupe 16 compagnies aériennes dont Air France) : « les approches nationales divergentes nuisent à notre marché unique et vont ralentir la reprise tant attendue de l’aviation et du tourisme », a estimé, le 9 juillet, son directeur général, Thomas Renaert. « Les pays de l’UE ne respectent pas l’accord auquel ils ont abouti ensemble. Cela ne favorise pas la confiance des consommateurs et sape clairement les efforts » de redressement de ces secteurs, a ajouté Olivier Jankovec de l’ACI Europe qui représente 500 aéroports dans 45 pays européens.
Comme il est douteux que les États changent de politique à court terme, on ne voit vraiment pas comment la saison touristique pourrait être sauvée. Ce qui va accroitre la récession dans les pays les plus dépendants du tourisme… Comprenne qui pourra, alors même que l’on sait qu’une frontière ne protège pas de l’épidémie.
In the context of the exponential growth of the coronavirus disease (COVID-19), the President of the European Parliament has announced a number of measures to contain the spread of the epidemic and to safeguard Parliament's core activities.
On 2 July 2020, the Conference of Presidents updated the EP's calendar of activities.
Core activities are reduced, but maintained to ensure that the institution's legislative, budgetary, scrutiny functions together with urgent matters in the field of human rights and democracy, are continued.
Following these decisions, the next DROI Subcommittee meeting is scheduled to take place on Monday 31 August from 13.45 - 15.45. The meeting will be held remotely.
Angela Merkel, sauveuse d’une Europe gravement fragilisée par la crise du coronavirus ? Depuis que la chancelière allemande s’est ralliée devant le Bundestag, le 13 mai dernier, à la surprise générale, à l’idée française d’une mutualisation partielle des dettes publiques nationales de reconstruction, elle est en passe de rejoindre dans le panthéon européen son glorieux prédécesseur et mentor, Helmut Kohl, l’un des pères de l’euro. Pour y gagner définitivement sa place, elle doit cependant encore convaincre quelques pays « radins », qu’elle soutenait jusque-là en sous-main, d’accepter que l’Union non seulement s’endette sur les marchés financier pour aider les pays les plus touchés par la récession sans précédent qui va submerger l’Union, mais que le remboursement soit à la charge du budget communautaire. Elle entend bien utiliser pour ce faire, les leviers que lui donne la présidence semestrielle du Conseil de l’Union qui revient à l’Allemagne à partir du 1er juillet pour inscrire son nom dans l’histoire européenne avant qu’elle ne quitte la chancellerie, en octobre 2021.
Depuis 2009, et l’entrée la présidence semestrielle est devenue largement symbolique et on en parle en général très peu. En effet, les Etats membres président seulement les réunions des différentes formation du Conseil des ministres, la branche législative qui représente les Etats, et encore pas toutes : le Conseil des ministres des affaires étrangères est présidé par le ministre européen des affaires étrangères et l’Eurogroupe (qui réunit les ministres des finances de la zone euro) par un président élu. Quant à l’enceinte la plus importante, le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, elle est aussi dirigée par un président élu, actuellement Charles Michel, un libéral belge… Mais le moment et le poids politique d’Angela Merkel vont bouleverser ce complexe ordonnancement : de facto, elle sera à la manœuvre.
Cadavre
Jusqu’à présent, Merkel n’a pas été une grande européenne, contrairement à ses prédécesseurs, seul le social-démocrate Gerhard Schröder ayant été aussi peu euro-enthousiaste qu’elle. Depuis 15 ans qu’elle est pouvoir, cette chrétienne-démocrate élevée dans l’ex-RDA n’a accepté de jouer européen qu’à la condition qu’elle ne nuise pas aux intérêts allemands et n’a jamais formulé la moindre proposition pour renforcer l’intégration communautaire. « Mais en même temps elle a toujours basculé au final du côté européen, souvent très loin de ses bases de départ », souligne-t-on à Paris, comme l’a montré par exemple la crise grecque : en juillet 2015, alors que son ministre des finances, Wolfgang Schäuble, voulait expulser la Grèce de la zone euro, elle s’y est in extremis opposée, mais en posant ses conditions, ce dont, au final, l’Allemagne n’a pas eu à souffrir.
Avec la crise du coronavirus, elle tient l’occasion unique de marquer de son empreinte l’Europe. Lors de la crise de la zone euro, entre 2010 et 2012, elle avait proclamer qu’il faudrait passer sur son cadavre pour créer des obligations européennes (« eurobonds »). Avec son pragmatisme habituel, elle a brutalement changé d’avis lorsqu’elle a pris conscience que sans solidarité financière avec les pays les plus touchés par la récession, les divergences économiques entre les pays du nord et du sud (dont la France) deviendraient intenables et mettraient en péril le marché intérieur et l’euro, sources de la richesse allemande. Surtout, un éclatement de l’Union serait mis au passif de l’Allemagne qui se retrouverait, comme avant 1945, avec de solides ennemis à ses portes. Autrement dit, l’intérêt européen et allemand coïncide, comme elle l’a reconnu la semaine dernière : en acceptant de mutualiser la dette, « nous agissons aussi dans notre propre intérêt. Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que nous ayons un marché unique fort, que l’Union devienne de plus en plus unie et qu’elle ne s’effondre pas. Ce qui est bon pour l’Europe était et demeure bon pour nous (…) L’état de l’économie européenne est décisif à tant d’égards : un taux de chômage très élevé dans un pays peut y avoir un impact politique explosif. Les menaces contre la démocratie seraient alors plus grandes. Pour que l’Europe survive, son économie doit aussi survivre ». De ce point de vue, Merkel reste constante.
Isolés
Elle n’en est pas moins déterminée à ce que les Vingt-sept adoptent dès le sommet des 17 et 8 juillet, le Fonds de relance de 750 milliards d’euros proposé, le 28 mai, par la Commission présidée par sa protégée Ursula von der Leyen. La seule opposition réelle est celle du « club des radins » (Autriche, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Suède) qui rechigne à l’accepter dans sa forme actuelle : pour eux, la Commission peut certes être autorisée à emprunter, mais c’est seulement pour reprêter les sommes recueillies aux Etats qui en ont besoin. Une solidarité très partielle, puisque chaque pays restera comptable du remboursement, ce qui accroitra chaque dette nationale. Mais leur position est fragile : jusque-là soutenue en sous-main par Berlin, ils sont désormais seuls. Et Angela Merkel n’a pas l’intention de compromettre sa place dans l’histoire à cause de quelques radins.
Photo Kay Nietfeld. DPA. AP
N.B.: analyse parue dans Libération du 1er juillet